Le Gorgias de Platon
Publié le 23/02/2013
Extrait du document


«
« Ceux de leurs
semblables qui sont
plus forts ou capables
d'avoir
le dessus, ils
arrivent à les
épouvanter, afin de les
empêcher
d'avoir ce dessus.»
EXTRAITS ~~~~~ ~~ -
L'injustice est une maladie de l'âme
SOCRATE.
-Eh bien, alors ! Si c'était donc
la vérité, quel grand besoin a-t-on dès lors
de l'art oratoire ? En effet, d'après ce dont
nous sommes maintenant tombés d'accord,
on
doit par-dessus tout se bien garder
soi-même de com
mettre
l'injustice,
dans la pensée que
ce serait déjà assez
d'avoir ce mal !
N'est-il
pas vrai ?
PÔLOS.
-Hé! abso
lument.
SOCRATE.
-L' injus
tice,
d'autre part,
est-elle commise,
que ce soit par
nous-même, que ce soit par quelqu'un
d'autre qui soit l'objet de notre sollicitude,
alors on doit volontairement aller où, le plus
vite possible, on paiera la peine de sa faute,
chez le
juge comme on irait chez le méde
cin, s'appliquant ainsi à éviter que ne s' in
vétère la maladie de l'injustice et que l'âme,
gangrenée sous la cicatrice, ne soit
par là
rendue incurable.
Il faut, selon Calliclès, distinguer
la nat ure et la
loi
Ce n'est pas non plus, vois-tu, la condition
qu'un homme puisse supporter : de subir
l'injustice ; mais cette condition est celle
d'un esclave, pour qui être mort vaut mieux
que de vivre, espèce d'homme incapable de
se porter assistance à soi-même ou à celui
qui
peut vous être encore à cœur, contre les
injustices
et les outrages.
Le malheur est
que ce sont, je crois, les faibles et le grand
nombre auxquels
est due l'institution des
lois.
Aussi instituent-ils ces lois
par rapport
à eux-mêmes et à leur avantage, louant ce
qu'ils louent et blâmant ce qu'ils blâment.
Ceux
de leurs semblables qui sont plus forts
ou capables d'avoir le dessus, ils arrivent à
les épouvanter, afin de les empêcher d'avoir
ce dessus,
et ils disent que c'est laid et
injuste de l'emporter sur autrui, que c'est
cela qui constitue l'injustice, de chercher à
avoir plus que les autres ; car, comme ils
sont inférieurs, il leur suffit, je pense,
d'avoir l'égalité !
Socrate, en voulant rendre meilleurs ses
concitoyens, s'expose à leurs attaques
SOCRATE.
- Considère effectivement ce
qu'un tel homme, traduit devant ce tribunal,
pourrait dire
pour se justifier, si on l'accu
sait en ces termes : « Enfants, voici un
homme qui vous a fait quantité de misères ;
il vous abîme, aussi bien vous que les
plus
jeunes d'entre vous, en vous coupant ou en
vous
brûlant ; il vous dessèche et vous
suffoque si bien que vous ne savez où vous
fourrer ; il vous donne à boire tout ce
qu'il
y a de plus amer ; il vous force à avoir
faim et soif! Ce n'est pas comme moi, qui
vous régalais de
quantité de douceurs
variées !
» Ainsi pa
ralysé par les diffi
cultés de sa situation,
que
serait à même,
selon toi, de dire un
médecin ? Suppose
qu'il dise la vérité :
« Tout cela, enfants,
je le faisais pour
votre santé ! »
Quelles clameurs de protestations, selon toi,
de pareils juges ne pousseraient-ils
pas! ne
seraient-elles
pas violentes ?
CALLICLÈS.
- Peut-être bien !
Éditions Garnier-Flammarion,
1987
« Si c'était donc la
vérité, quel besoin
a-t-on dès lors de
l'art oratoire?»
NOTES DE L'ÉDITEUR obligation de justice, toute reconnaissance
de légalité et toute exigence de philosophie
et de vérité, ce qui a contribué à rendre ce
personnage si fort,
c'est aussi la radicalité
du débat qui l'oppose à Socrate.( ...
) La
force subversive de Calliclès est rendue
encore plus frappante par l'ardeur
philosophique et morale de Socrate.
»
Monique Canto, introduction à la nouvelle
édition Garnier-Flammarion du
Gorgias,
1987.
notamment
sur le régime démocratique :
Dans la troisième partie du dialogue,
Socrate s'oppose à Calliclès: «Le Calliclès
du
Gorgias est sans doute resté l'un des
plus fameux personnages platoniciens.
Une
tradition philosophique ultérieure l'a même
doté
d'une certaine exemplarité.
Il devait
représenter, pour Nietzsche surtout, le
personnage le plus antiplatonicien des
dialogues, celui qui s'oppose
le plus
radicalement à l'idéal socratique.
Mais si
Calliclès est devenu l'emblème
d'un
immoralisme radical, qui rejette toute Le
Gorgias fait
progressivement apparaître
une réflexion politique très critique,
, 1 buste de Platon, musée du Capitole, Rome I Daris-Giraudon 2, 3, 4, 5 gra vure s s.
n.
tirées d'une édition polonaise, Lw6w, 19 22 / B.N.
« L'essentiel de la critique vise la condition
qui donne à la démocratie athénienne ses
principaux caractères.
Or cette condition
est la même que celle qui assurait
l'influence de la rhétorique.
Il s'agit de la
foule comme sujet dominant de la scène
politique.
Le gouvernement de la liberté
est un gouvernement de la foule, c'est
à-dire de l'illusion, du faux-semblant et de
la séduction.
La critique de la rhétorique
débouche donc directement sur la critique
de la démocratie.
» Ibid.
PLATON 03.
»
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