L'Enchanteur pourrissant d’Apollinaire (résumé & analyse)
Publié le 14/11/2018
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L'Enchanteur pourrissant
Peu diffusé, ce premier livre d’Apollinaire, récit en prose entrecoupé de poèmes publié en 1909 par Henry Kahnweiler avec des gravures sur bois d’André Derain, a suscité chez ses lecteurs des opinions contradictoires. Les uns y voient un légendaire livresque, indigeste, symbolard et juvénile, et se déclarent déçus, tel Julien
Gracq. D’autres, tel Breton, y voient le foyer dont les œuvres ultérieures ne seraient que le reflet porté.
Synopsis. — Par amour pour Viviane, l'Enchanteur Merlin lui a dévoilé, en pleine lucidité, les paroles magiques qui peuvent faire de lui un mort-vivant dans son sépulcre, capable seulement d'entendre et de parler. La traîtresse prononce la formule. Alors, dans cette Brocéliande irréelle, défilent, pour s'entretenir avec l'Enchanteur pourrissant, les animaux chthoniens, maléfiques et nocturnes tels que
«
crapauds
et serpents.
corbeaux.
hiboux.
chauves-souris,
grenouilles.
lézards et des monstres fabuleux comme le
monstre Chapalu, les guivres.
les sphinx.
Béhémoth,
Léviathan.
Viennent aussi les vieux druides qui hantent ces
lieux et une foule de personnages empruntés à toutes les
mythologies : les sor ciè res.
fées.
démons femelles et
amantes destructrices (Médée.
Dalila, Hélène de Troie).
Angélique (seule lemme à être épargnée).
les elfes, les
anges.
archanges.
séraphins et hiérarchies célestes.
Lilith.
l�s Rois mages.
et.
pour finir, les six immortels (Énoch,
Elie.
Empédocle.
Apollonius de Tyane.
Simon le Magicien
et Isaac Laquedem.
le Juif errant).
La leçon de ce caphar
naüm de mythes est désolante : l'homme et la lemme
se tiennent réciproquement pour décevants et déloyaux;
l'amour partagé apparaît impossible en raison de leur dis
semblance fondamentale.
Passionné par le Moyen Age, Apollinaire a lu à dix
neuf ans les romans de la Table ronde, Lancelot du Lac,
l'Histoire de Raymondin et Mélusine.
La légendaire forêt
d'Ardenne, qu'il découvre l'année même de ces lectures,
renforce en lui le sentiment que la forêt est une « prodi
gieuse matrice » « créatrice de prestiges et de vies sans
cesse renouvelés>> (il prend ici prestige dans son sens
vieilli de «fantasmagorie, illusion surnaturelle>>).
Il
s'assimile enfin à l'enfant sans père, au fils du diable
qu'est l'Enchanteur Merlin, et compose de tous ces élé
ments, en 1901 puis en 1903, la première version de
l 'EJ!chanteur pourrissant (publiée en 1904 dans le Festin
d'Esope).
C'est un cinéma intérieur étrange et grouillant;
la peur des séductions d'un sexe perfide et destructeur
est au fond la vraie raison de la paralysie du héros.
En
1909, Apollinaire corrigea l'ouvrage et l'inséra entre un
premier chapitre, transcrit de Lancelot, qui le met à dis
tance, et un dernier chapitre, « Onirocritique », qui
affirme la victoire du poète sur le temps.
Il tempérait
ainsi le pessimisme et la misogynie qui marquaient la
première version.
BIBLIOGRAPHIE L'édition établie, présentée et annotée par Jean Burgos
(«Lettres modernes>>, Minard, 1972), est indispensable.
Voir le
compte rendu qu'en donne Marc Pou po n (Guillaume Apollinaire,
n° 13, 1973)..
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