L'Adolescence clémentine et sa Suite (Marot) - Fiche de lecture
Publié le 19/11/2010
Extrait du document
«Pour faire court, je ne sus tant prêcher, Que ces Paillards me vousissent [voulussent] lâcher. Sur mes deux bras ils ont la main posée, Et m'ont mené ainsi qu'une Épousée,
Non pas ainsi, mais plus roide un petit [un petit peu plus rudement].
[...]
Très humblement requérant votre grâce,
De pardonner à ma trop grande audace
D'avoir empris [entrepris] ce sot Écrit vous faire :
Et m'excusez si pour le mien affaire
Je ne suis point vers vous allé parler :
Je n'ai pas eu le loisir d'y aller.«
(Ibid., v. 27-31 et 63-68)
«
Ce poème est une ballade, forme fixe comportant trois strophes généralement «carrées» (le nombre de versest égal au nombre de syllabes par vers, comme ici où l'on a des huitains d'octosyllabes) et terminées par unrefrain (ici «Il n'est que d'être bien couché») ; les strophes sont suivies d'un «envoi» (demi-strophecomprenant une adresse au destinataire et une reprise du refrain).
Mais c'est l'épître qui sert le plus souvent à la sollicitation.
Marot, emprisonné,
demande sa grâce, comme dans cette épître au roi:
«Roi des François, plein de toutes bontés, Quinze jours a, je les ai bien comptés, Et dèsdemain seront justement seize, Que je fus fait Confrère au Diocèse
De saint Marri en l'Église saint Pris.»
(Suite de l'Adolescence,
Épître XVI, v.
1-5)
Comparant l'entrée en prison à une entrée en religion, osant des rapprochements entre les noms des églisesSaint-Méry et Saint-Priest, a les mots «marri» [affligé] et «pris», évoquant avec insistance la longueur de sadétention, Marot tâche de faire sourire le roi.
Par ce ton plein d'esprit, il met à distance son malheur dans lacomparaison entre les soldats du guet qui saisissent le prévenu et l'époux qui conduit sa fiancée à l'autel, ainsique dans l'adresse finale au roi :
«Pour faire court, je ne sus tant prêcher,
Que ces Paillards me vousissent [voulussent] lâcher.
Sur mes deux bras ils ont la main posée,
Et m'ont mené ainsi qu'une Épousée,
Non pas ainsi, mais plus roide un petit [un petit peu plus rudement].
[...]
Très humblement requérant votre grâce,
De pardonner à ma trop grande audace
D'avoir empris [entrepris] ce sot Écrit vous faire :
Et m'excusez si pour le mien affaire
Je ne suis point vers vous allé parler :
Je n'ai pas eu le loisir d'y aller.»
(Ibid., v.
27-31 et 63-68)
2.
LE BADINAGE AMOUREUX
Pour Marot, la Dame n'est pas seulement une Déesse comme dans la tradition courtoise, qui maintient l'aimée àdistance en l'idéalisant, mais aussi une femme qu'on désire charnellement.
Dans le poème suivant, il utilise la forme du rondeau, poème court de quinze vers, composé de deux strophes decinq vers encadrant un tercet ; le refrain, qui conclut la seconde et la troisième strophe reprend la premierhémistiche du premier vers (ici «Toutes les nuits») :
«Toutes les nuits je ne pense qu'en celle Qui a le corps plus gent qu'une pucelle De quatorzeans, sur le point d'enrager, Et au-dedans un coeur, pour abréger,
Autant joyeux qu'eut onque Demoiselle.
Elle a beau teint, un parler de bon zèle, Et le tétin rond comme une groseille.
N'ai-je donc pasbien cause de songer
Toutes les nuits ?
Touchant son coeur, je l'ai en ma cordelle [dans ma bourse, en ma possession]
Et son mari n'a sinon le Corps d'elle : Mais toutefois, quand il voudra changer, Prenne le Coeur :.
»
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