Le Jeu de l'amour et du hasard
Publié le 12/04/2013
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Le style de Marivaux, tout de légèreté, vante les plaisirs de l'amour et de la séduction. Il symbolise l'esprit de la société galante au début du xviiie siècle. Le Jeu de l'amour et du hasard date de 1730. La pièce fait partie d'une série de comédies d'amour brillantes, dont le charme demeure intact et qui valurent à leur auteur un énorme succès.

«
« DORANTE.
- ( ••• )j'ai fait serment de n'aimer sérieusement qu'une fille de condition.
»
EXTRAITS
Arlequin, déguisé en Dorante, fait une
entrée remarquée
ARLEQUIN.
- Ah ! Te voilà, Bourguignon !
Mon porte-manteau et toi, ave z-vous été
bien reçus ici ?
DORANTE.
- Il n'était
pas possible qu'on
nous reçût mal, mon
sieur .
ARLEQUIN.
- Un do
mestique là-bas
m'a
dit d'entrer ici, et
qu'on allait avertir
mon beau-père qui
était avec ma fem
me.
SILVIA.
-Vous vou
lez dire Monsieur
Orgon et sa fille,
sans doute, mon
sieur?
ARLEQUIN.
- Eh !
oui, mon beau-père
et ma femme, autant
vaut.
Je viens pour
épouser, et ils m' at
tendent
pour être mariés ; cela est convenu ;
il ne manque plus que la cérémonie, qui est
une bagatelle.
SILVIA.
-C'est une bagatelle qui vaut bien
la
peine qu 'on y pense.
ARLEQUIN.
- Oui, mais quand on y a pensé ,
on n'y pense plus.
SILVIA, bas à Doran te.
- Bourguignon, on est
homme de mérite à bon marché chez vous,
ce
me semble ?
Silvia est charmée ma lg ré e lle
par un « valet »
SILVIA, à part.
- Mais en vérité, voilà un
garçon qui me surprend, malgré que j'en aie
...
(Haut.) Dis-moi, qui es-tu, toi qui me
parles ainsi ?
DORANTE.
- Le fils d' honnê~es gens qui
n'étaient pas riches.
SILVIA.
-Va, je te souhaite de bon cœur
une meilleure situation que la tienne, et je
voudrais pouvoir y contribuer ; la fortune a
tort avec toi.
DORANTE.
- Ma foi, l'amour a plus tort
qu'elle ; j'aimerais mieu x qu'il me fût
permis de te demander ton cœur, que
d'avoir tous les biens du monde.
SILVIA, à part.
-Nous voilà, grâce au ciel, en
conversation réglée.
(Haut.) Bourguignon,
je ne saurais me fâcher des discours que tu
me tiens ; mais je t'en prie , changeons
d'entretien.
Venons à ton maître.
Tu peux te
passer de me parler d'amour, je pense ?
DORANTE.
- Tu pourrais bien te passer de
m
'en faire sentir, toi.
SILVIA.
-Ah ! je me
fâcherai ; tu m' impa
tientes.
Encore une
fois, laisse là ton
amour.
DORANTE.
- Quitte
donc ta figure.
SILVIA, à part.
- A la
fin, je crois qu'il
m'amuse ...
(Haut.)
Eh bien, Bourgui
gnon, tu ne veux donc
pas en finir ? Faudra
t-il
que je te quitte ?
(A part) Je devrais
déjà l'avoir fait.
«A RLEQUIN.
-De la
raison ! hélas ! je l'ai
perdue ; vos beaux
yeux sont les filous
qui me l'ont volée.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR « Des ressorts psychologiques mis en
œuvre ici, un, il est vrai, a été rencontré
plusieurs fois : la peur de la femme ou de la
jeune fille devant le prétendant inconnu, sa
crainte à l'égard
du mariage lui-même qui
représente pour elle l'aliénation sans retour.
Mais tous les prédécesseurs de Marivaux
avaient esquivé le second, le conflit
d'un
amour naissant aux prises avec le préjugé.
»
Frédéric Deloffre et Françoise Rubellin, Le
Jeu
del' amour et du hasard, notice, dans
Théâtre complet de Marivaux,
« Dorante est une âme d'une juvénile
clarté et spontanée : aussitôt qu'il a acquis
une certitude sur ses sentiments, il cesse
d 'abuser
Silvia, alors que celle-ci se
détermine à pousser l'épreuve bien au-delà.
(
...
) Le spectateur du xx:e siècle, que
n'émeut plus l'idée
de" mésalliance", doit
bien prendre la mesure du sacrifice que
Dorante consent à la jeune fille : épouser
une soubrette représente, en 1730, une
véritable déchéance.
» Maurice Descotes,
Les Grands rôles du théâtre de Marivaux,
P.U.F, 1972.
«Les termes" marivaudage" et" marivau
der
" se manifestent pour la première fois
vers 1760.
(
...
)Dans un article d'histoire
littéraire sur Marivaux, par exemple, Jean
Fabre définit ainsi le marivaudage:
"une
façon de faire et de dire l'amour.
"»John
Kristian Sanaker, Le Discours mal
apprivoisé, Essai sur
le dialogue de
Marivaux, Solum Vorlag, Oslo, 1987.
Bordas,
1989.
1 Lauro s-Giraudon 2, 3, 4 Lithographie s de Paul Émile Béca t, L' Arc en Ciel, Paris 1952-1953 / B.N.
MARIVAUX03.
»
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