Les Martyrs de Chateaubriand
Publié le 27/03/2013
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L'exécution du duc d'Enghien (21 mars 1804) réveille les sentiments monarchistes de Chateaubriand. Il donne sa démission de ministre plénipotentiaire en Valais et, malgré les tentatives de !'Empereur pour le reconquérir, reste dans l'opposition. En 1806-1807, Chateaubriand entreprend un voyage à Jérusalem. A son retour, banni par Napoléon, il se réfugie, pour écrire Les Martyrs (1809), dans sa propriété de la Vallée-aux-Loups, à Châtenay-Malabry, tout près de Paris.
«
Le baptême
de Cymodocée
EXTRAITS -------~
Le deuxième épisode, celui de Velléda,
forme
un petit roman à l'intérieur des
Martyrs comme Atala et René dans
Le Génie du christianisme
Sa taille
était haute ; une tunique noire,
courte et sans manches, servait à peine de
voile à sa nudité.
Elle portait une faucille
d'or suspendue à une ceinture d'airain, et
elle
était couronnée d'une branche de
chêne.
La blancheur de ses bras et de s" ori
teint, ses yeux bleus, ses lèvres de rose, ses
longs cheveux blonds, qui flottaient épars,
annonçaient la fille des Gaulois, et contras
taient
par leur douceur avec sa démarche
fière
et sauvage.
Elle chantait d'une voix
mélodieuse des paroles terribles, et son sein
découvert s'abaissait et s'élevait comme
ma patrie!
l'écume des flots.
Lorsque Sénégax, le
père de Velléda, est
tué, Velléda accourt
et s'immole
Gaulois, suspendez
vos coups.
C'est moi
qui ai causé vos maux,
c'est moi qui ai tué
mon père.
Cessez
d'exposer vos jours
pour une fille crimi
nelle.
Le Romain est
innocent.
La vierge de
Sayne
n'a point été
outragée : elle s'est li
vrée elle-même, elle a
violé volontairement
ses vœux.
Puisse
ma
mort rendre la paix à
Alors, arrachant de son front la couronne de
verveine, et prenant à sa ceinture sa faucille
d'or, comme si elle allait faire un sacrifice
à ses
dieux:
- Je ne souillerai plus, dit-elle, ces orne
ments d'une
vestale!
Aussitôt elle porte à sa gorge l'instrument
sacré : le sang jaillit.
Comme une moisson
neuse qui a fini son ouvrage
et qui s'endort
fatiguée au bout du
sillon, Velléda s'affaisse
sur le char ; la faucille
d'or échappe à sa main
défaillante et sa tête se
penche doucement sur
son épaule.
Elle veut
prononcer encore le
nom de celui qu'elle
aime, mais sa bouche
ne fait entendre qu'un
murmure confus : déjà
je n'étais plus que dans
les songes de la fille des
Gaules, et un invincible
sommeil avait fermé ses
yeux.
Face à Velléda, voici
le
chant de
Cymodocée
prison
nière, voici
la douceur de la Grèce conquise
par le christianisme
Le souvenir de son premier bonheur et du
doux
pays de la Grèce inspira la fille
d'Homère.
Elle s'assit devant la fenêtre de
la prison,
et reposant sur sa main sa tête,
embellie du voile des martyrs, elle soupira
ces paroles harmonieuses :
- Légers vaisseaux de l'Ausonie, fendez la
mer calme et brillante ! Esclaves de
Neptune,
abandonnez la voile au souffle
amoureux des vents! Courbez-vous sur la
rame agile.
Reportez-moi, sous la garde de
mon époux et de mon père, aux rivesJortu
nées du Pamysus.
Eudore et
Cymodocée,
condamnés
à être
dévorés
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Si M.
de Chateaubriand avait peint les
mœurs réelles des Grecs du
ive siècle, il lui
aurait été impossible de leur conserver cette
couleur riante et poétique dont notre
imagination est habituée
à parer la
mythologie, il a donc usé du droit dont
jouissaient même les Anciens, il a créé un
monde païen idéal, arcadique, où les mœurs
.
sont agréables et douces, où les traditions reproduit
l'âge d'or; il
a fait pour les païens
ce que les sculpteurs de la Grèce faisaient
pour leurs héros, il les a idéalisés, ennoblis ;
plusieurs poètes célèbres lui en avaient
donné l'exemple.
Mais le droit d'idéaliser
ne .donne pas celui d'altérer, tout en
présentant les mœurs et les institutions
seulement sous leur point de vue poétique,
il faut conserver le caractère fondamental
des mœurs et l'esprit des institutions, il faut
saisir ce point de vue poétique,
c'est ce qu'a
su faire M.
de Chateaubriand, rien n'est
vague ni moderne dans ses tableaux, dans
ses personnages païens ; ils ont éminemment
cette couleur antique
qu'il est
impossible de méconnaître et que si peu de
poètes ont su trouver.
»
de la fable conservent leur empire .et leur
fraîcheur ; les deux premiers chants de son
poème sont l'idylle la plus gracieuse qui ait
1 Sipa-Jcono 2.
3, 4, 5 gravures de Staal.
éd.
De Gonet.
Paris, 1847
M.
et Mme Guizot, Le Temps passé, 1887.
«Il m'a semblé qu'il fallait rechercher un
sujet qui renfermât dans un même cadre le
tableau de deux religions, la morale, les
sacrifices, les pompes de deux cultes ; un
sujet où le langage de la
Genèse pût se faire
entendre auprès de celui de
L'Odyssée.»
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe.
CHATEAUBRIAND 05.
»
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