LÉON BLOY: Le Désespéré.
Publié le 23/10/2012
Extrait du document
«
Anne-Marie Roulé, la
Véronique Cheminot
du
Dés esp ér é, était née
à Rennes le 25 février
1 846.
Elle avait
d'abord tenté d'entrer
en religion puis,
récusée faute de famille
et de fortune, avait erré,
s'acheminant vers la
prostitution.
C'est dans
cet état que Léon Bloy
la rencontra en février
1877 .
li la convertit
vigoureusement ,
l'exalta
et la plongea
vivante dans
l'enfer de
la mystique.
Anne
Marie fut internée
à
Sainte-Anne en juin
1882, puis transférée à
Caen où elle mourut en
1907.
EXTRAITS ----------------
Où Dieu se révèle à Marchenoir
Ce ne fut que beaucoup plus tard- après
dix ans
d'un impur noviciat dans les la
trines de l'examen philosophique, étant
déjà sur le
point de prononcer de sterco
raires vœux, -
qu'ayant parcouru, pour
la première fois, le Nouveau Testament,
durant l'oisive chaufferie de pieds
d'une
nuit de grand-garde, en 1870, il eut
l'aperception immédiate, foudroyante ,
d'une Révélation divine.
Il
s'est toujours rappelé le trouble im
mense, l'ahurissement surhumain de
cette minute
aux ailes d'aigle qui l'en
leva dans un ouragan d' ininterprétables
délices.
Il s'était dressé dans
le sentiment
nouveau
d'une force inconnue, artères
battantes et cœur en flammes ; ivre de
certitude , secoué
par le roulis d'une es
pérance mêlée d'angoisse,
prêt à toutes
les acceptations du martyre.
Portrait de Véronique avant
la rencontre de Marchenoir
Véronique Cheminot, célèbre naguère au
quartier Latin sous le nom
expressif de
la Ventouse, était une splendide goujate
que dix années, au moins, de prostitution
sur vingt-cinq
n'avaient pu flétrir.
( ...
)
Née dans un
port breton, d'une ribaude
à matelots
malencontreusement fruitée
par un cosmopolite inconnu, nourrie, on
ne savait comment, dans cet égout, pol
luée dès son enfance, putréfiée à dix ans,
vendue
par sa mère à quinze, on l'avait
vue se débiter dans toutes les halles à
poisson de la luxure, se détailler à la
main sur tous les comptoirs du stupre,
pendre à tous les crocs de la grande tri
perie du libertinage.
Le boulevard Saint-Michel l'avait assez
connue, cette rousse audacieuse qui
avait l'air de porter sur sa tête tous les
incendies
qu'elle allumait dans les reins
juvéniles des écoles.
La « Communion des Saints »
Notre liberté est solidaire de l'équilibre
du monde et
c'est là ce qu'il faut com
prendre
pour ne pas s'étonner du pro
fond mystère de la Réversibilité qui est le
nom philosophique du grand dogme de la
Communion des Saints.
Tout homme qui
produit un acte libre projette sa person
nalité dans
l'infini .
S'il donne de mau
vais
cœur un sou à un pauvre, ce sou
perce
la main du pauvre, tombe, perce la
terre , troue les soleils, traverse
le firma
ment et compromet l'univers.
S'il produit
un acte impur, il obscurcit peut-être des
milliers
de cœurs qu'il ne connaît pas, qui
correspondent mystérieusement à lui et
qui ont besoin que cet homme
soit pur,
comme un voyageur mourant de soif a
besoin du verre
d'eau de l'Évangile.
Un
acte charitable, un mouvement de vraie
pitié chante pour lui les louanges divines,
depuis
Adam jusqu'à la fin des siècles ;
il guérit les malades, console les déses
pérés, apaise les tempêtes, rachète les
captifs,
convertit les fidèles et protège
le genre humain.
Projet de couverture pour Le Désespéré,
conçu par Léon Bloy
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Je me nomme dans mon livre le
« Désespéré», et voilà, certes, une anti
phrase, car
il n'est pas possible qu'il y ait
jamais eu
un espérant plus incurable.
Comme s'il ne suffisait pas d'espérer pour
moi, j'espère pour mes amis et même pour
toute la terre, en dépit des continuelles
avanies de mon implacable sort.
Mon plus
beau rêve,
le rêve perpétuel de mes jours et
de mes nuits,
c'est d'être tellement délivré que
je devienne le libérateur des autres.
»
Léon Bloy, lettre aux Montchal.
« Je comprends fort bien que pour certains
esprits, à qui le vertige de tout abîme, d'en
haut ou
d'en bas, fut heureusement épargné,
le cas de Léon Bloy soit une énigme fort
obscure.
Mais ...
il y a des âmes péris sante s
qui cherchent la beauté dans les ténèbres et
sur lesquelles une apologétique plus
tranquille serait sans efficace.
La pure
théologie n'agirait pas non plus sur elles, car
leur raison est trop alanguie par
l'erreur; elles s'imagi nent que l'obéissance
de la foi est incompatible avec les
hardiesses de 1 'intellige nce, ou avec les jeux
et les franc
hises de 1 'art et de la beauté ;
enfin la médiocrité
d'un grand nombre de
chrétiens les épouvante.
Bloy ( ...
) inspire à
ces affamés le pressentiment de la gloire de
Dieu.
»Jacques Maritain, Quelques Pa ges
sur Léon Bloy,
Desclée de Brouwer, 1934.
1, 2 , 3 Sipa -l con o BLOY 0 3.
»
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