Légende des siècles (la) de Victor Hugo (analyse détaillée)
Publié le 21/10/2018
Extrait du document
Légende des siècles (la). Recueil poétique de Victor Hugo (1802-1885), publié à Paris chez Michel Lévy et Hetzel en 1859 (première série avec le sous-titre Histoire - les Petites Épopées), chez Calmann-Lévy en 1877 (nouvelle série) et en 1883 (série complémentaire). Une version refondue en 61 sections paraît en 4 volumes chez Hetzel et Quantin la même année.
Si les Contemplations se définissaient comme les « Mémoires d'une âme », ce nouveau recueil, répondant au souhait de l'éditeur Hetzel d'une oeuvre narrative, retrace en une suite d'épisodes marquants, l'Histoire humaine travaillée par deux forces, l'amour et la justice, en lutte avec la volonté de puissance. Par ces 26 000 vers (45 000 si l'on y ajoute la Fin de Satan et Dieu, le triple de la Divine Comédie de Dante et le double du Paradis perdu de Milton), Hugo s'approprie à son tour le projet d'une grande épopée de l'humanité qui hante le xixe siècle romantique, et dont Vigny (Poèmes antiques et modernes), Quinet (Ahasvérus) ou Lamartine (la Chute d'un ange et Jocelyn, prévus pour l'immense ensemble avorté des Visions), parmi d'autres, ont donné des exemples de réalisation.
La première série comporte 38 poèmes, composés pour la plupart pendant l’exil, parfois amples (\"Eviradnus\" dépasse I 000 vers) ou fort courts (\"le Temple\" et \"Mahomet\" en ont quatre), et mène en 15 sections très inégales d’« Eve à Jésus» jusqu'au «Vingtième Siècle», puis « Hors des temps », en passant par « la Décadence de Rome », « l'Italie » ou « Maintenant ». Elle abonde en pièces célèbres : “la Conscience\", \"Booz endormi” (I), \"Aymerillot\" (IV), “le Petit Roi de Galice\" (V), \"la Rose de l’infante\" (IX). “Après la bataille\" ou “les Pauvres Gens” (XIII). \"Le Satyre\" (VIII), « miroir condensateur de la pensée de Hugo » (P. Albouy), met en scène, à travers la difficile libération humaine, le « rayonnement de l’âme universelle », trajet décrit par le poète, porte-parole des exclus, jusque vers l'avenir de “Plein Ciel\" (XIV).
Plus contemplative, la deuxième série comprend un poème liminaire, \"La vision d’où est sorti ce livre”, puis 84 poèmes composés avant et après l'exil, répartis en 28 sections allant de la Genèse au Cosmos, parfois situés à leur place chronologique dans l’édition définitive, mais y formant souvent des blocs non assimilés. On y trouve plusieurs pièces célèbres, comme \"le Romancero du Cid” (V), “l'Aigle du casque\" (IX), \"l'Épopée du ver” (XI) ou “le Cimetière d'Eylau\" (XXI).
La troisième série rassemble 39 poèmes disposés en 23 sections explorant l'univers des Enfers à l’Océan, également replacés selon le même principe dans l'édition définitive. S’y trouvent notamment \"les Quatre Jours d’Elcis” (VIII), \"la Vision de Dante\" (XX) et \"Océan” (XXII), datés respectivement de 1857, 1853 et 1854.
Dès Odes et Ballades, Hugo avait retracé en vers trois étapes de la civilisation, pour développer ensuite la fresque du génie humain dans la « Préface » de *Cromwell et pour travailler en historien l'intrigue de ses romans, de *Notre-Dame de Paris à *Quatrevingt-Treize. En 1848, il conçoit un vaste projet dont il a déjà écrit plusieurs fragments. Cette entreprise ne lui laisse plus de répit, et il la mène de front avec ses autres ouvrages, au travers de multiples vicissitudes. L'écriture de la Légende des siècles gagne lentement son autonomie dans l'immense production
«
textuelle des années d'exil.
"Le Satyre",
ce microcosme achevé le
17 mars 1859,
donne enfin son unité au recueil, · en
rendant sensible la marche dialectique
de l'Histoire des siècles, et le titre défi
nitif est trouvé.
La Préface de 1859
explique le caractère fragmentaire de la
première série,
et la rattache à la Fin de
Satan et à Dieu, « dénouement " et.
" couronnement » de la Légende des siè
cles.
La structure de ce premier recueil
est supérieurement travaillée, mais, par
le jeu des interpolations, l'adjonction
des deux séries suivantes la perturbe
fortement, d'autant que celle de
1877
accentue la satire en multipliant les
allusions à Napoléon III
et à la
proscription.
Quant à celle de 1883,
elle renforce ce phénomène, et le titre
devient
une simple commodité, un
principe de classement qui affecte le
lien organique nécessaire à la constitu
tion d'un recueil proprement dit.
L'édi
tion « ne varietur,., tout en proposant
un ordre chronologique, n'occulte pas
le caractère irrémédiablement lacu
naire de l'ouvrage.
Cependant, des
déroulements somptueux y composent
des harmonies symphoniques, où, sur
un thème donné, varient genres ou
types de poèmes.
S'entrelacent mor
ceaux épiques, dramatiques, narratifs
ou lyriques, où se modifient constam
ment les formes.
On ne saurait même
énumérer les mètres et les strophes uti
lisés.
On a pu dire que Hugo déployait
avec
la Légende des siècles une musique
wagnérienne.
L'Histoire se définit comme espace
humain, lieu
du concret et des mythes.
Hugo exerce
un perpétuel va-et-vient
de la réalité aux constructions imagi
naires,
en une totalisation vertigineuse
éclatée
en récits exemplaires ou visions
symboliques ,
Les personnages valent
souvent comme types génériques,
ainsi
ces « Chevaliers errants » (première
série,
V) qui représentent tous les défenseurs
des opprimés.
"La VlSlon d'où est sorti ce livre" aurait dil inau
gurer le recueil, et l'Épilogue,
"la Trom
pette
du jugement" (première série,
XV), lui faire contrepoids, comme
"Nox" et "Lux" se répondent dans les *Châtiments.
Dans cette architecture,
on peut rapprocher "le Sacre de la
femme" (première série, 1) du "Satyre",
naissance et renaissance du genre
humain · : entre ces deux
points se
déroule
la maturation de la religion,
l'apparition de l'islam (première série,
III), le cycle héroïque chrétien (IV), le
combat de la cruauté et de la
jqstice
parfois immanente et vengeresse
(" Ratbert", première série, VII, "l'Aigle
du casque"), la mort des tyrans, le
drame des civilisations, le
tout pré
senté
en une superbe imagerie roman
tique, travaillée par enluminure de la
couleur locale.
Au-delà de l'interven
tion des héros (Eviradnus, Roland), la
justice se déploie dans les accents ven
geurs de poèmes comme
"Welf, Castel
lan
d'Osbor" (deuxième série, VIII), fai
sant du recueil un livre de colère.
Cette évolution créatrice
n'aboutit
pas, dans le premier recueil, à la Révo
lution : on passe sans transition
du
xvne siècle du "Régiment du baron
Madruce" (XII) au x1xe.
Cependant,
"Maintenant" (XIII) se compose de
chants de bonté rendus possibles par
les révolutions
en cours, bonté du père,
de l'enfant, de la femme, de la bête qui
n'exclut pas l'héroïsme.
C'est que les
siècles se confondent, pour engendrer
la douloureuse libération humaine.
À
cette vision historique vient s'ajouter
une philosophie de l'univers,
où la
pensée de Dieu s'énonce dans
un culte
naturiste de la vie
et selon une loi de
pitié.
La Légende des siècles illustre super
bement la conception hugolienne
du poète épique, celui qui résout le
problème de
« la génération du réel
dans l'art
» (William Shakespeare,.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La Légende des Siècles de Victor Hugo (analyse)
- LA LÉGENDE DES SIÈCLES d'Hugo (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
- Victor HUGO: La Légende des siècles (Résumé & Analyse)
- Notre-Dame de Paris. Roman de Victor Hugo (analyse détaillée)
- LÉGENDE DES SIÈCLES (La) de VictoR Hugo (résumé)