Le Bonheur des tristes
Publié le 08/04/2013
Extrait du document
Né en 1913, mort précocement en 1944, Luc Dietrich connut une existence particulièrement misérable. Orphelin de père, il perd sa mère, qui se drogue, à dix-huit ans. Adulte, il mène une vie de vagabond, fréquentant des prostituées et des truands. Ami et disciple de Lanza del Vasto, il trouvera dans la spiritualité et la poésie un certain réconfort.
«
« Un jour, la fenêtre
s'e ntrou vrit sur
une
l umi ère de jaci nthe .
..
»
EXTRAITS
Un camarade borné et coléreux
Philippe et moi, nous allions ensemb le au
catéchisme et j'aimais beau coup y alle1; car
on nous réunisssait dans une ancienne cha
pelle toute brune
avec un vieux curé comme
du bois brun .
Je
comprenais tout ce
qu'il disait.
Il di
sait que le Bon
Dieu est grand
parce que c'es t lui
qui
fait pousser les
petites graines
dans les champs.
Philippe au con
traire ne com pre
nait rien.
Il disait
pourtant toujours :
«Moi j'aime la vé
rité
» ; mais c'est peut-être pour cela qu'il
ne comprenait rien.
Monsieur le
curé lui demandait :
-
Qu 'est - ce que la Trinité ?
-La Trinité c'es t comme un tricycle.
- Que dites-vous,
mon enfant ?
-
Oui, parfaitement, co mme un tricycle .
A tous
moments il interrompait pour gro
gner:
«Ce n'est pas vrai! » et quand on le priait
de sortir,
il claquait la porte de la chape lle
en déclarant :
«Je me vengerai! »
Fidélité à la mère par-delà la mort
Depuis ma naissance jusqu'à sa mort , ma
mère m'avait conduit par la main à travers
le
monde , et ses pas traçaient ma route et
ses yeux étaient la lumière qui me guida it.
Et maintenant la lampe était tombée et je
restais sans route, sans direction , sans futur.
Tout ce vide, toute cette solitude
d'alentour
me disaient combien je l'avais pleurée !
J'avais voulu quitter la chambre sans fleurs ,
sans voix, la cuisine, le lit, !'armoire
où pen
dait encore un
ruban qu 'elle avait porté !
oui,
pour ne pas affronter ces visages qui
grimacent des douleurs de politesse et les
yeux de ceux qui !'avaient vraiment connue
et qui confirmaient son absence.
Ici, j' au
rais
pu croire qu'elle vivait encore quelque
part.
Mais non, le
monde est trop vaste, les
pierres trop réelles, les
choses trop l entes
pour qu 'elle ne soit pas morte.
Elle
m'avait fait avec son amour et je
n'avais pas su !'aimer assez pour la garder.
Je !'avais laissée se détacher de moi par dis
traction.
Dès!' enfance,}' ava i s su qu'elle ne
pourrait pas vivre et, prévoyant sa mort,
j'avais prémédité cette distraction.
( ..
.)
Et ma mère sait-elle que j'expie notre
grande douleur ? Si elle me voyait, que pen
serait -elle ?
Elle
ne verrait ni ma figure de sauvage, ni
mes sabots, ni ma crasse puisqu'elle n'a
plu s de corps.
Elle verrait
mon cœur invisible aux vivants.
Elle se verrait dans
mon cœur comme dans
un miroir, et là fleurir la droiture qu'elle
avait semée .
Quand nous nous reverrons, elle ne dira
pas :
«Je ne connais pas celui-l à.
»
Gallimard, 1980
« Toutes les mai sons
de la ville, qui montent
jusqu'au ciel qu'e lles
encrassent, allaient
écraser notre maison.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Le récit à la première personne force le
lecteur à l'identification .
Mais, ici plus
qu'ailleurs, l'auteur met
un soin particulier
à nous tenir dans !'ignorance du nom du
personnage auquel nous nous identifions.
S'il nous le révèle finalement , c'est à
contrecœur ; par nécessité, voudrait-on dire.
En effet, le patron qui vient d
'engager notre
personnage a l'habitude d
'aff ubler de prénoms
arbitraires ses emp loyés.
Luc ne
protestera pas, mais prendra plaisir à
avo uer, suite à cet incident , comme on
avo ue un secret longuement gardé, son
prénom véritable.
«Le Bonheur des tristes ,( ...
) c'est une
somme de pensée et de science enfantines ;
les observations et réflexions du pet it
solitaire sur les feuilles, les cailloux, les
fleurs , les poissons , sur le soleil, les eaux
d'en bas et les eaux d'en haut, les é toile s
qui donnent à boire au x plantes, sur le
temps, Dieu, l'amo ur et la mort forment
une métaphysique et une cosmogo nie sous
jacentes pour nous tous sans doute à la
première révélation du monde , absentes
pourtant,
si je ne me trompe, de tous les
autres récits d
'enfance jusqu'à présent.
»
Lanza del Vasto .
1 dess in d e G.
Co stetti.
éd .
D enoë l.
1951 2.
3 .
4 aquar e lles de Dun oyer de Sego nzac J SP A DEM DIETRICH 02.
»
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