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L’Émile et le Contrat social

Publié le 29/11/2018

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L’Émile et le Contrat social
 
Pour sortir de l'impasse fatale où s’est engagée l’humanité, deux solutions se présentent : la solution politique, qui tente de définir un État bien constitué, et la solution pédagogique, qui forme un individu indépendamment de toute insertion sociale. Les premières pages de l’Émile reconnaissent le caractère exclusif des deux démarches : « Forcé de combattre la nature ou les institutions sociales, il faut opter entre faire un homme ou un citoyen, car on ne peut faire à la fois l’un et l’autre ». La contradiction découle de la discontinuité entre nature et culture; la vie collective suppose une transformation, une dénaturation de l'homme. A défaut d’une réforme des institutions satisfaisante, l’éducation se contente de développer chez l’enfant des principes de sociabilité sans l’adapter aux lois particulières d'une nation.
 
Émile : histoire d'une éducation
 
Livre I : L'enfant avant la parole, sans conscience de soi. Livre II : De 2 à 7 ans environ, développement de la raison sensitive.
 
Livre III : De 7 à 12 ans environ, développement de l'intelligence.
 
Livre IV : L'adolescence, la puberté, découverte du rapport à l'autre (sexualité, religiosité, sociabilité, moralité). « La Profession de foi du vicaire savoyard ».
 
Livre V : Sophie ou la femme. Le mariage. Les voyages et l'éducation politique.
 
Pédagogie et politique sont pourtant étroitement solidaires. Le bon fonctionnement de la cité nécessite une éducation nationale tandis que l’éducation privée d’Émile passe par une formation politique à la fois pratique, grâce à des voyages à travers l’Europe, et théorique, grâce à la lecture et à la réflexion. Les démarches individuelle et collective partent des mêmes hypothèses : l’homme est originellement bon; une seconde nature, inculquée dès l’enfance, peut assurer soit le bonheur de l’individu, soit la pérennité du groupe. Dans un cas comme dans l’autre se réconcilient intérêt privé et sens de l’ordre, qu’a rendus antagonistes l’aliénation de nos mauvaises sociétés. Rousseau lui-même a vécu le passage d’une condition à l’autre, de celle de citoyen, pour laquelle il a été élevé à Genève, à celle d’homme libre et indépendant, qu’il a choisie dans les dernières années de sa vie.
 
On doit songer à ce qu’était l’éducation au milieu du XVIIIe siècle pour apprécier la révolution apportée par l'Émile. Alors que l’enfant était conjointement considéré comme un petit animal à dresser et comme un homme en miniature en qui sommeillaient l’âme et les idées innées, Rousseau propose une vision cohérente de l’enfance. Il insiste sur le caractère particulier et spécifique de celle-ci et distingue les étapes par lesquelles doit passer son développement. L’éducation doit respecter les rythmes de la nature sans tenter de les accélérer.
 
Conformément au sensualisme, qui place les sensations à l’origine des idées et qui pose l’évolution physiologique comme condition de la formation intellectuelle et morale, l’habitude seule peut donner à l’enfant les principes qui le suivront toute son existence. Le rôle de l’éducateur est d’organiser la vie matérielle de son élève pour faire naître ces principes et préparer un adulte en qui la culture s’accordera enfin avec les exigences de la nature.
 
Quand Rousseau abandonne le projet d’une éducation domestique pour établir la constitution stable d’une cité, il énonce la difficulté en ces termes : « Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’aupara-vant ». La notion qui fonde une telle association est la
 
« volonté générale », à la fois interne à chacun et transcendante à tous. Chaque individu retrouve en elle, s’il sait se montrer rationnel, son intérêt particulier fondu dans l’ordre général. En obéissant à la loi, il obéit donc à soi-même. La volonté générale se distingue de la volonté de tous, qui peut être dévoyée, et s’exerce sous la forme d’une souveraineté inaliénable et indivisible. La liberté individuelle devient conscience d’appartenir à un ordre juste, conscience de la nécessité rationnelle. Le gouvernement républicain et démocratique est la forme qui correspond le mieux à ces principes.

« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Dans Du contrat social, Rousseau va définir les termes du «vrai» contrat social, fondé sur la préservation des droits naturels de l'homme.

Qu'est-ce qui faitdu contrat proposé ici un faux contrat ? Pouvez-vous définir dans quelles conditions peut se nouer un vrai contrat ? Vous produirez une argumentationorganisée en une cinquantaine de lignes. • Dans son deuxième discours, Rousseau remonte le cours de l'histoire et se donne comme projet d'analyser les conditions théoriques de l'évolutionhumaine.

« De quoi s'agit-il donc précisément dans ce Discours? D e marquer dans le progrès des choses le moment où le droit succédant à la violence, lanature fut soumise à la loi ,.

d'expliquer par quel enchaînement de prodiges le fort put se résoudre à servir le faible, et le peuple à acheter un repos en idée,aux prix d'une félicité réelle.

» Rousseau identifie le passage de la nature à la société c omme le résultat d'un faux contrat.Qu'est-ce qu'un contrat, sinon un acte juridique visant à ne léser aucun des contractants et passé entre des personnes conscientes de ce qu'elles font ?Selon Rousseau, un discours spécieux fonde toute l'organisation politique sur un faux contrat.

Notre passage illustre le principe même de l'usurpationinstitutionnalisée par la loi, le détournement du modèle naturel étudié dans le deuxième discours de Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité parmi leshommes.

Le faux contrat engendre l'es clavage de l'homme par l'homme.En effet, les contractants sont manipulés par leurs passions.

Ni le riche ni les autres n'exercent leur raison : ils ne sont pas des hommes au sens plein duterme.

Pour Rousseau, la raison n'est pas immédiatement donnée à l'homme de la nature : être sensible, il s'identifie, physiquement, à autrui, mais neraisonne pas.

Dans notre extrait, les hommes réagissent de manière passionnelle, sensitive et imaginative, aux disc ours du riche (l.

43).

Dans l'état naturel,l'homme doit encore développer sa raison et il peut y parvenir parce qu'il est perfectible.La société développe les passions lorsqu'elle avalise les usurpations perpétrées par les plus forts et dissimulées sous le couvert de mauvaises lois.

Le fauxcontrat est inégalitaire et aliénant.

La société c ivile crée alors les conditions de l'esclavage parce qu'elle déséquilibre la relative harmonie primitive ; elleperd toute légitimité parce qu'elle donne trop aux uns et pas ass ez aux autres (l.

20).

Détournées par le discours sur la propriété, les potentialités del'homme, sa raison et sa perfectibilité, ne parviennent pas à assurer un passage légitime de la nature à la culture.L'usurpation résulte d'une négation de l'égalité.

Elle engendre une privation de la liberté.

Rousseau met étroitement en relation ces deux idées .

Pour lui, laprivation de l'égalité résulte d'une première violence, qui relève de la force ; la privation de la liberté rés ulte, dans un deuxième temps, d'un artifice, d'uneconvention, qui relève de l'imaginaire de la liberté.

La difficulté tient à l'articulation des deux notions .

Rousseau ne résout pas le problème dans sondeuxième discours.

Il va le reprendre dans Du contrat social.En outre, il va aussi réfléchir aux conditions nécessaires à l'élaboration d'un bon contrat : elle exige l'élimination des passions et donc l'éducation dupeuple.

Dans Émile ou de l'éducation, Rousseau lie la rais on à l'éducation ; l'enfant doit être mis devant la nature des choses et le pédagogue a pour tâc hede régler la raison avec le vrai et le bien : « Maintenez l'enfant dans la seule dépendance des choses, vous aurez suivi l'ordre de la nature dans le progrès deson éducation.

N'accordez rien à ses désirs parce qu'il le demande mais parce qu'il en a besoin.

» La nature fournit donc un modèle à la raison dans lamesure où elle exclut le faux besoin. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes - Deuxième partieIl n'est pas possible que les hommes n'aient fait enfin des réflexions sur une situation aussi misérable, et sur les calamités dont ils étaient ac cablés.

Lesriches surtout durent bientôt sentir combien leur était désavantageuse une guerre perpétuelle dont ils faisaient seuls tous les frais et dans laquelle le risquede la vie était commun et celui des biens, particulier.

D'ailleurs, quelque couleur qu'ils pussent donner à leurs usurpations, ils sentaient assez qu'ellesn'étaient établies que sur un droit préc aire et abusif et que n'ayant été acquises que par la force, la force pouvait les leur ôter sans qu'ils eussent raison des'en plaindre.

Ceux mêmes que la seule industrie avait enrichis ne pouvaient guère fonder leur propriété sur de meilleurs titres.

Ils avaient beau dire : C 'estmoi qui ai bâti ce mur ; j'ai gagné ce terrain par mon travail.

Qui vous a donné les alignements, leur pouvait-on répondre, et en vertu de quoi prétendez-vousêtre payé à nos dépens d'un travail que nous ne vous avons point imposé ? Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt, ou souffre du besoin de ce quevous avez de trop, et qu'il vous fallait un consentement exprès et unanime du genre humain pour vous approprier sur la subsistance commune tout ce quiallait au-delà de la vôtre ? Destitué de raisons valables pour se jus tifier, et de forces suffisantes pour se défendre ; écrasant facilement un particulier, maisécrasé lui-même par des troupes de bandits, seul contre tous, et ne pouvant à cause des jalousies mutuelles s'unir avec ses égaux contre des ennemis unispar l'espoir commun du pillage, le riche, pressé par la nécessité, conçut enfin le projet le plus réfléchi qui soit jamais entré dans l'esprit humain ; ce futd'employer en sa faveur les forces mêmes de ceux qui l'attaquaient, de faire ses défens eurs de ses adversaires, de leur inspirer d'autres maximes, et de leurdonner d'autres institutions qui lui fussent aussi favorables que le droit naturel lui était contraire.Dans cette vue, après avoir exposé à ses voisins l'horreur d'une situation qui les armait tous les uns contre les autres, qui leur rendait leurs possessionsaussi onéreuses que leurs besoins, et où nul ne trouvait sa sûreté ni dans la pauvreté ni dans la richesse, il inventa aisément des rais ons spécieuses pourles amener à son but.

« Unis sons-nous, leur dit-il, pour garantir de l'oppress ion les faibles, contenir les ambitieux, et assurer à chacun la possession de cequi lui appartient.

Instituons des règlements de justice et de paix auxquels tous soient obligés de se conformer, qui ne fassent acception de personne, et quiréparent en quelque sorte les caprices de la fortune en soumettant également le puis sant et le faible à des devoirs mutuels.

En un mot, au lieu de tournernos forces contre nous-mêmes, rassemblons-les en un pouvoir suprême qui nous gouverne selon de sages lois, qui protège et défende tous les membres del'association, repousse les ennemis communs et nous maintienne dans une c oncorde éternelle.

»Question 1 : Étudiez les interventions d'auteur et énoncez la thèse de Rousseau.

Commentez. • Ici, il s'agit, pour Rousseau, de se situer au moment des origines : il veut saisir l'instant où tout semble basculer, où l'homme légitime le règne del'usurpation.

Donc, la mise en forme dramatique répond à l'exigence théorique et au désir de frapper auss i l'imagination dans un discours.

La rhétorique dudiscours persuasif passe par la mise en scène.Dans le premier paragraphe, on peut qualifier le discours du riche comme relevant du discours des passions.

Son inquiétude naît de la possess ion de biensdont il faut s'assurer la permanence.

Or, l'usurpation ne peut se justifier de manière rationnelle.

Elle résulte d'une passion et se perpétue de même, grâce àl'appui de passions relevant de l'imaginaire et donc remettant en question tout l'acquis naturel.

Donc, le riche n'est pas capable de conceptualiser, il « sent» et il « parle » : «Les riches surtout durent bientôt sentir combien...

» (l.

3) ; « ils sentaient as sez...

» (l.

8); «Ils avaient beau dire...

» (l.

14) « il inventaaisément des raisons spécieuses...

» (l.

41).L'auteur intervient pour faire entendre la voix de la légitimité : il multiplie les interrogations oratoires qui mettent en pers pective la vraie légitimité et lafausseté du raisonnement ric he.

Au travers de ces interrogations, c'est la thèse de Rousseau qui devient lisible : le consentement populaire légitime l'étatcivil et rien d'autre.

« Q ui vous a donné les alignements, leur pouvait-on répondre, et en vertu de quoi prétendez-vous être payé à nos dépens d'un travailque nous ne vous avons point imposé ? » (l.

15)La pitié suppose l'identification à l'être souffrant, essentielle chez Rousseau.

« Ignorez-vous qu'une multitude de vos frères périt, ou souffre du besoin de ceque vous avez de trop » (l.

19).

O r, le riche est dénaturé ou, du moins, ses passions rendent inactive sa tendance naturelle à la compassion, sa capacité às'identifier à autrui.

La pitié, sentiment d'appartenance à une espèce solidaire, revêt une dimension métaphysique et morale, car elle est relation à l'autre,conçu comme un représentant d'une espèce et c omme ce qui me définit.Enfin s'imposent l'excès et le manque de solidarité :« et qu'il vous fallait un consentement exprès et unanime du genre humain pour vous approprier sur lasubsistance commune tout ce qui allait au-delà de la vôtre ? » (l.

20).

La passion incite à ne pas savoir se circonscrire et à se rendre vulnérable, faute de seconnaître soi-même.. »

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