LE NEZ de Gogol

« du tout ce qui arriva ensuite...

» (p.

109). Chapitre III (pp.

109 à 112) Au matin du 7 avril, Kovaliov, en s'éveillant, constate que son nez a repris sa place sur son visage.

Heureux etsoulagé, il va se faire raser chez le coiffeur Ivan lakovlévitch.

Kovaliov reprend son activité sociale.

Le narrateurlivre un bilan des événements : voilà une histoire étrange, le comportement des principaux Intervenants frappe parson caractère ridicule et inconvenant, personne ne retire aucun avantage de ce genre d'histoire...

Il n'empêchequ'elles arrivent parfois.Nous nous trouvons sans doute ici en présence de la nouvelle la plus déroutante de l'ensemble.

Les contemporainsn'ont pas manqué de s'étonner ou de rire de la désinvolture et de l'absurdité du texte.

Pouchkine le qualifiait de «pochade » pleine « d'inattendu, de fantastique, de gai, d'original' ».

Plus près de nous, un critique a parlé du textecomme d'« une sorte de pantomime stylistique, une composition bigarrée de tons et de styles, dénuée deprétentions morales et idéologiques ».

Ces jugements invitent à produire une réflexion susceptible de prendre encompte les particularités de cette nouvelle. Structure de l'ensemble : le problème du temps Le texte nous donne des indications temporelles relativement précises.

L'action commence au matin d'un 25 mars etse termine au matin d'un 7 avril.

Nous sommes mis en présence d'indices objectifs renvoyant à une progression.

Unobjet disparaît, puis il est retrouvé : nous sommes là en terrain connu.

Mais cessimilitudes avec les conventions narrativesdu récit classique, dans lequel le hérosarrive au terme de sa quête avec lacollaboration d'adjuvants qui contrecarrentl'influence d'éventuels opposants, nesauraient rendre compte de la spécificité del'enchaînement narratif. La disposition des différents épisodes sur l'axeimaginaire du temps s'opère en effet au détrimentdu principe de non-contradiction.

Le coiffeur Ivanlakovlévitch découvre un nez chez lui et parvient,au prix de mille difficultés, à s'en débarrasser(chapitre i).

Or...

il ne s'en est nullementdébarrassé, puisque le nez a été retrouvé : unpolicier le rapporte à son propriétaire.

Il étaittemps : le nez allait prendre la diligence de Riga.S'agit-il alors d'un autre nez en fuite ? Impossiblede le savoir.

Et les contradictions ne s'arrêtentpas là : ce nez, dont les autorités scientifiquesprétendaient qu'il ne pourrait regagner sa place(chapitre ii), la réintègre pourtant sans prévenir(chapitre in) : n'était-il jamais parti ? Tout celan'était-il qu'un rêve ? Gogol en avait décidé ainsidans un premier temps'.

Mais nous n'en sauronspas davantage, puisque le narrateur lui-même, àchaque articulation du récit (cf.

les derniers mots des chapitres j et ii), souligne malignement qu'unvoile de mystère interdit de percer le secret desévénements.

Quand la logique de la prose réalistes'emploie à la mise en place d'un univers dont lesconventions se règlent sur la réalité extra-linguistique, Le Nez nous montre au contraire un univers régi par le principe du jeu.

Les questionsrelatives à la vraisemblance la plus élémentairesont évacuées : le nez a pu disparaître et ne pas disparaître, il a pu être jeté du pont et ne pas enêtre jeté, le coiffeur peut jouer ou non un rôledans sa disparition, etc.

Le texte se contented'exhiber plusieurs possibles narratifs.

Lesréférences à une chronologie objectivefonctionnent comme un simple leurre.. »