Lecture cursive - Jules Supervielle
Publié le 28/02/2020
Extrait du document
«
Là encore, il personnifie la ville comme de quelqu'un de vivant « renouer ».
• Si ne devrais garder qu'une seul page; qu'un seul poème du recueil, je garderais
la page 22 intitulé Paquebot, car ce poème évoque les nombreuses traversées
de l'Atlantique effectuées par Jules Supervielle à l'occasion de ses nombreux
voyages entre la France et l'Uruguay.
Il décrit la vie à bord des grands
paquebots et nous livre ses réflexions sur ce monde étrange.
«L'Atlantique est là qui, de toutes parts, s'est généralisé depuis quinze jours, avec son sel et son odeur vieille comme le monde, qui couvre, marque les choses du bord, s'allonge dans la chambre de chauffe, rôde dans la soute au charbon, enveloppe ce bruit de forge, s'annexe sa flamme si terrestre, entre dans toutes les cabines, monte au fumoir, se mêlant aux jeux de cartes, se faufilant entre chaque carte, si bien que tout le navire, et même les lettres qui sont dans les enveloppes cinq fois cachetées de rouge au fond des sacs postaux, tout baigne dans une buée, dans une confirmation marine, comme ce petit oiseau des îles dans sa cage des îles. La voici la face de l'Atlantique dans cette grande pièce carrée si fière de ses angles en pleine mer, ce salon où tout feint l'aplomb et l'air solidement attaché de graves meubles sur le continent, mais souffre d'un tremblement maritime ou d'un quiétude suspecte, même la lourde cheminée avec ses fausses bûches éclairées à l'électricité qui joue la cheminée de château assise en terre depuis des siècles. Que prétend ce calendrier, fixé, encadré, et qui sévèrement annonce samedi 17 juillet, ce journal acheté à la dernière escale et qui donne des nouvelles des peuples, ce vieux billet de tramway retrouvé dans ma poche et qui me propose de renouer avec la Ville ? Que témoignent toutes ces têtes autour de moi, tous ces agglomérés humains, qui vont et viennent sur le pont de bois mouvant entre ciel et vagues, promenant leur bilan mortel, leurs chansons qui font ici des couacs aigrelets, et prétendent qu'il faudrait à cette mer qui prend toujours et se refuse, quelques cubes en pierre de taille avec ces fenêtres et pots de géranium, un coteau dominé par la gare d'un funiculaire et un drapeau tandis que sur le côté, des recrues marcheraient; une, deux, une deux, sur un terrain de manœuvre. Mais sait-elle même qu'il existe l'homme qui fume ces cigares accoudé au bastingage, le sait elle, la mer, cette aveugle de naissance, qui n'a pas compris encore ce que c'est qu'un noyé et le tourne et le retourne sous ses interrogations ?» Jules Supervielle "Paquebot" - Débarcadères , 1922 • Oui, je peux percevoir dans ce recueil une idée d'alchimie/magie poétique car en effet, le poète personnifie les villes portuaires dans lesquelles il a voyagé, notamment dans le poème Marseille. De plus, il rend ces villes à la fois réelles et magiques, et pour certaine, il les rends mythiques comme dans le recueil des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, on l'on perçoit bien une forme d'alchimie, de spleen et d'idéal.. »
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