Le personnage de HAMLET
Publié le 03/11/2017
Extrait du document
HAMLET. Un crime secret a été commis. Le roi de Danemark a été assassiné par son frére — Claudius — lequel est monté sur le trône et a pris pour femme Gertrude, la veuve de la victime. Un fantôme en a informé Hamlet, le fils du roi assassiné — Hamlet seul, sans témoin. Hormis le meurtrier lui-même — le roi - nul n’a connaissance du crime. L’ordre qui règne au Danemark est tel en ce moment que, si quelqu’un s’avisait de le dénoncer, personne ne le croirait. Le fantôme, du fait qu’il est un fantôme, n’est pas aux yeux d'Hamlet un témoin absolument digne de foi. Ce qui est essentiel ici ne repose sur aucune preuve, et pourtant c’est presque comme si Hamlet le savait. Il se trouve voué dés lors à une seule et unique mission : prouver ce qui échappe à toute preuve, et, l’ayant prouvé, passer à l’action. Tout le drame, c'est Hamlet cherchant la vérité. Mais la vérité, ce n'est pas seuiement telle réponse à une question isolée touchant la réalité matérielle du crime. Il y va d'autre chose: la situation de l'univers dans son ensemble est mise en question du fait que cela ait pu se passer, demeurer secret, et qu’il reste impossible, maintenant encore, de faire éclater la lumière. A l’instant où Hamlet prend clairement conscience de sa mission, il sait aussi que « Le temps est hors des gonds. O sort maudit / Que ce soit moi qui aie à le rétablir!... ».
Lorsqu’il vous arrive ce qui est arrivé à Hamlet — savoir ce que personne ne sait, sans pourtant en être tout a fait certain — le monde entier apparaît neuf et différent. On doit garder pour soi un secret impossible à communiquer. Tout être humain, toute situation, tout ordre apparaissent, à cause de la résistance qu'ils opposent, comme des moyens servant à masquer la vérité, et, par là, comme appartenant eux-mêmes au mensonge. Tout s’effrite. Même les meilleurs, ceux qu'animent les meilleures intentions - Ophélie, Laërte -,trahissent, chacun à sa manière. «Un honnête homme, au train dont va le monde, on en trouve un sur dix mille. » (II, 2.)
Ce qu'Hamlet sait, ce qu'il veut savoir le sépare du monde. Il y est sans pouvoir s’y adapter. Il y joue le rôle d’un fou. Dans ce monde faux, la folie est le masque qui lui permet, pensant ce qu'il pense, d’éviter l’hypocrisie, de ne pas temoigner un respect qu’il n'éprouve pas. Grâce à l’ironie, il peut être siocère. Il peut dire n’importe quoi, vrai ou faux, et — ambigu aux yeux de tous — le couvrir en jouant la folie. Tel est le rôle qui lui convient, le seul qu’il puisse assumer puisque la vérité n'en tolère pas d'autre.
Il est un instant où Hamlet prend conscience de son destin d’exception, qui l’exclut désormais de l’existence commune ; bouleversé, il comprend en un éclair ce qui lui arrive. Alors, disant adieu à toutes les chances d’une condition humaine ordinaire, et dissimulant aussi cet adieu. il dit à ses amis :
«
sait
et ne sait pas, tout en ayant la force sou
veraine de percer à jour le réel jusqu'en son
tréfonds.
Même quand il se laisse emporter un
instant par son tempérament, par une émotion
à son paroxysme, si bien que, croyant frapper
le roi, il tue Polonius •, il n'est pas d'accord
avec lui-même ; et eût-il atteint le roi, il ne le
serait pas davantage.
Pour que sa mission ait
un sens, en effet, il faut que le crime du roi -
et non pas seulement la vengeance -éclate de
façon indubitable aux yeux de l'époque entière.
Certes, si l'on appelle «agir» les interventions
violentes et �éneralement aveugles des hom
mes dits « decidés », alors il faut reconnaître
qu'Hamlet n'« agit» pas: il ne cède pas à une
impulsivité irréfléchie.
Il reste captif de ce qu'il
sait, et du savoir de ce qu'il ne sait pas, alors
que ceux qui ne sont que «décidés», maiJlré la
force avec laquelle ils s'affirment, malgre leur
obéissance exempte de pensée, leurs coups
sans problème, leur violence brutale, restent en
fait prisonniers de leurs étroites illusions.
Il
faut s'être laissé grossièrement séduire par un
tel déchaînement d'« action» incontrôlee chez
des hommes dont la liberté est en fait restée
passive, pour en venir à reprocher à Hamlet
son inaction.
Cest le contraire qui est vrai.
Au moment
où sa mission lui apparaît en toute clarté,
Hamlet dit: «Ma destmée m'appelle 1 Et fait
la moindre fibre de mon corps 1 Dure comme
le nerf du lion de Némée.
» (1, 4.) Et il en est
ainsi jusque dans ses brusques volte-face, au
cours du combat avec Laërte, où il finit par
trouver la mort.
Chaque nuance du texte
exprime cette tension entre le regard le plus
clairvoyant et l'engagement actif, tendu vers
son but; -une seule fois cette tension s'inter
rompt : lors du coup d'épée donné à Polonius,
dans cet acte aveugle déclenché par l'émotion,
hors du contrôle lucide.
Or l'action et le mas
que ne sont pas à eux seuls toute la vérité ;
ceUe-ci doit encore se manifester clairement
dans la conscience des contemporains.
Hamlet
pense à eux, comme le montrent les paroles
qu'il adresse, mourant, à Horatio • qui veut
mourir avec lui : «Oh par Dieu, Horatio, quel
nom terni 1 Me survivrait si rien n'était
connu ! 1 Si jamais j'ai eu place dans ton cœur,
1 Prive-toi un moment des joies du ciel 1 Et
respire à regret dans cet âpre monde 1 Pour
dire ce que je fus.» (V, 2.)
Le destin d'Hamlet est insoluble : voué à la
volonté illimitée de vérité, il reste cependant
incapable d'indiquer le juste, le vrai, le bien en
soi.
Il s'achève dans le silence.
Quelques points
de repère subsistent pourtant qui, sans etre le
vrai en soi, suscitent, au fur et a mesure que le
destin d' Hamlet se déroule, une sorte de
consentement, non pour lui, mais, à partir de
lui, pour d'autres.
Tel est le «oui »adressé par
Hamlet en ce monde à des hommes qui, par le
contraste qu'ils forment avec lui dans la tra
gédie, élèvent encore une fois sa condition
d'exception et son destin jusqu'à une hauteur
presque inaccessible.
Horatio
est l'uni!l.ue ami d'Hamlet : un
homme sincère et fidele, capable de supporter
n'importe quoi, prêt à la mort.
Hamlet lui
parle en ces termes: « Dès que mon cœur fut
maître de son choix, 1 Dès qu'il sut distinguer
entre les hommes, 1 Il t'a élu sans appel.
Car tu
étais, 1 Ayant tout à souffrir, celui qui ne
souffre pas, 1 Acceptant aussi uniment les
coups du sort 1 Que ses quelques faveurs.
Bénis
soient-ils, 1 Ceux do:�t raison et sang s'unissent
si bien 1 Qu'ils ne sont pas la flûte que Fortune
1 Fait chanter à son gre ! Que l'on me montre
un homme 1 Qui ne soit pas l'esclave de ses
passions, je le garderai 1 Au profond de mon
cœur, dans ce cœur du cœur 1 Où je te garde,
toi.
Mais je t'en ai trop dit...
» (III, 2.)
Horatio, par sa nature et son caractère, est
parent d'Hamlet.
Mais la mission et le destin
de ce dernier lui font suivre un chemin abso
lument solitaire, celui d'une expenence
suprême qu'il ne peut partager avec per
sonne.
Fortinbras, c'est l'homme qui vit sans
s'interroger, plein d'une confiance spontanée
en la réalité du monde et y son
activité.
Il agit avec insouctance.
tient à
l'honneur.
Après la mort d'Hamlet il déclare
simplement: > (IV, 4.)
Hamlet ne peut être ni Horatio, ni Fortin
bras.
N'a-t-il donc aucune possibilité propre de
s'accomplir? Dans l'effroi du problème de la
vérité tel qu'il a éclaté soudain, il semble ne
plus y avoir pour lui de réalisation possible,
sinon négative.
Une seule fois pourtant le
poète accorde à Hamlet d'entrevoir un instant.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- POLONIUS. Personnage d'Hamlet
- Le personnage de LAËRTE de Shakespeare Hamlet
- Le personnage de OPHÉLIE de Shakespeare Hamlet
- Rien de plus singulier que le personnage de Hamlet (1).
- HAMLET (analyse du personnage)