Les Mots de Sartre (fiche de lecture)
Publié le 13/10/2018
Extrait du document
C’est en 1953, en pleine période d’autocritique et de rejet de la littérature, que Sartre entreprend son autobiographie. Il en rédige la plus grande partie en 1954, sous le titre de « Jean sans Terre » : son mythe personnel ne semble pas dominé par la figure du Bâtard, comme l’affirme Francis Jeanson, mais par celle du déshérité. Cette version satirique et démythifiante fut reprise en 1963, adoucie et nuancée. C’est un récit de conversion, qui n’est pas destiné à ressusciter le passé, mais à en dégager le sens à la lumière de révélations récentes : « Jeté dans l’atmosphère de l’action, j’ai soudain vu clair dans l’espèce de névrose qui dominait toute mon œuvre antérieure ». Le narrateur tente de montrer, en évitant le détail gratuit, en utilisant le marxisme et « une certaine psychanalyse », comment un enfant, à une époque de subjectivisme et d’esthétisme, se voue à la littérature pour y trouver l’absolu. Il présente son cas comme exemplaire d’une génération et d’une classe : « A travers mon histoire, c’est celle de mon époque que je veux transcrire ». Conçu comme un adieu à la littérature, ce texte devait être rédigé « le mieux possible », « en style », et manifester avec emphase sa littérarité : dense, « dégraissé », il doit la richesse de ses significations aux relations multiples de chaque détail avec l’ensemble, aux allusions incessantes à l’œuvre entière et à toute une culture, à un jeu perpétuel de sous-entendus ironiques. Ce brillant a surpris les lecteurs du « philosophe engagé » et contestataire; certains y ont vu le reniement d’un passé considéré comme scandaleux, le retour à une forme d’écriture savante et complice.
«
le gra nd-père s'en mêle et propose à l'enfan t un aveni r de professe ur qui lui p e rm ettra d' être écrivain à ses heures de loisir .
Pou lou se rési gne d'abord à ce destin modeste.
puis
se ressais it.
ident ifi e l'écrivain à Pardai llan.
se figure po ur
a v en ir un passé de grand écrivain sauveur de l'humanité, in connu.
méconnu.
finale me n t transf ig uré par la glo ire.
Deux an s p lu s tard , rien n'a réellemenr cha ngé, malgré la guerre.
malgré l'entrée a u lycée et le bon h eur d'avoir des
camarades dans une société d'égaux : Poulou con tinue à ch er cher le sa l ut dans la gloire litté raire.
Ma is l'adul te a changé : il a perdu « l'illus ion rét rospec · t ive » e t vo it dans la lit térature une act ivité comme une
a u tr e.
une habitud e et un mét ier.
"Si je range l'Impossible
Salut au magas in des accessoires.
que reste-t-il? Tou t un homme .
fait de tous les hommes et qui les vaut tous et que
vaut n'importe q u i •.
La fin des M o ts annonçait une suite décrivan t la découve rte de la laideur et de la violence, Je remariag e de la mère, les raisons de la « conversion », Cette suite n'a jamais été écri te, m a is parlée, transcri te, filmée, face à des inter locut eu rs divers.
Da n s Situat ions IX, Mélanges (qui ra ssemble, e n 1972, des entretiens de 1960 à 1970), da n s Situations X, Politique et autobiographi e (qui ras semble en 1976 des entretiens de 1975), dans On a raison de se révolter, oil Sartre dialogue avec Philipp e Gavi et Pierre Vic tor (1974), dans les« Entre tiens de 1974 »,q ui suivent la Cérémonie des adieux de Sim one de Beauvoir ( 1981 ), les interviews et les dialogues diversement transcrits servent de documents pour une biog raphie à venir.
Ce sont de s œuvres de collab oratio n avec des jour nali stes, puis, de plus en plus, a vec des amis, qui orie n tent Je ton de l 'entr etien et même le con ten u du portrait ainsi élaboré.
Enfin, la« Radioscopie» de Jacques Chan cel (cassette, Radio-Fr ance, 7 février 1973, transcrite dans Radi osco pie, «J'ai lu», vol.
1) et le film réali sé par Alexand re Astruc et Mi chel Contat, Sartre par lui-même, échappent encore plus à la maJ'trise de l'écrivain mis e n scène : la «radi oscopie » le banalise, le film théâtra lise une intimité dans un mo ntage audiovis uel statique.
Après ces portra its officiels du gra nd écrivain figé dans sa célébr ité, la pub lica ti on posthume de deux textes intimistes fait surgir des croquis narquois pri s sur le vif par un homme jeun e qui redoutait le sérieux.
Parml les carnets que Sartre a tenus pendan t sa mobilisation, entre septembre 1939 et juin 1940, cinq seulement, sur plus de quinze, ont été retrouvés.
Arlette Elkaï m-Sartre, sa fille adoptive, les a publiés sous le titr e les Carnets de la
drôle de guerre (1983).
Sartre, qui avait toujou rs mépri sé la p ratique du journ al intime, s'y était résolu en cette circo nstance excep tionn elle .
Tl s'ag it d'un témo ignage historique sur la guerre et d'un e mlse en qu est io n de so i; il est destiné à compléter e n différé l'échange épistolaire d'alo rs avec Simone de Beauvoir, limité par la censure.
li contient, «sous une forme libre et rompue», d'une alacrité s te nd ha lienne, des «ragots, cancans, vaticina tions politiques, humeurs », des anecdotes humoristique s sur la vie quotidienne à vingt kilom ètres du front, des comptes rendu s de lectu res , des notes philosophiques et morales qui préfigu rent t'Eere et le Ndant, des analyses intros pect ives, des aut opo rtraits ironiques qui doivent « aider 1 'être p rése nt à coul er dan s le passé», dans un simple rapport d e soi à soi, sans qu' inte rvienne encore l'image que le public aura de l'écrivain.
C'es t, de toute l'œuvre sartrienne, celle qui donne la plus vive impres sion de nature l.
Les Lettres au.
Castor et à quelques
autres , éc rites de 1926 à 1 963 et publiées par les soi ns de Simone de Beauvoir en 1983, on t moins de sponta néi té : elles obéissent aux contraintes des relations fami
lières , se>.
Entretiens rassemblés dan s Situati ons IX, 1972 : «les Écrivains en personne », avec Made leine Chapsal, 1960; «l'Écrivain et sa langue», avec Pierre Verstraeten, 1965; « Sarue par Sartre», avec New Left, 197 0.
« Radioscopie ,.
de Jacques Chancel , ré a lisée et transcrite en 1973, «J'ai lu».
On a rai son de se révolter.
Discussio ns, en
collaborat1on avec Philippe Ga vi et Pierre V ictor, Gallimard, « la France sauvage», 1974.
"Ent retien inédit avec Francis Jean son» ('17 juin 1973), dans Francis Jean son, Sartre dans sa vie, Le Seuil, 1974.
Entretiens rassemblés dans Situations X, Gallimard, 1976: «Simone de Beauvoir interroge J ean- Paul Sartre», 1975; «Autoportrait à soixante-dix ans» , avec Michel Contai, 1975.
Sartre, film réalisé par Alexand re A struc et Michel Contat, transcription de la bande sonore du film Sartre par lui-même tourné en 1972 et sorti en 1976 .
« Entrelien avec Mi chel Sicard », 1977-1978, Obliques, n• 18-19, 1979.
«Entretie ns avec
Jean-Paul Sarue, aoû t-septembre 1974 »,à la suite de la Cü émo nie des adieux de Simone de Beauvoir.
Gallimard, 1981.
Les Carnets de la drôle de guerre, Gallimard, 1983.
Lettres au Cas · tor et à quelques autres, Gallim ard, 1983, tomes I et fi.
Études.
-Etudes remarquables d'acuité et de rigueur de Phi lippe Lejeune, «l'Ordre du récit dans les Mots de Sartre», dan s le Pa cte autobiographique, Le Seuil, 1975: id.,« Sartre et l'auto biog raphie parlée», dans Je est 1111 autre, L'autobiographie, de la littérature aux médias, Le Seuil.
1980: «S artre par lui même,., dan s Josette Pacaly, Sartre au miroir.
Une lecl!lre psy chanalytique de ses écrits biographiques, Klinc ksieck, 1980..
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