Lais, de Marie de France
Publié le 22/01/2019
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Lais, de Marie de France, contes du xiie s., conservés par les manuscrits soit isolément, soit en recueils : l'un d'eux rassemble une douzaine de ces poèmes narratifs, avec deux prologues permettant de deviner une élaboration et une réflexion globales de l'auteur. La structure et les formules d'introduction et de conclusion caractérisent un genre particulier de récit bref, dérivant, par l'intermédiaire de conteurs bretons, de sources folkloriques diverses, reconnaissables à la toponymie (normande, dans le cas des Deux Amants). Une fiction créatrice renvoie aux circonstances de l'aventure, et suppose une mise en musique du poème. En fait, les schémas narratifs traditionnels et les motifs légendaires sont redistribués en fonction d'une nouvelle esthétique, qui d'ailleurs évolue d'un conte à l'autre. Dans Guigemar et dans Bisclavret, l'allure est encore archaïque, avec le thème de la biche qui parle, dans un cas, et un loup-garou dans l'autre. Mais la technique change avec Yonec, histoire d'un chevalier transformé en oiseau, Laüstic, qui raconte le meurtre d'un rossignol par un mari jaloux de la rencontre amoureuse dont il était le prétexte, Milon, où l'on voit un cygne porter les messages des amants, le Chèvrefeuille, conduisant le récit à la description d'un emblème, amoureux figuré par la plante enroulée autour de la branche de coudrier. Dans l'ensemble, l'évocation des mœurs de cour transforme l'atmosphère violente de la légende que l'on croit deviner à l'origine. La fée de Lanval est une élégante demoiselle, et la rupture du contrat magique s'estompe pour laisser la place à un long procès provoqué par la reine.
«
« Le seigneur s'éta it levé de bon
matin pour aller à la chasse ...
»
TRAITS
Mais lui, dès qu'il aperçoit le roi ,
court vers lui implorer sa grâce.
(.
.
.)
«Seigneurs , venez donc
voir ce prodige,
voyez comme cette bête se prosterne
!
Elle a !'intelligence d'un homme , elle implore ma grâce.
Faites-moi
rec uler tous ces chiens.
»
Lanval emporté en Avalon par la fée-amante
La jeune fille s'en va
sans que
le roi puisse la retenir ;
tous s'empressent à la
servit:
Au sortir de la salle, on avait placé
un grand perron de marbre gris
qui aidait les chevaliers alourdis par leurs armes
à monter à cheval en quittant la cour du roi.
Lanval est monté sur
la pierre
et quand
la jeune fille franchit la porte,
d'un bond, il saute derrière elle
sur
le palefroi .
Description du navire de Guigemar
Au port, un seul navire, Il
s'en va
avec elle en Avalon,
comme nous
le racontent les Bretons .
C'est dans cette île mer veilleuse
dont il aperçoit la voile,
un navire prêt à prendre
la mer,
calfaté en dehors et en dedans que
le jeune homme a été enlevé.
sans
qu'on puisse voir la moindre jointure.
Pas une cheville, pas un crampon
On n'en a plus jamais entendu parler
et mon conte s'arrête là.
Traduction de Laurence Harf-Lancner ,
Hachette,
1990 qui ne soient d'ébène :
il n
'est rien de si précieux !
La voile, toute de soie ,
se déplie magnifiquement.
Figure paternelle et bonne du roi
sauvant
le Bisclavret (loup-garou)
Il s' était écoulé un an entier
quand le roi
s'en alla chasser,
galopant droit vers la forêt
où vivait
le Bisclavret.
Les chiens, lâchés,
rencontrent
le Biscla vret;
chiens et vene urs
le poursuivent toute la journée
et manquent le prendre,
le déchirer et
le mettre à mal.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« Mais l'on peut juger aussi que si Marie de
France met en valeur l'homme et la réalité
dan s une forme qui est celle du merveilleux,
cela n'est
ni balbutiement d'une expression
encore tâtonnante
ni coquetterie d'artiste
nai"f, mais bien au contraire le fait de l'art
réfléchi d'une artiste consciente, qui a saisi
cette occasion unique pour jouer dans son
œuvre
un jeu antithétique significatif entre
l a forme et le fond, et qui, de cette
opposition qui devrait signifier dislocation
1 Roger·.Y io lle t 2 , 5 Edimédia 3.
4 Giraudon
« Guigemar est un
chasseur passionné.
[ Il) se lance à la
poursuite d'un grand
cerf ...
»
et incohérence, a fait le principe de
structure de cette œuvre , dont la forme du
passé et le fond du présent contrastent les
d eux pôles contraires du merveilleux et de
l'humain.
» Edgar Sienaert, Les Lais de
Marie de France , du conte merveilleux à la
nouvelle psychologique, Pari s, Champion ,
1978.
« Car si la dame courtoise occupe en
apparence une place privilégiée,
c'est en
fonction de l'érotisme masculin.
Certes, ce
sont peut-être aussi les hommes qui rêvent d'une
mère jusque dans leurs désirs sexuels,
mais l'imaginaire des contes merveilleux
semb
le concerner moins le désir viril
lui-même que le mystère de la sex ualité
féminine.
Très proches de ce que nous
retrouvons dans d'autres folklores, ce
merveilleux laisse affleurer
un esprit
matriarcal, plus archaïq ue, dans le règne
masculin de la société féodale et de la
religion chrétienne.
» Daniel Poirion , Le
Merveilleux dans
la littérature française du
Moyen Age, Paris, PUF, «Que sais-je?»,
1982.
MARIE DE FRA NCE 02.
»
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