Le Grand Meaulnes
Publié le 04/04/2013
Extrait du document


«
« Il continuait à
regarder vers le bourg,
les mains appuyées aux
barreaux
à la hauteur
de la tête.
( ...
) Inutile
aussi de demander
pourquoi soudainement
il désirait s'en aller
à Paris.»
EXTRAITS
Découragé , presque à bout de forces, il
résolut, dans son désespoir, de suivre ce sen
tier jusqu'au bout.
A cent pas de là, il
débouchait dans une grande prairie grise,
où l'on distinguait de loin en loin des ombres
qui devaient être des
genévriers,
et une
bâtisse obscure dans
un repli de terrain.
Meaulnes s'en ap
procha.
Ce n'était là
qu'une sorte de
grand parc à bétail
ou de bergerie aban
donnée.
La porte
céda avec un gémis
sement.
La lueur de
la lune,
quand le
grand vent chassait
les nuages , passait à
travers les fentes des
cloisons.
C'étaient des cos
tumes de jeunes
gens d' il y a long
temps,
des redin
gotes à hauts cols de
velours, de fins gilets très ouverts, d'inter
minables cravates blanches et des souliers
vernis du début de ce siècle .
Il n'osait rien
toucher du bout du doigt, mais, après s'être
nettoyé en frissonnant, il endossa sur sa
blouse d'écolier un des grands manteaux
dont il releva le collet plissé, remplaça ses
souliers ferrés
par de fins escarpins vernis
et se prépara à descendre nu-tête.
Il arriva, sans rencontrer personne, au bas
d'un escalier de bois, dans un recoin de
cour obscur.L'haleine glacée de la nuit vint
lui souffler au visage
et soulever un pan de
son manteau.
Il
fit quelques pas et, grâce à la vague clarté
du ciel, il
put se rendre compte aussitôt de
la configuration des lieux.
Il était dans une petite
cour formée
par des bâtiments des dé
pendances.
Tout y paraissait vieux
et ruiné.
Les ouvertures au bas des escaliers étaient
béantes,
car les portes depuis longtemps
avaient été enlevées ; on n'avait pas non
plus remplacé les carreaux des fenêtres, qui
faisaient des trous noirs dans les murs.
Et
pourtant toutes ces bâtisses avaient un mys
térieux air de fête.
Une sorte de reflet coloré
flottait dans les chambres basses où l'on
avait dû allumer aussi, du côté de la cam
pagne , des lanternes .
A terre
tout s'arrangea comme dans un
rêve .
Tandis que les enfants couraient avec
des cris de
joie , que des groupes se for
maient et s'éparpillaient à travers bois ,
Meaulnes
s'avança dans une allée , où , dix
pas devant lui, marchait la
jeune fille.
Il se
trouva près d'elle sans avoir eu le temps de
réfléchir:
« Vous êtes belle », dit-il sim
plement.
Mais elle hâta le
pas et, sans
répondre, prit une allée trans
versale.D'autres promeneurs
couraient,
jouaient à travers
les avenues, chacun errant à
sa guise, conduit seulement
par sa libre fantaisie .
Le jeune
homme se reprocha vivement
ce
qu'il appelait sa balourdise,
sa grossièreté,
sa sottise.
Il
errait au hasard, persuadé
qu'il ne reverrait plus cette
gracieuse créature, lorsqu'il
l'aperçut soudain venant à sa
rencontre
et forcée de passer
près de lui dans l'étroit sentier.
Elle écartait de ses mains nues
les plis de son grand manteau.
Elle avait des souliers noirs très découverts.
Ses chevilles étaient si fines qu'elles pliaient
par instants et qu'on craignait de les voir se
briser.
« Longtemps Meaulnes
écouta la jeune fille en regardant silencieuse ment par une fenêtre.
Plusieurs fois il se tourna vers le doux
visage plein de faiblesse
et d'angoisse.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR « Le Grand M eaulnes est un roman poétique
( ...
).
Il échappe aux classifications, il est
autre chose.
Et il est surtout un chant de son
auteur, qui veut faire revivre son enfance ,
les rêveries de son enfance , la poésie de son
enfance.
Il est une confession lyrique tentée
par les moyens du roman.
Les héros sont des
figures détachées de la nébuleuse qu'est la
rêverie du poète , ils baignent dans cette
lumière intérieure et les mouvements de
l'action reproduisent les cadences sentimen
tales dont
il s'enchantait.
» Robert Piguane.
«
Lire
Le Grand Meaulnes, c'est progresser
dans la découverte d'aventures qui exigent
d'incessants retours en arrière, comme si
l'aiguillon du bonheur recherché devait tou
jours se refléter dans le miroir troublant et
tremblant de l'enfance, source féconde en
même temps que refuge.
» Daniel Leuwers.
« Le message du Grand M eaulnes demeure
celui
d'un être sauf.
Il nous enseigne, pour
finir, que l'abandon appelle cette grâce à
quoi le cœur n'ose prétendre; mais cet
abandon, à son tour, demeure le fruit
d'un
dur effort, d'un courage qui nous porte au
delà de nous-même sur les chemins d'une
attentive perfection.
»
Christian Dédeyan.
1 coll.
Viollet 2.
3 .
4.
5 ill.
d e C hri sto pher Smith .
éd.
Fayard, 19 71
« Mon credo en art et en littérature :
l'enfance.
Arriver à la rendre sans aucune
puérilité, avec sa profondeur qui touche les
mystères.
» Alain-Fournier (22 août 1906).
ALA I N-FOURN IER 02.
»
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