Le Mariage de Figaro (résumé & analyse) de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Publié le 15/11/2018
Extrait du document
«
Premier
décalage : de lui-même, le « maître absolu >>
a renoncé officiellement à son droit de cuissage.
Déma
gogie ou preuve d'amour pour son épouse, le voici d'em
blée prisonnier de sa propre décision et de l'image libé
rale qu'il entend donner à ses «vassaux>>.
L' Almaviva
du Mariage n'est pas un tyran féodal, mais un noble de
progrès habité par la mauvaise conscience, comme ceux
là mêmes qui viennent applaudir la pièce.
Dans la France
de 1784, au règne aristocratique du bon plaisir s'est déjà
substitué celui, bourgeois (d'où les costumes louis
philippards choisis par J.
Lavelli pour sa mise en scène
des Nozze en 1979), de l'argent et de la ruse.
« Réa
lisme >> de Beaumarchais, qui permet en même temps de
déminer le terrain; entre l'argent et l'amour, la partie est
désormais égale, et à malin malin et demi : «J'ai voulu
ruser avec eux, ils m'ont trruté comme un enfant»
(Almaviva).
Second décalage : dès qu'il risque de prendre un tour
aigu, l'affrontement de Figaro et d' Almaviva est relayé
par d'autres, qui excluent la violence : Chérubin,
Suzanne, la Comtesse, images de douceur et de fragilité,
doublent ou remplacent Figaro dans sa lutte au point de
le mettre finalement hors jeu.
Au moment précisément
où il profère son grand monologue...
Et, grâce à ces
figures féminines et enfantines, Je Mar ia g e devient aussi
une histoire d'amour, ou d'amours : à travers les couples
qui se font, se défont ou se rêvent, Beaumarchais explore
tous les possibles du sentiment : Chérubin et Fanchette,
la Comtesse et Chérubin, Suzanne et Almaviva, Marce
tine et Figaro.
Amours esquissées, interdites, non parta
gées, rejetées enfin au néant par le couple triomphant et
« patrimonial >>, Suzanne et Figaro : « Ma femme et mon
bien mis à pan ...
>>.
D'où cette pluralité de lectures possibles, qui donne à
la pièce son chatoiement.
Est-ce Je tableau réaliste d'un
Ancien Régime finissant marqué par la dilution des pou
voirs et où l'« esprit seul peut tout changer» (le fils de
l'horloger Caron devait aisément s'en persuader)? Ou
faut-il considérer le Mariage comme une entreprise de
mystification posant artificiellement en termes de comé
die, c'est-à-dire de dialogues et d'affrontements symbo
liques (gifles et baisers), le problème de la violence et
du désir des maîtres? Mais le théâtre est aussi le lieu du
jeu et de l'apparence : et combien faut-il de conditions,
de présupposés Uusqu' à une «reconnaissance>> miracu
leuse) pour qu'enfin tout finisse par des chansons!
« Jouons-nous une comédie?>> demande Almaviva.
>, répondront les spectateurs
de 1792.
La prem iè re publique du Mariage de Figaro eut lieu le
27 avril 1784 à la Comé die -F ra n ça ise : Molé jouait Almaviva.
S ai nt ·V al cadette la Comtesse.
M11• Contat Suzanne.
Dazin·
court Figaro et M110
Olivier Chérubin.
La curiosité du public
était attisée par les ré tic e nc es royales et par les six censu
res qu'avait dO subir la piè c e ; voici comm ent la Correspon·
dance littéraire rapporte l'événement : «Jamais pièce n'a
attiré une affluence pareille au Théâtre-Français; tout Paris
v ou lait voir ces fam eu ses Noces [sicl.
et la salle s'est trou
v é e remplie presque au moment où les portes ont été
o uvertes au public; à peine la moit ié de ceux qui les assié·
geaient depuis huit heures du matin a·t·elle pu parv en ir à
s e placer; la plupart entraient par force en jetant leur arg en t
aux portiers ...
Plus d'une duchesse s'est estimée ce jour·là
trop heureuse de trouver dans les balcons.
où les femmes
comme il fau t ne se placent guère.
un méchant petit tabou·
ret à côté de
Mmes Duthé, Carline et c om pa gnie .
» La pièc e
eut 68 représentations consécutives -un record pou r
l ' é p oq ue .
Témoignage du succès de la pièce.
le nombre de paro
dies et de «suites » qu'elle in sp ira : le Repentir de Figaro,
pa r Parisau (1784); le Mariage de Glogurrio (1784); la Folle
Soirée, par Bonnefoy de Bouillon (1784); le Mariage de Chérubin;
le Mariage de Fanchette (1786).
par Oly m pe de
Gouges: par Martelly, les Deux Figaro (1794).
etc.
BIBLIOGRAPHIE F.
Gaiffe, le Mariage de Figaro, Amiens, Malfère, 1928
(l'histoire de la rédaction et de la représentation); A.
Ubersfeld,
« Un balc on sur la Terreur.
le Mariage de Figaro».
in Europe,
a v ril 1973 (le Mariage comme expérience des limites); J.
Ehrard,
« la Société du Mar ia g e de Figa ro », Méla nges Fabre, Paris,
Klincksieck, 1974 (lieu scénique et.
»
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