Le Livre des Demeures de Sainte Thérèse d'Avila
Publié le 21/02/2013
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Ce livre que Thérèse écrit en 1577 à la demande de son supérieur, le R. Père Gracian, a pour titre exact Moradas del castillo interior, c'est-à-dire « Les Demeures du château intérieur «. Thérèse de Jésus est au terme de sa vie terrestre et, malgré un mauvais état de santé, elle rédige ce texte en trois mois, « aux hautes heures de la nuit «. L'ouvrage, commencé à Tolède, est achevé à Avila. Le manuscrit autographe est conservé au Carmel de Séville...
«
« Au moment le plu s
inattendu, alors qu'on prie vocalement, ( •..
)
une tlambée délicieuse vous saisit ...
»
EXTRAITS
Ne restez pas sur le chemin de ronde
1 - Aujourd'hui , comme je suppliais le
Seigneur de parler
à ma place, puisque je
ne trouvais rien à dire, ni comment entamer
cette acte d'obéissance, s'offrit
à moi ce qui
sera , dès le début , la
base de cet écrit: consi
dérer notre âme comme
un château fait tout en
tier
d'un seul diamant
ou d'un très clair cris
tal, où il y a beaucoup
de chambres , de même
qu'il y a beaucoup de
demeures au ciel.
( ..
.
)
3 - Considérons donc
que
ce château a, comme
je l'ai dit , nombre de
demeures , les unes en
haut, les autres en bas,
les autres sur les côtés ; et au centre , au
milieu de toutes, se trouve
la principale, où
se passent les choses les plus secrètes entre
Dieu et /'âme.
li faut que vous soyez atten
tives
à cette comparaison .
Peut-être, par ce
moyen, Dieu consentira-t-il
à vous faire
comprendre quelques-unes des faveurs que
Dieu veut bien accorder aux âmes,
et, dans
la mesure du possible, les différences qu'il y
a entre elles ; car personne ne peut les com
prendre toutes, tant elles sont nombreuses :
d'autant moins une misérable comme moi
!
Aimez- vou s les une s le s autre s
Quand je vois des âmes s'adonner diligem
ment
à examiner leur oraison, si encapu
chonnées
qu'elles n'osent ni bouger ni
détourner leur pensée pour éviter qu'un peu
de leur plaisir et de leur ferveur ne se
dérobe ,
j'en conclus qu'elles comprennent
bien mal
par quel chemin on atteint à
/'union, et qu'elles pensent que toute l' af
faire se réduit
à cela.
Mais non, mes sœurs, non
: le
Seigneur veut des œuvres ; si tu vois
une malade
à qui tu puisses apporter certain
soulagement, peu doit t'importer de perdre
cette ferveur, aie pitié d'elle ; si elle souffre .
souffre toi aussi ; et si
c' est nécessaire,
jeûne pour qu'elle mange
à ta place : moins
pour elle que parce que tu sais que le
Seigneur veut qu'il en soit ainsi.
Telle est la
vraie union avec Sa volonté ; et si tu entends
vivement louer une personne, réjouis-toi
beaucoup plus que si on te louait toi-même.
C'est facile,
à la vérité, car l'humilité , si elle
existe, serait plutôt peinée
des' entendre
louer .
Mais nous réjouir qu'on reconnaisse
les vertus de nos sœurs est une grande
chose, de même que, si
l'on voit en l'une
d'elles un défaut, le déplorer comme s'il
s'agissait de nous-même , et le cacher.
Recevoir toute faveur
avec des actions
de g
râce
8 - Notre-Seigneur a
aussi d'autres façons
d'éveiller
l'âme: au mo
ment le plus inattendu ,
alors qu'on prie vocale
ment, distrait de toute
chose intérieure, une
f/.ambef e délicieuse vous
saisit, comme si un fort
paifum communiquait à
tous les sens (je ne d~s
pas que ce soit un par
fum, ce
n'est qu'une comparaison) , ou
quelque chose de cette sorte, qui fait sentir
que l' Époux est présent ; l'âme s'émeut du
désir savoureux de
jouir de Lui, elle se
trouve disposée
à accomplir de grandes
actions et
à louer Notre-Seigneur.
Traduit par Marcelle Auclair,
Desclée de Brouwer, 1989
« Quand je vois des
âmes s'adonner si diligemment à exam iner leur oraison,
si encapuchonnées
qu'elles n'osent ni
bouger ni d éto urne r le u r pensée .•.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR « Thérèse de Jésus écrit au fil de la plume
au cours de haltes durant ses voyages ou de
brefs séjours dans les couvents sans prendre
le temps de soigner le style, de se relire ou
de vérifier les sources( ...
).
En cela, son
style direct
et savoureux possède une
grande spontanéité et donne une image
fidèle du langage castillan au
xv1e siècle.
Elle évite la terminologie théologique
« Jamais, jusqu'à sa fondation du premier
carmel soumis à l'ancienne règle, sa vie
spirituelle ne sera simple.
Du ravissement à
linquiétude, de celle-ci à la crainte
d'indifférence, elle circule dans toutes les
"demeures" .
Son relevé d'architecture
évoque aussi bien le plan incliné que
l 'escalier, l'escalier que la spirale, la spirale
que la ruche.
On ne croirait pas qu'il y ait
ainsi tant de passages, tant d'articulations
rituelles, tant de niveaux dans loraison.
»
Pierre Boudot, La Jouissance de Dieu ou le
roman courtois
de Thérèse d'Avila,
Éditions Libres Hallier, 1979.
« Pénétrée de la valeur du savoir, Thérèse
ne se complaît pas dans des récits
d'apparitions sensibles.
On ne voit pas que
1 'Époux descende à chaque instant pour
bavarder avec elle et lui révéler
d'impertinentes prophéties, des avis de
gazettes ; ses relations mystiques, quelque
idée que nous nous en fassions , furent
sérieuses, sans arrière-pensées et sans
truquages.» Miguel de Unamuno,
L' Essence de/' Espagne , Gallimard, 1967.
et
préfère lui substituer des mots courants
à la portée de tous .
» D.
Antonio Comas
Pujol,
Moradas del castillo interior,
Étude préliminaire, Éditions Bruguera,
1969.
1 détai l d'u n tab leau de Phil ippe de Champa ig ne.
Musée d' Ai}t-en-Provence / Vio llet 2.
3 .
4 .
5 illustrations de P .
de Naurois.
éd.
Fleurus.
Paris, 1967 D 'A VILA 02.
»
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