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Le Mépris d'Alberto Moravia (Fiche de lecture, analyse & résumé)

Publié le 22/02/2012

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Roman paru en 1954; traduit de l'italien par Claude Poncet, Flammarion, GF, 1955, 255 pages. L'AUTEUR Albedo Pincherle dit Moravia naît à Rome le 22 novembre 1907. Il mourra dans la même ville le 26 septembre 1990. Son père, architecte, de famille juive, n'avait pas de conviction religieuse, et ne pratiquait aucun rite. «Ma mère, et nous, les enfants, étions catholiques » (in Vita di Moravia, Alberto Moravia et Alain Elkann). Il a dit lui-même que sa formation avait été marquée par deux maladies graves : une tuberculose osseuse qui l'atteignit sur le plan physique, le fascisme montant puis triomphant qui le toucha moralement et intellectuellement, et auquel il ne cessa de se sentir opposé, de résister à sa façon. La maladie physique se manifeste dès 1917. Quelques années plus tard, Albert° entre au sanatorium de Codivilla, où il meuble le temps en lisant énormément, en particulier les oeuvres de Dostoïevski, et ne songe qu'à devenir écrivain. Ayant quitté Codivilla pour Bressanone, en 1925, il commence Les Indifférents, avec sa première phrase définitive : « Carla entra ». La parution de ce premier roman en 1929 rend Moravia célèbre sur-le-champ.
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« LE ROMAN Un scénariste, Richard Molteni, et sa femme, Émilie, forment un couple heureux.

Mais Émilie témoigne d'une froideurinattendue, et, un jour, elle dit à son mari qu'elle ne l'aime plus, et même qu'elle le méprise.

Tout le récit seraensuite consacré aux efforts vains de Richard pour comprendre.

Ai-je commis une faute? Me méprise-t-elle pour ceque j'ai fait, ou, plus profondément, pour ce que je suis?Le récit est écrit à la première personne.

Un jeune intellectuel romain, Richard Molteni, raconte sa brève vieconjugale.

Il essaie de comprendre pourquoi sa femme, Émilie, cessa de l'aimer, lui avoua même son mépris, sedétacha de lui, et finalement le quitta.

Émilie mourut, peu après cette rupture, d'un accident de voiture.

Moltenidécide alors d'écrire ses souvenirs, pour discerner après coup ce qui motivait le mépris de sa femme.

Reposait-il surun malentendu, sur des actes qu'il avait commis, sur une déficience de sa personnalité, sur la découverte d'uneincompatibilité profonde entre leurs deux natures ?Premier moment, ou premier acte : deux années de bonheur, d'amour partagé, et de difficultés pécuniaires.

Molteniprend conscience qu'Émilie souffre d'habiter avec lui dans une chambre meublée, qu'elle est déçue de ne pas avoirune vraie maison.

Il décide alors d'acheter un appartement à crédit, mais se voit contraint, pour payer leséchéances, de devenir scénariste de films à succès commandités par le riche producteur de cinéma Battista.

Ilrenonce, ainsi, à sa vocation, écrire pour le théâtre, et pense qu'il n'a fait ce sacrifice que par amour pour Émilie.

Iln'aime pas, de surcroît, ce métier de scénariste, qui ne permet pas d'exprimer sa personnalité.

Il pense, par ailleurs,que Battista, qui choisit toujours les solutions les plus commerciales, mais sait camoufler ces choix derrière le rideaude fumée de soucis esthétiques et moraux (par exemple : le film réaliste n'est pas sain puisqu'il montre les aspects négatifs de l'existence), suscite une véritable aversion chez Émilie, rétive à sa présence. Molteni a le sentiment qu'Émilie est de plus en plus froide, et, même, qu'elle cesse de l'aimer.

L'interrogationcommence : ne m'aime-t-elle vraiment plus ? Et, si non, pourquoi ? Pas de réponse certaine, seulement des signesmultiples, dans les propos, les conduites d'Émilie, de cette grave transformation.

Peut-être ne s'agit-il que d'unecrise passagère et, somme toute, banale. Scène, alors, terrible : l'aveu d'Émilie «Je ne t'aime plus.

» et, pis, cette phrase criée d'une voix exaspérée : «Je te méprise ! » Dès lors, l'interrogation se déplace : pourquoi me méprise-t-elle ? Incapable de répondre, Molteni demande des explications à Émilie, et celle-ci réagit ou bien par la simple réaffirmation de son mépris, ou bien par lesilence. Le premier acte est fini.

Le deuxième se déroule à Capri.

Richard et Émilie sont partis travailler avec Battista et unmetteur en scène allemand, Rheingold, à un film sur l'Odyssée.

Ils habitent, là-bas, dans la villa de Battista. Le questionnement continue, d'autant plus douloureux que le mépris d'Émilie semble irrévocable.

Mais les discussionsavec Rheingold apportent une lumière inattendue.

Le metteur en scène comprend l'histoire d'Ulysse comme lerésultat d'un drame conjugal ; la lenteur du retour d'Ulysse montre, pour qui sait l'interpréter de façonpsychanalytique, qu'Ulysse, s'il avait le désir conscient de revoir Pénélope, inconsciemment redoutait de laretrouver, et multipliait les obstacles.

Pourquoi ? Parce qu'il se sentait méprisé par sa femme.

A quoi tenait ce mépris? A ce qu'Ulysse avait toléré la présence des prétendants, leurs dons, leur cour assidue : il ne s'était pas comporté« en homme », au sens que Pénélope, liée à une Grèce archaïque, donnait à ce terme. Bien que Molteni résiste à cette interprétation de l'Odyssée, il ne peut s'empêcher d'y trouver une clef pour comprendre son drame.

N'a-t-il pas été trop complaisant avec Battista, comme Ulysse le fut avec les prétendants ?Peut-être même a-t-il donné à Émilie l'impression qu'il se servait de sa beauté pour appâter Battista. Il décide, donc, sinon de tuer les prétendants, du moins de rompre avec Battista, de renoncer à faire le film, derepartir avec sa femme.

Mais il est trop tard : le mépris d'Émilie demeure insurmontable car il tient moins à ce queMolteni a fait, qu'à ce qu'il est, à sa nature, dont les comportements n'ont été que les révélateurs.

Se sentantfinalement plus proche de Battista, et attirée sexuellement, Émilie est partie en voiture avec le producteur.

Peuaprès, Molteni apprend sa mort brutale dans un accident. Le troisième acte est celui du dénouement.

Émilie a emporté son secret avec elle : l'absence la rend pour toujoursinconnaissable.

Il ne reste plus qu'à imaginer ce qu'elle fut, là où l'intelligence a échoué.

Molteni va jusqu'à hallucinersa présence.

Il entreprend de se souvenir, pour se libérer, rêver d'elle «comme une belle image consolante », et d'écrire ce livre, comme pour exorciser un fantôme. L'ANALYSE Théâtre et roman Le découpage proposé ici du récit en trois actes correspond à la volonté sans cesse affirmée par Moravia de joindreécriture romanesque et technique théâtrale.

Par l'unité du point de vue de l'intrigue (pas d'intrigues accessoires), del'interrogation ; ce drame raconté met en place un conflit, décrit l'éclatement de la crise, puis son dénouement quin'est pas une fin.

Brièveté des descriptions, vivacité des dialogues, enchaînement incessant des actions, splendeurdes décors élèvent cette crise conjugale banale aux dimensions d'une tragédie de l'existence, où le destin (l'enfer ?), c'est l'autre.

Même les scènes de ménage semblent sublimes.

Aristote a écrit que la tragédie ennoblit. Lectures plurielles. »

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