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Le Conte du Graal de Chrétien (résumé & analyse)

Publié le 20/11/2018

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Le Conte du Graal

 

C’est la dernière œuvre de Chrétien, qu’il laisse inachevée sans doute parce que la mort est venue interrompre le travail du poète. C’est aussi l’œuvre la plus riche, sinon la plus belle, du poète champenois, et celle qui est, avec le Chevalier à la charrette, la plus chargée d’avenir, dans la mesure où elle est à l’origine de l’immense littérature concernant le Graal et ses mystères; du Conte du Graal procède en effet toute une moisson de chefs-d’œuvre, de représentations et de questions qui continuent de peser sur la culture de l’Occident : présence de Perceval actualisée de nos jours par un beau film d’Éric Rohmer tiré du texte de Chrétien!

 

Le Conte du Graal, malgré son inachèvement, est l’ouvrage le mieux structuré du poète. Dès l’introduction est posée l’opposition de la chevalerie chrétienne, incarnée par Philippe d'Alsace (à qui Chrétien dédie son livre), et de la chevalerie mondaine, qui n’a pas la charité et qu’illustre Alexandre le Grand : cette opposition sera celle qui confronte Perceval, le simple et l’élu, et Gauvain, l’habile probablement voué à l’échec. D’où deux parties : la première retrace l’initiation de Perceval (à la chevalerie, à l’amour, au Graal); la seconde précipite Gauvain dans une cascade d’aventures qui le détournent de sa quête et finissent par l’enfermer dans un château de l’Autre Monde, où il semble promis à une captivité sans fin. Et l’intrigue est traversée de motifs récurrents comme celui de la catastrophe collective : mort du père du héros et de ses frères au cours d’une longue série de désastres qui dévastent leurs terres; stérilité du royaume sur lequel règne le Roi Pêcheur; blocage de tout échange matrimonial à la roche de Canguin, où Gauvain se découvre captif. Sous ces données se devine tout un arrière-plan mythique : lien entre la fécondité du souverain et celle du sol dont il a la charge; crise résultant du passage de l’endogamie à l’exogamie (Perceval semble voué à épouser Blanchefleur, mais il retombe sans cesse dans un univers familial qui le ramène au souvenir de sa mère; Gauvain, à son tour, est prisonnier du château sur lequel régnent son aïeule, sa mère et sa sœur). La préhistoire du texte est lourde de tout un immémorial que Chrétien devinait peut-être, et qui confère au poème une étrange saveur d’inépuisable folklore.

 

Comment se présentait sa source, ce conte dont Chrétien nous dit qu’il était le plus beau qui fut jamais conté en cour royale? Il était sans doute assez proche de textes celtiques, comme la Destruction du château de Da-Dherga irlandaise et comme surtout le Peredur gallois, où la lance qui saigne à gros bouillons est l’arme qui appelle vengeance. Peredur est, comme Perceval, le fils de la Veuve Dame; il part s’initier à la chevalerie; trois fois il connaîtra l’amour, et il remportera l’épreuve suprême en massacrant les sorcières de Kaerlwyw. Mais le Peredur ne fait pas de lui le pionnier d’une éthique nouvelle, et le poème de Chrétien va beaucoup plus loin que son homonyme gallois, au point que l’on peut y lire une sorte de testament spirituel.

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« et ne sera ressoudée que lorsque le héros aura achevé son initiation).

Perceval voit défiler d'étranges objets: un tailloir d'argent.

une lance qui saigne.

un chandelier merveilleux et un « gra a l».

ou plat creux, qui répand une lumière éblouis­ sante; mais il se souvient mal à propos d'une recom manda­ tion que lui a faite Garnement : il ne fa u t pas parler à tort et à travers en posant de sottes questions.

Perceval saura plus tard qu'il avait à dema nde r quelle était la nature du « gra a l» et à q ui était destiné son service.

Trois rampognes ou objurgations successives (d'une demo is el le pleurant son ami mort.

d'une hideuse pucele et d'un ermite qui se révèle être son oncle et le frère du Roi Pêcheur) lui décou­ vrent successivement la vérité sur son silence coupable et sur le • graa l» : s'il s'est tu.

c'est à cause de son péché.

qui est d'avoir tué sa mère; so n mutisme a pour eHet de nouveaux malheurs; quan t au • graal •.

lu i dit l'ermite.

il contient une hostie dont se nourrit le vieux roi Mehaignié (infirme).

père du Roi Pêcheur.

Quelques points méritent précision : le Conte du Graal est, dans un premier temps, conforme à un schéma bien connu, celui des histoires où un jeune nice appelé au triomphe final commet une série d'erreurs dues au fait qu'il prend à la lettre tout ce qu'on lui dit: c'est ainsi que Perceval applique à contretemps les conseils de sa mère, puis ceux de Gornement.

La structure ter­ naire du poème appelle une troisième série de conseils : ce sont ceux de l'ermite.

qui initie le héros à une dévo­ tion assez simple, mais généreuse.

Perceval, enfin converti après cinq années où il a oublié Dieu, est désor­ mais en mesure de revenir au château du Graal.

Entre la première scène du Graal et la confession à l'ermite s'intercalent les premiers épisodes dont Gauvain est le protagoniste.

Ils sont précédés d'une scène de trans i­ tion assez étrange, où Perceval, apercevant des taches de sang sur la neige (au mois de juinl).

to m be dans une médi­ t at io n quasi léthargique parce que la vue des gouttes ver­ meilles sur la nappe blanche lui évoque le teint de Blanche­ fleur, et seul le court o is Gauvain parvient à le faire sortir d'une torpeur dont les brutaux Sagremor et Keu n'ont pas réussi à le tire r : malgré sa rêverie, le hér os leur a fait mordre la poussière et s'est ainsi ve n g é d'un affront anté­ rieur de Keu.

Cette première performance de Gauvain sera suivie de beauc oup d'a utre s.

C hré tie n r epr en d ici une tech­ nique déjà présente dans le Chevalier à la charrette et qui consiste à entrelacer les aventures de plusieurs personna­ ges.

(Ce procédé de l'entrelacement va devenir constant dans le rom an en prose du x111 ° siècle.) Deux séquences dont Gauvain est le protagoniste enserrent donc la conversi on de Perceval.

Gauvain est à s o n tour lancé dans une quêt e.

que lu i a pro po sée la hideusepucele.

et qui est celle de la lance qui saigne .

Mais il est détourné de ce tt e q uête par mainte aventure.

telle celle où Gauvain est reçu chez le roi d'Escavalon.

dont il a.

s a ns le savoir.

tué le père : reconnu par un éch evin alors qu'il mène un gala nt entretien avec la sœur de son hôte.

il doit affronter une émeute populaire.

qu'il parvient à conte­ nir avec pour tous projectiles les pièces d'un jeu d'échecs; de même dans la seconde séquence.

Gauvain se met malencontreusement au service d'une male demoiselle.

d'une jeune femme hargneuse et méchante qui le précipite dans toutes sortes d'épreuves redoutables.

Et le rom an reste suspendu alors qu'il séjourne à la Roche de Cang uin.

dans cet Autre Monde où les vivants et les morts se côtoient : la reine Yge rne .

aïeule du héros et mère d'Arthur.

est décédée depuis des décennies.

mais Chrétien, qui rationalise volontiers sa matière.

explique gravement que le bruit de son trépas était une fausse nouvell e ..

.

Le Conte du Graal irrite et fascine à la fois par ses énigmes.

Certaines relèvent, semble-t-il, du faux pro­ blème, comme de s'interroger sur l'unité du texte, qui va de soi (les échecs de Gauvain préparent le succès de Perceval).

D'autres sont plus redoutables, comme de se demander si le poème ne doit pas être lu de manière allégorique (la demoiselle qui porte le Graal ne serait­ elle pas une figure de l'Église? Gauvain, à la Roche de Canguin, ne prend-il pas à son tour une envergure messianique?)...

Mais la principale de ces énigmes concerne le dénouement possible : Perceval revenait sans doute au château du Graal, dans le conte primitif, et il guérissait le Roi Pêcheur, rendant ainsi sa fécondité à la Terre Gaste; mais épousait-il Blanchefleur? Et que faire de la prophétie proférée par la hideuse pucele énonçant que le royaume de Logres, celui d'Arthur, serait détruit par la lance qui saigne? Sur la question de savoir si le Conte du Graal devait ou non s'achever par une« Mort Arthur », il n'est point de réponse licite.

Les continuateurs de Chrétien n'ont pas traité ce point, et ils ont préféré achever les aventures de Gauvain (Première Continuation ou Cominuation Gauvain, attribuée à Wauchier de Denain) et ramener Perceval chez le Roi Pêcheur, pour un nouvel échec (Deuxième Continuation) préludant à la réussite finale (Troisième Continuation, de Gerbert de Montreuil; Qua­ trième Continuation, de Manessier).

Ces œuvres s'éche­ lonnent entre 1190 et 1230 [voir CONTINUATIONS (du Per­ ceval)].

Elles conduisent le héros au mariage, et celui-ci, chez Manessier, est paradoxalement un mariage blanc qui ne l'empêche pas de fonder une lignée.

De fait, et malgré maintes divergences de détail par rapport à son modèle, c'est le Parûval de l'Allemand Wolfram d'Eschenbach qui est peut-être le poème le plus conforme au récit originel : le héros y devient roi du Graal (dont l'ordre du Temple se voit confier la garde).

Il épouse Conwiradmur, homologue germanique de Blanchefleur, et il sera l'ancêtre lointain de Godefroi de Bouillon.

Mais la postérité littéraire du Conte du Graal déborde largement le cadre des continuations et des adaptations étrangères.

Chrétien de Troyes entame avec son poème un processus de christianisation qu'il n'ose mener à son terme et que d'autres vont poursuivre jusqu'à ses consé­ quences extrêmes.

Le Roi Pêcheur, dernier avatar du dieu infirme Bran, règne désormais sur un château tout spirituel.

Le Graal va devenir, après Chrétien, la parop­ side, le vaisseau dans lequel Joseph d'Arimathie a recueilli le sang du Christ, et la lance va se confondre avec celle dont Longin le centurion a percé le flanc de Jésus.

Cerre transformation, dont le romancier Robert de Boron prend probablement l'initiative à la fin du xn• siè­ cle, Chrétien l'avait-il pressentie sans encore oser y consentir? Philippe d'Alsace avait, entre autres capitales, Bruges, où l'on vénérait le Saint Sang .... »

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