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Leiris: L’Âge d'homme

Publié le 13/01/2019

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leiris

L’Âge d' homme

 

La rédaction de ce premier essai autobiographique est pour Michel Leiris une tentative de découvrir un ordre et un sens à une vie dont l’échéance fatale accentue l’inanité : substituer à l’atonie d’un fatras d’éléments disparates la vigueur d’une épine dorsale capable de les

 

innerver, opposer à la fluidité du temps qui le ronge la « roideur » d’un corps unifié. Si tant est que le « Connais-toi toi-même » socratique soit un but sacré pour l’homme, l’exploration attentive de quelques souvenirs et instants privilégiés devrait mener à cette connaissance qui est aussi construction de soi. Puisque l’enjeu est de ne pas céder au vertige devant le gouffre amer de la mort, le jeu du torero qui n'échappe au malé-fice qu’en se l’incorporant en partie semble approprié : convergence puis ultime divergence pour éviter le contact de justesse, tel est le mouvement esquissé, que reproduit aussi (quoique imparfaitement) l’étreinte amoureuse. L’érotisme, en effet, est indissociable de la mort qu'il permet d’appréhender : réalisant la fusion en un seul être vivant et l’union matérielle au monde, il donne à l’homme, discontinu de nature, l'illusion fugitive de la continuité. C’est donc sous l’angle de l’érotisme, lieu de tangence et sujet tabou, que le poète examine l'ensemble fini de faits empruntés à l’enfance, qu’il juge fondateurs et inaltérables, révélateurs donc de la part d'ombre et de sacré enfouie en lui.

leiris

« fiee qu'en se 1' incorporant en partie semble approprié : convergence puis ultime divergence pour éviter le contact de justesse, tel est Je mouvement esquissé, que reproduit aussi (quoique imparfaitement) l'étreinte amoureuse.

L'érotisme, en effet, est indissociable de la mort qu'il permet d'appréhender: réalisant la fusion en un seul être vivan1 et l'union matérielle au monde, il donne à J'homme, discontinu de nature, lïllusion fugi­ tive de la continuité.

C'est donc sous l'angle de J'éro­ tisme, lieu de tangence et sujet tabou, que le poète exa­ mine l'ensemble fini de faits empruntés à l'enfance, qu'il juge fondateurs et inaltérables, révélateurs donc de la part d'ombre et de sacré enfouie en lui.

Ce regard sur soi lui fait valoriser les éléments visuels : autoportrait en ouverture, représentations symboliques de la Femme, idée de l'infini sur une bÇ>îte de cacao, de la vieillesse sur un album d'images d'Epi­ nal, tout est vu et donné à voir.

Les images rêvées ou réelles, théâtrales et picturales s'appellent, s'enchâssent selon un constant processus d'analogie et s'assemblem autour d'un noyau.

le tableau de Cranach l'Ancien figu­ rant Lucrèce et Judith, comme autant de variations d'un même thème.

Double motif de se référer à cette figure : son immuabilité ne peut qu'aider l'auteur à se fixer; son sujet, dualité de la femme, meurtrière et victime, manifeste jusqu· au vertige les pôles droit et gauche de toutes choses.

au point de jonction desquels éclôt le sacré.

Car il s'agit bien de transposer sa vie dans le domaine ambigu du sacré (affranchi de son sens reli­ gieux), afin d'exhausser un quotidien trop banal et d'y approcher la mort.

Une certaine théâtralité conférée à ses souvenirs, un recours réitéré aux spectacles (drames, opéras) instaurent la dimension tragique nécessaire, tout en privilégiant l'espace scénique sur la temporalité.

De plus Leiris multipliant les références aux mythologies occidentales, ou s'ingéniant à créer une mythologie per­ sonnelle, tout est investi d'une aura mythique; autre pro­ cédé d'échapper à la chronologie, le temps du mythe étant simultanément réversible et irréversible.

Raconter son espace intérieur selon ces deux modes, mythe et tragédie, c'est aussi transférer à son entreprise un peu de leur grandeur.

de leur universalité et à son écriture la valeur d'un rituel, c'est justifier la publication de ce livre qui, se proposant de parler d'un homme, parle de rous.

Mais l'édifice ainsi conçu révèle assez vite ses lézar­ des : il est impossible de se dire dans un présent proche parce qu'une vue panoramique sur soi nécessite trop de recul; une chronologie stricte et sèche réapparaît au terme de cet essai, le temps reprend ses droits et réactive l'angoisse.

Quant à l'érotisme.

il a déferlé sans que j amais la page ne frémisse à son contact; point de vue unique dans cette tentative d'unification du. »

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