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Le Voyage en Amérique et les Natchez de Chateaubriand

Publié le 19/11/2018

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Le Voyage en Amérique

et les Natchez

 

Révélés par l’édition des Œuvres complètes de 1826, le Voyage en Amérique et les Natchez faisaient partie du fameux manuscrit de plus de 2 000 pages, l'« original primitif », oublié dans une malle londonienne, « exhumé » une quinzaine d’années plus tard et « restauré » dans sa forme et son contenu après avoir été partiellement exploité dans l'Essai, dans le Génie et dans les Martyrs de 1809. Pour restituer à cet « original » sa fraîcheur, il faudrait se livrer à une véritable archéologie textuelle et intertextuelle. Censurées ou « bricolées », les versions définitives des deux ouvrages laissent néanmoins suffisamment percer le sens de ce qu’aura été pour Chateaubriand la leçon américaine.

Le jeune homme qui embarque le 8 avril 1791 à bord du Saint-Pierre a un alibi : découvrir au nord-ouest un nouveau passage interocéanique; un souvenir : celui du bon sauvage cher à Montaigne et Rousseau; une espérance : rapporter de son exploration le cadre d’un futur « roman canadien ». Si la lecture critique du Voyage de 1826 trahit la faiblesse de l’alibi et le naufrage du souvenir, celle des Natchez confirme l’émergence, en Amérique, de l’écriture romanesque de l’auteur de René. Henri Guillemin a trop démontré les « mensonges » de la relation de l’itinéraire américain pour qu’il suffise de rappeler que la vérité de Chateaubriand voyageur est rarement une vérité de fait mais plutôt une vérité de « contamination » entre le monde des réalités et celui des livres (en l’occurrence, ceux de Charlevoix, Prévost et Carver) dont il ne se sépare jamais. Plus important est l’autre « mensonge » démasqué et médité dans le Voyage : celui d’un Nouveau Monde dont les structures sociales, commerciales, comme l’idéologie, démentent les images d’une philosophie européenne qui avait fondé, dans cet ailleurs naturel et sauvage, toute une mythologie du salut.

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« Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)Chateaubriand - Voyage en Amérique, «Journal sans date» Chateaubriand séjourna aux États-Unis de juillet à décembre 1791.

Ce passage est extrait du Voyage en Amériquequi relate ses impressions de voyageur. Le ciel est pur sur ma tête, l'onde limpide sous mon canot, qui fuit devant une légère brise.

A ma gauche sont descollines taillées à pic et flanquées de rochers d'où pendent des convolvulus1 à fleurs blanches et bleues, desfestons de 5 bignonias2, de longues graminées, des plantes saxatiles3 de toutes les couleurs; à ma droite règnentde vastes prairies.

A mesure que le canot s'avance, s'ouvrent de nouvelles scènes et de nouveaux points de vue :tantôt ce sont des vallées solitaires et riantes, tantôt des collines nues; ici, c'est une 10 forêt de cyprès, dont onaperçoit les portiques sombres; là, c'est un bois léger d'érables, où le soleil se joue comme à travers une dentelle. Liberté primitive, je te retrouve enfin! Je passe comme cet oiseau qui vole devant moi, qui se dirige au hasard, etn'est 15 embarrassé que du choix des ombrages.

Me voilà tel que le Tout-Puissant m'a créé, souverain de la nature,porté triomphant sur les eaux, tandis que les habitants des fleuves accompagnent ma course, que les peuples del'air me chantent leurs hymnes, que les bêtes de la terre me saluent, 20 que les forêts courbent leur cime sur monpassage.

Est-ce sur le front de l'homme de la société ou sur le mien, qu'est gravé le sceau immortel de notreorigine? Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous soumettre à vos petites lois, gagnez votre pain à la sueurde votre front, ou dévorez le pain du 25 pauvre; égorgez-vous pour un mot, pour un maître; doutez de l'existencede Dieu, ou adorez-le sous des formes superstitieuses : moi j'irai errant dans mes solitudes; pas un battement demon cœur ne sera comprimé; pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée; je serai libre comme la nature; 30 jene connaîtrai comme souverain que celui qui alluma la flamme des soleils, et qui d'un seul coup de sa main fit roulertous les mondes. Voyage en Amérique, «Journal sans date» 1.

Sortes de liserons dont les fleurs sont roulées, d'où leur nom.

— 2.

Plante de Virginie qu'on appelle aussi jasmin-trompette.

- 3.

Plante poussant dans les rochers.. »

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