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Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire

Publié le 22/02/2012

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Le recueil présente une composition en différentes sections qui permettait de relier a posteriori des pièces écrites à diverses époques et d'inspiration différente, l'effet dominant étant un éloignement progressif du bonheur et une descente dans l'univers désespéré de l'angoisse et de l'ennui. La première section, Spleen et Idéal, de loin la plus importante (quatre-vingt-cinq poèmes), évoque au début la malédiction de la condition de poète et la difficulté pour ce dernier d'accéder au bonheur, soit en se consacrant à la perfection de l'art qui se dérobe, soit en aimant des femmes souvent perverses et toujours décevantes. La fuite du temps l'obsède : il rêve d'évasions exotiques, de luxe alangui. La nostalgie, le remords, le regret envahissent son inspiration, et bientôt l'horrible ennui l'investit entièrement. Baudelaire décrit alors de façon saisissante l'emprise victorieuse d'un mal fait de désespoir, d'angoisses, de cauchemars symboliques, qu'il baptise le "spleen". Les autres sections, Tableaux parisiens, Le Vin, Fleurs du mal, Révolte et La Mort, accélèrent cette déchéance par de vaines tentatives pour y échapper. Ni le spectacle de la ville, ni l'ivresse du vin, ni les comportements anormaux n'offrent d'échappatoires efficaces à sa souffrance. Seule la mort lui offrira peut-être une ouverture "sur les cieux inconnus". ?

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« • Les paradis perdusL'ailleurs est constamment idéalisé par le poète voué à l'ennui.

L'enfance est le premier paradis perdu, véritable âged'or, que célèbre le poème Moesta et Errabunda : « paradis parfumé / Où sous un clair azur tout n'est qu'amour etjoie ».

Si l'enfance est le temps de l'innocence, il est d'autres représentations, d'autres quêtes du paradis : paradisde l'« ailleurs », exotique, sauvage et primitif (La Chevelure, Parfum exotique) ; paradis de la liberté sexuelle (LaGéante : « J'eusse aimé voir son corps fleurir avec son âme / Et grandir librement dans ses terribles jeux ») ; paradisartificiel de l'ivresse.Mais cet ailleurs déçoit : nous attendons de ces voyages des sensations incroyables, nos désirs « ont la forme desnues », nous rêVons de « vastes voluptés, changeantes, inconnues » ; or, là-bas, « nous nous sommes souventennuyés, comme ici ».

Le vrai paradis appartient au passé, à une «vie antérieure» parfaite et perdue à jamais.

Il estce temps où la terre était le reflet des cieux, et où l'homme n'était pas en proie au « manque » mais détenteur du «secret » de sa vie, que seul le poète peut retrouver, parfois, fugitivement.• Le spleenQuatre poèmes des Fleurs du Mal s'intitulent Spleen.

D'autres pourraient porter ce titre.

Le terme a été emprunté àl'anglais par Diderot, mais Baudelaire l'a fait sien.

Le spleen se définit comme une neurasthénie, un état dépressif,qui prend dans l'oeuvre plusieurs formes et plusieurs degrés.

Il a ses symptômes : éternel ennui, angoisses morbides,crises hallucinatoires.

Mais le malaise physique n'est que la forme pathologique d'un mal-être moral, voiremétaphysique.

Le spleen est lié à « l'Ici », à ses « miasmes morbides », au sentiment d'exil du poète, enfermé danssa condition humaine, prisonnier du temps qui « mange la vie » (L'Ennemi), obsédé par la décomposition universelle(Une charogne), hanté par le « goût du néant ».

La beauté étrangeLa notion de beau naît aussi de la tension entre forces opposées : idéal classique de « l'éternel et l'immuable », maisculte de « la modernité » (« le transitoire, le fugitif ») ; recherche de la perfection formelle, mais assurance que « lebeau est toujours bizarre » et se niche dans le mal, dans le refus de la nature, dans le détail qui lui donne uneprofondeur inattendue ; valeur morale — dans la mesure où l'instinct du beau est source d'idéalisme et où lacréation est rédemptrice —, mais refus de toute signification morale (« De Satan ou de Dieu, qu'importe »).

Mi-divine, mi-satanique, toujours incarnée dans des figures féminines, la beauté revêt un caractère sublime, suscitanthorreur et admiration à la fois.

L'universelle analogieBaudelaire écrit une poésie d'idées, inspirée de philosophes antiques (Platon) et modernes (Swedenborg), etimprégnée d'une vision mystique de l'univers (« La Nature est un temple ») : tout y fait sens, et cette cohérenceest sensible dans les correspondances « horizontales » d'un être à l'autre, de l'homme au monde, d'une sensation àune autre (« Les parfums, les couleurs et les sons se répondent ») ; mais aussi par des correspondances «verticales » entre le monde sensible et le monde spirituel qu'il reflète (ce que symbolise le « temple »).

La fonctiondu poète est de comprendre et de traduire cette « ténébreuse et profonde unité » : il est un « déchiffreur »d'hiéroglyphes.• La femmeClassiquement, la femme est muse, inspiratrice et destinatrice du poème.

De façon plus singulière, elle est au centrede l'esthétique baudelairienne : initiatrice, « mère des souvenirs » et des correspondances, elle est l'objet privilégiédes synesthésies, comme une « invitation au voyage ».

Les images multiples qu'en donne le poète et qui sublimentles trois femmes qu'il a essentiellement aimées font d'elle un objet de culte, mystique ou sexuel, placé sur lepiédestal de la Madone ou dans le gouffre des enfers.

Figure privilégiée de la double aspiration vers Dieu et Satan, lafemme est chez Baudelaire spleen et idéal. 4 • L'ÉCRITURE Le classicisme de la formeBaudelaire refuse les libertés formelles que se sont données les romantiques.

« Parce que la forme estcontraignante, l'idée jaillit plus intense », ce principe détermine les choix de carcans : prédominance de la formecourte et notamment du sonnet ; de la strophe (quatrain, quintil), de la reprise et du refrain ; de l'alexandrin et deses régularités ; de la rime riche.

Mais de ces formes fixes le poète tire des effets toujours nouveaux : rares sontses sonnets réguliers !• Un art baroqueL'auteur cultive un art du contraste violent, alliant des termes et des qualificatifs habituellement contradictoires : «Et le ciel regardait la carcasse superbe / Comme une fleur s'épanouir.

/ La puanteur était si forte, que sur l'herbe...» (Une charogne).

Ces images, presque surréalistes par « excès de réalisme », mêlent la beauté à la laideur,l'agréable au désagréable.

Ce goût prononcé pour le paradoxe met en valeur le caractère hallucinatoire de la poésiede Baudelaire.• Le culte de la synesthésieL'écriture poétique, déterminée par la théorie des correspondances, vise, comme une « sorcellerie évocatoire », àsuggérer l'unité mystérieuse du monde : d'où la synesthésie, association entre des sensations de nature différente,mais qui semblent se suggérer l'une l'autre (« Entends, ma chère, entends la douce Nuit qui marche ») ; d'où lamétaphore, procédé le plus apte à évoquer cette universelle analogie, puisqu'elle joue sur la fusion entre deuxréalités, l'une exprimant l'autre ; d'où la musicalité, où l'effet mélodique traduit et redouble l'image : « Le soleil s'estnoyé dans son sang qui se fige ».. »

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