LAIS (le), de François Villon
Publié le 22/01/2019
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LAIS (le), de François Villon, poème de 40 strophes de 8 octosyllabes, dont la fiction est datée de Noël 1456. Villon joue sur les mots lais/legs. Il s'agit d'un ingénieux congé (à la manière de Jean Bodel ou Adam de la Halle) prenant l'apparence d'une donation-distribution en bonne et due forme à l'occasion d'un départ et d'une rupture sentimentale.
Défilent alors les légataires qui reçoivent des dons fantaisistes au gré des jeux de mots, des allusions personnelles, des thèmes d'actualité, tout cela orchestré par la parodie de la poésie courtoise, du style juridique et du langage scolastique. Les interférences entre tous ces réseaux de sens nous dérobent l'intention précise d'un poète qui renouvelle ainsi à la fois la satire et l'hermétisme, préparant la grande rhétorique.
«
amoureuse prison d'une belle «félonne et dure » qui le conduit à la mort, il a décidé de partir pour Angers, et se proclame « amant martyr 1 Du nombre des amoureux sains » (l-VIII).
Aussi veut il écrire un « lais ».
Suit une série de legs, le plus souvent cocasses, à divers personnages (relations du poète, bourgeois parisiens, policiers) : ma"rtre Guillaume de Villon ; son amie ; Ythier Marchant et jean Le Cornu ; Saint-Amant et Blaru; Robert
Vallée ; jacques Cardon ; Regnier de Montigny et jean Raguier ; le seigneur de Grigny et Mouton ; le Chevalier du guet et ses séides ; jacques
Raguier; jean Mautaint, Pierre Basanier et Four nier; Jean Trouvé; Penrinet Marchant; le Loup
et Cholet;« Trois petits enfants tout nus », Colin Laurens, Girard Gossouyn et jehan Marceau ; « Deux pauvres clercs parlant latin » Guillaume
Cotin et Thibaud de Vitry; son barbier, les save tiers et le fripier ; les frères mendiants, les Filles Dieu et les béguines; l'épicier jean de la Garde;
Merebœuf, Nicolas de Louviers et Pierre Rousse ville (IX-XXXIV).
Quand il entend sonner neuf
heures au clocher de la Sorbonne, il suspend sa rédaction pour faire sa prière et sombre dans une demi-inconscience, oubliant le réel et livré à son imagination.
Lorsqu'il retrouve ses esprits, son encre est gelée, et il s'endort.
Tel est le Lais du « bon renommé Villon, 1 Qui ne mange figue ne date, 1 Sec et noir comme un écouvillon » (XXXV-XL).
Le Lais commence donc par la
dénonciation d'une belle dame sans
merci qui
n'a rien fait pour détromper
le poète : elle a laissé
se développer en
lui
un amour dévastateur, et refusé de
lui accorder la moindre faveur sans
qu'il ait commis de faute ; elle accepte
et ordonne.
même qu'il meure ; elle
n'écoute pas ses plaintes ; elle veut
rompre« la vive soudure».
Aussi n'a-t
il plus qu'à fuir.
Mais il demande aux
dieux de l'Amour de le venger et
d'apaiser sa passion, et il lègue à la
cruelle son
« cœur enchâssé, 1 Pâle,
piteux, mort et transi» (v.
77-78).
Le
bon folâtre n'accepte pas de s'avouer
vaincu et de paraître ridicule ; aussi
ajoute-t-il à ses aveux une sorte de
commentaire ironique
et multiplie-t-il
les plaisanteries, exagérant
(les regards de
sa belle
«l'ont transpercé jusques
aux
flancs>>), jouant de la contradic
tion (
« Par elle meurs, les membres
sains»), s'assimilant à des héros litté
raires célèbres (
« Au fort, je suis amant
martyr»), recourant à des expressions
populaires : la dame
a, dit-il, « vers moi
les pieds blancs
», elle lui fait défaut
« comme le cheval balzan qui se
dérobe sous son cavalier au moment
critique ».
Bien plus, Villon contre
attaque : si sa dame est si dure, c'est
qu'elle est fort occupée par
un autre
amant, et il recourt à des équivoques
grossières ; il cherchera donc ailleurs
de bonnes fortunes :
« Planter me faut
autres complans
1 Et frapper en un
autre coin.
» Dans la même veine, le
testament parodique qui suit men
tionne
un certain nombre de person
nages,
dont les uns sont proches du
poète, comme son père adoptif Guil
laume
de Villon ou son ami Regnier de
Montigny, et
dont les autres ont été
sous
les feux de l'actualité parisienne,
et
se termine sur un canular aristotéli
cien qui oppose, avec force termes
techniques pour désigner les facultés
intellectuelles
« opinative », « estima
tive», «prospective», l'état de veille, la
maîtrise lucide
de la mémoire et de la
raison, aux fantaisies délirantes de
l'imagination.
Le poète utilise tout au long des pro
cédés poétiques et linguistiques, à
tonalité satirique, qu'il exploitera dans
le *Testament de façon plus systémati
que, plus originale et plus profonde.
Il
joue sur les dons qu'il prodigue, à
l'ordinaire dérisoires, et les retournant
souvent contre
ses légataires.
Feignant
d'être
un riche chevalier qui distribue
ses armes et ses vêtements, il lègue à
Ythier Marchant son
«brant » [son
épée] à partager avec Jean
.Le Cornu, et
se moque ainsi de ses prétentions à la
noblesse.
Mais le
« brant » dans un
sens érotique, symbolise le phallus,
manière d'accuser Ythier d'être
un.
»
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