Le Mystère de la Passion de Gréban
Publié le 23/02/2013
Extrait du document
Le nom de mystère était donné, au xive et au xve siècles, à des oeuvres théâtrales de caractère religieux ou profane, le mot signifiant« représentation «, bien qu'il désignât à l'origine (au xe siècle) les intermèdes joués entre les offices lors des grandes fêtes religieuses. Arnoul Gréban, né vers 1420 au Mans, étudia la théologie à l'Université de Paris. Pour payer ses études, il occupa le poste d'organiste et de maître de chapelle de la cathédrale, ainsi que celui de professeur de musique, de logique et de grammaire. Après quoi, il retourna au Mans, où il exerça le métier de chanoine. Outre Le Mystère de la Passion, il composa avec son frère Simon une seconde oeuvre encore plus longue que la première, Le Mystère des Actes des Apôtres. Il est mort au Mans en 1471.
«
EXTRAITS
Monologue de Madeleine :
crainte et doute de la pécheresse
-Hélas, pourquoi faut-il qu'une fois arri
vée devant la maison
où j'ai tant désiré
venir, une fois en vue
de ma joie et de mon
bonheur,
et sur le
point de trouver le
remède à toute ma
détresse, le
cœur et
les mots me man
quent ?
- Que dois-tu faire,
malheureuse ? Auras
tu le courage
d'en
trer et de montrer ton
mal à celui qui peut
le guérir?
- Entrer ? Comment
as-tu
osé prononcer
ce
mot? Une péche
resse invétérée com
me toi, et qui ne
connaît rien d'autre
que
le vice, doit-elle
se
présenter devant
la sainte face du Fils
de Dieu ? Ne suis-je pas indigne de rencon
trer
le trésor de tout bien, alors quel' ordure
de mon péché me fait peur comme fiente ?
Il vaut mieux que
je m'en aille.
Couronnement grotesque du Christ
par ses bourreau x
GRIFFON.
- Vive notre nouveau roi au milieu
de sa
cour!
CLAQUEDENT.
-Sa couronne est belle , mais
ses habits ne sont pas très propres .
BRAILLARD.
- Et où est donc sa garde, qu'on
ne la voie pas ici ?
OREILLARD.
-Son escorte habituelle doit
penser qu'il est en train de faire un ser
mon ! .
..
Et si on lui donnait la cotée pour
finir?
GRIFFON .
- Regardez le sang couler : il en a
plein
la gueule.
Ne compte pas sur moi pour
avoir pitié de toi, espèce de
faux jeton !
Autant s'attendrir sur ces mauvais plaisants
qui finissent
par payer au gibet la dîme
qu'ils n'ont pas voulu verser en gerbes.
CLAQUEDENT.
-Si on s'amusait à lui arra
cher la barbe ? Il l'a trop longue !
BRAILLARD.
- le gagnant sera celui qui aura
la plus grosse poignée de poils.
Les démons rentrent bredouilles
à la fin de la pièce
LUCIFER.
- Comment ? Avec toutes vos
courses par monts et par vaux, vous n'êtes
arrivés à rien ?
SATAN .
- Je n'ai rien à vous cacher, c'est
comme
je vous le dis : ce fameux Jésus est
monté dans la gloire au Paradis en traînant
avec lui toutes les générations passées des
hommes, patriarches, prophètes, une telle
foule que
j'ai cru enrager de les voir partir.
LUCIFER.
- Et toi, l'ennemi invétéré du genre
humain, tu t'es tenu à l'écart ?
Tu n'as pas
couru à travers champs pour en rattraper
au moins une dizaine ou une douzaine , en
choisissant les pires et pour les traîner dans
notre fournaise ?
SATAN.
- C'est facile à dire ! Ils n'avaient
plus peur ni de vous ni de nous .
Ils res
plendissaient comme le soleil en
plein
jour ! Quand j'ai vu ça, je me suis cassé
la gueu le d' hor
reur et de honte,
et
me voilà au
rapport!
N O TE S D E L'ÉDITEUR
«le Mystère de la Passion est une pièce de
théâtre qui doit retenir l'attention du public
pendant de longues heures, ce qui
implique
une manière particulière de traiter le sujet.
S 'il y
a bien un texte très dense,
la
représentation utilise aussi toutes les
possibilités qui
lui sont fournies pour le
rendre vivant.
Elle a recours à une
machinerie sophistiquée et
à des effets à
grand spectacle que 1' on a pu rapprocher de
la mise en scène de
l'opéra, mais qui paraissent
à notre
époque devoir plutôt être
mis en
parallèle avec les trucages et effets
spéciaux du cinéma.
Ces procédés
permettent de frapper
le spectateur de crainte
ou d'émerveillement en
l'introduisant au
paradis comme en enfer et en ménageant des
changements de registres propres à capter
son attention.
» Micheline de Combarieu du
Grès et Jean Subrenat,
le Mystère de la
Passion, introduction , Gallimard, 1987.
dans
un chaos un peu turbulent, se mêlent
les scènes les plus graves, les joyeuses
plaisanteries des diables et les propos
cyniques des bourreaux,
il est nécessaire de
prendre un certain recul.
(
...
) Ainsi, dans
une cathédra le, lorsque le regard les
contemple à la distance voulu e, les
sculptures édifiantes ou bouffonnes qui
peuplent les galbes
et les tympans
s'ordonnent dans
l'harmonie des grandes
lignes architecturales.
» Jean Pontcharra,
«Le Vrai Mystère de la Passion », in
Études, 224, Paris, 1935.
1, 2, 3 peintu r es de R.
Va n d er Weyden : 1, 2 Gira udon ; 3 Édiméd ia
« Pour apprécier comme il convient
l'ordonnance de cette vaste composition où,
GRÉB AN 02.
»
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