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Les Fleurs du mal de Baudelaire (résumé & analyse)

Publié le 16/11/2018

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Les Fleurs du mal
« Un commencement et une fin »
Dans sa Correspondance comme dans ses divers projets de Préface aux Fleurs du mal, Baudelaire a toujours exigé de son lecteur potentiel une attention particulière à l’architecture de son recueil. S’il reconnaît que celui-ci est bien le déversoir de toutes ses humeurs et convictions (« Dans ce livre atroce, j’ai mis tout mon cœur, toute ma tendresse, toute ma religion [travestie], toute ma haine... »), il désire que les Fleurs du mal soient perçues comme le fruit d’une exigeante recomposition qui a dessiné un « itinéraire » signifiant là où la vie et l’histoire n’avaient tissé qu’une suite de hasards ou d’incohérences : « Le seul éloge que je sollicite pour ce livre, écrit-il à Vigny en 1861, est qu’on reconnaisse qu’il n’est pas un pur album et qu’il a un commencement et une fin ». En feuilletant l’ouvrage, la perception des étapes de l’itinéraire est d’ailleurs évidente. Répudiant le principe, cher à Musset et à Hugo, de la classification chronologique (vraie ou fausse) des poèmes, Baudelaire a regroupé les siens en six parties qui sont autant de « stations » de sa démarche poétique.
L'édition définitive offre la structure suivante :
I. «Spleen et Idéal» (poèmes I à Lxxxv), où le poète décrit avec autant de patience que de cruauté la double postulation de son être déchiré entre sa soif d'une idéalité et d'une pureté perdues et son enlisement dans les tourments du quotidien qu'il nomme « ennui », « guignon », « tristesse », en un mot, « spleen », puisque c'est à l'unicité de ce vocable anglais qu'il a donné mission de traduire le pluralisme de ses souffrances morales et physiques.
II. « Tableaux parisiens » (poèmes lxxxvi à ciii), où la ville, la « fourmillante cité pleine de rêves », impose à la fois au créateur le miroir multiplié de sa laideur et de son mal et le mirage d'un lieu magique, fantasmatique, où se perdre, c'est aussi se retrouver.
 
III. « Le Vin » (poèmes civ à cvm), première des grandes tentations de la chair. Gros rouge des chiffonniers et des assassins, nectar des femmes galantes et des amants, il cristallise les rêves imposteurs de libération et d'arrachement vers le « paradis » perdu.
IV. « Fleurs du mal » (poèmes cix à cxvii), autre florilège des vices et « péchés » de la chair, où les « femmes damnées » voisinent avec les Béatrice et les Vénus pour le désespoir d'un être qui n'a jamais trop de courage pour « contempler (son) cœur et (son) corps sans dégoût ».
V. « Révolte » (poèmes cxviii à cxx), où l'homme, revenu de toutes les tentations et écœuré de toutes les tentatives avortées, s'adonne aux imprécations de l'esprit et aux reniements de l'âme : injures, blasphèmes, suppliques et litanies dédiées à cette autre grande figure de la marginalité et de la déchéance, Satan, « prince de l'exil » et « dieu trahi par le sort ».
VI. « La Mort» (poèmes cxxi à cxxvi), dernier pari, mais peut-être aussi dernière tentation et suprême artifice, où le «pauvre», l'« amant » et l'« artiste» confient au miracle d'un dernier « voyage » l'espérance d'une réconciliation et d'un salut.
La linéarité de cet itinéraire des Fleurs du mal ne saurait pourtant masquer deux points essentiels à sa compréhension. D’une part, et en dépit des six parties mentionnées, le rythme profond du livre est ternaire. Le premier temps, correspondant à la très longue partie «Spleen et Idéal» (85 poèmes sur 126), est celui du constat, de la description d’un état intenable parce qu’instable, toujours vacillant entre les caprices d’une sensibilité et les exigences d’une intelligence ou d’une âme. Le deuxième, correspondant aux parties II à V, embrasse tous les « paradis artificiels », depuis les plus innocents jusqu’aux plus pervers, que s’invente l’homme désespéré de ne pouvoir assurer la « maintenance » de l’autre paradis, toujours perdu, toujours dérobé. Le troisième enfin, qui tient dans la VIe et dernière partie du livre, « la Mort », est celui d’un fragile apaisement conquis par le créateur sur sa détresse au prix d’une très problématique aliénation de tout son être dans l’« inconnu » et le « nouveau ». S’il y a bien « commencement et fin » dans cette démarche, on voit donc également qu’il ne saurait y avoir dialectique dans son déploiement. Rien n’est même sans doute plus étranger à la poésie de Baudelaire que cette notion de dialectique. La dualité qui fait son drame, et qu’il identifiait aussi dans le Tann-hauser de Wagner comme « la lutte de deux principes qui ont choisi le cœur humain pour principal champ de bataille, c’est-à-dire de la chair avec l’esprit, de l’enfer avec le ciel, de Satan avec Dieu », n’est pas plus effacée par les artifices de l’existence qu’elle n’est dépassée par la mystique de l’outre-tombe. Malgré la systématisation manichéenne de la première partie, les deux suivantes n’apportent ni transgression ni résolution définitives.
Comme l’écrit H. Friedrich, la poésie des Fleurs du mal s’en tient à « une dynamique de tensions irrésolues entre le mal satanique et l’idéalité vide ». Disons qu’elle vit même de cette tension et de cette irrésolution qui s’éprouvent non seulement à l’intérieur de tel ou tel poème mais encore dans la totalité de l’œuvre, clôturée et comme recroquevillée sur ce qui la ronge et la féconde à la fois. L’analyse de la thématique du livre confirme pleinement, par ses ambiguïtés et ses contrastes, cette incoercible fatalité des contraires.
De la répulsion du naturel à la tentation des artifices
 
Si Baudelaire a voulu se démarquer clairement quelque part tant de ses aînés romantiques que de ses contem

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« porains formalistes et parnassiens, c'est bien sur le plan de l'approche de la nature et du naturel.

Les Fleurs du mal sont probablement le premier grand recueil poétique fondé sur une esthétique ouvertement >, ne lui autorisent la moindre compromission.

Ainsi, puisqu'il n'aperçoit dans le giron de l'infâme > que malignité ou perversion, > par le recours aux artifices les plus divers : > s' i 1 n'est aussi un fou du langage, iv re de mots et de rythmes.

La femme : trois profils pour un visage absent Où mieux éprouver dans les Fleurs du mal cette ivresse verbale que dans le discours amoureux? Et n'est­ ce pas pourtant un paradoxe que de voir au centre des courbes et des > du langage de Baudelaire celle que, dans Mon cœur mis à nu, il giflera de l'anathème le plus dur : : ; Apollo­ nie Sabatier enfin, la , au regard > de sphinx et de chimère, Baudelaire sait bien d'ailleurs qu'il n'est sans doute qu'>.

« Enfer ou ciel, qu'importe ...

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Le Diable! Encore lui au détour des vers des Fleurs du mal! Que n'a-t-on pas dit du conflit baudelairien entre satanisme et mysticisme, qui paraît devoir prendre la relève de celui du spleen et de l'idéal quand récriture se fait plus grave, plus désespérée encore? Le satanisme de Baudelaire n'est, en effet, pas pl us simple que n'est transparente et orthodoxe sa. »

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