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LE NEVEU DE RAMEAU de Diderot (analyse détaillée)

Publié le 19/10/2018

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rameau

Le roman réaliste avant Diderot. — Le Neveu de Rameau est un roman ou, comme l’intitule Diderot, une satire réaliste. Vers 1762, c’était un genre qui était à peu près oublié. On écrivait toujours des romans ou des contes d’aventures abondants en brigands, corsaires, naufrages, îles désertes, enlèvements et meurtres. On publiait toujours des romans ou contes d’analyse psychologique à la façon de de La Fayette, de Marivaux ou de Manon Lescaut On publiait surtout des contes satiriques et philosophiques où la « folie » prétendait vendre la sagesse. Voltaire avait publié Zadig, Micromégas, Candide. On s’engouait enfin des délices du sentiment et des beautés de la vertu. Les romans Anglais de Richardson (Paméla et Clarisse Harlowe) avaient mis à la mode les sermons. Richardson ne se piquait ni de bel esprit, ni même de style. Il voulait nous faire aimer la vertu héroïque de sa Clarisse et détester les scélératesses du séducteur Lovclace. Enfin, on commençait à se lasser de l'esprit « géométrique » et de l'esprit tout court. Il ne suffisait plus d’une analyse précise et raisonneuse des sentiments. On en voulait la peinture et l’on voulait qu’elle fût pleine de \"mouvement\" et de « chaleur ». La Nouvelle Héloïse parut en 1761. Elle subjugua, non parce qu’elle était bien « pensée » et bien ordonnée, mais parce qu’elle fit couler les larmes, parce qu’elle souleva l’enthousiasme du sentiment et celui de la vertu.

 

Il y a très peu d’études de mœurs dans tout cela et très peu de réalisme. Le roman de mœurs et le goût réaliste ne disparaissent pas après Lesage et le Paysan parvenu de Marivaux; il apparaît discrètement dans quelques contes de Voltaire; on lit toujours, vers 1760, le Roman comique de Scarron. Mais il descend d’un étage ; il sort de la littérature pour prendre place dans ce qu’on appelait le« roman de garnison ». Il ne réapparaîtra avec quelquesuccès, que dans les romans de Restif de la Bretonne (après 1770). Les romans de Richardson étaient sans doute des romans rigoureusement réalistes ; Richardson n’y craignait ni les médiocrités ni les grossièretés de la vie ou même de la débauche. Mais on n’approuva en France ni les unes ni les autres ; on les élagua dans les traductions, et les lecteurs goûtèrent peu ce qu’il en restait. L’un des mérites du Ne eu de Rameau et de Jacques le fataliste est d'avoir restitué dans le roman français des visions précises et pittoresques de la vie réelle, médiocre ou basse.

 

 

 

Le réalisme et le tempérament de Diderot. — Diderot avait pourtant un goût très vif pour les moralités et le sentiment. Il y avait deux hommes en lui, qui ne luttaient guère, car Diderot n’eut jamais le scrupule de se mettre d’accord avec lui-même, mais qui conduisaient sa plume l’un après l’autre. Il croyait, fermement, qu’il ne fallait écrire que pour moraliser, qu’il n’y avait ni société, ni bonheur, ni art possibles sans la vertu. Il publiait les sermons que sont le Père de famille, le Fils naturel, et maintes pages des Salons. Il écrivait passionnément à Mlle Volland. Mais ce Diderot, vertueux, tendre, optimiste, est gêné par le Diderot philosophe et observateur. Le philosophe démontre qu’il n’y a rien dans la nature que la matière et les lois de la matière, que nous ne sommes pas plus libres qu’une montre, et qu’il est absurde de louer la vertu d’une montre qui marche bien ou de blâmer le vice d’une montre qui marche mal. L’observateur constate que si la satisfaction de la conscience récompense l’honnête homme, c’est à peu près la seule satisfaction dont il puisse être sûr ; que les honneurs, la richesse et l’estime vont aux puissants, non aux honnêtes et qu’on conquiert la puissance par la ruse, l’audace et la fourberie, non par la vertu.

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