La Visite de la vieille dame de Dürrenmatt
Publié le 27/03/2013
Extrait du document
La Visite de la vieille dame (Der Besuch der alten Dame) a été créée à Zurich en 1956 et jouée pour la première fois en France l'année suivante, au théâtre Marigny, interprétée par des comédiens tels que Sylvie, Christian Marin, Paul Crauchet et Henri Virlojeux.
«
Cette pièce a été
traduite dans de
nomb re uses lang ues et
jouée dans Je monde
entier ; en Chine, ell e a
même fait l'objet
d'une
bande dessinée, les
Chinois ayant paraît - il
trouvé dans la « v ieille
dame » une
ressemb lance avec la
veuve de Mao Tsé
toung.
« -Très hon orée
Ma dame, en tan t qu e
m air e de G üll en , j'ai l'honn e ur insig ne de
r ecevo ir e n vo tre
p erso nn e un enfant de
n o tre ...
»
EXTRAITS
A prè s le discour s du maire , très
élogieu x pour
ne pa s dire flagorneur , qui
a salu é
le retour de Claire Zahana ssian
à Güllen , celle-ci remet les choses en
pla
ce, a vec ironi e
CLAIRE ZAHANASSIAN : - Monsieur le mai r e,
habitants de Güllen ! La joie désintéressée
que vous inspire ma visite m'émeut.
J'étais
en vérité une enfant assez différente de ce
qu'il paraît dans le discours du maire :
j'ai
été battue à l'éco l e.
Et l es pommes de terre
de la vieille
Boil, je les ai volées, avec Ill
pour complice, pas du tout pour éviter à la
vieille maquerelle de crever de faim, mais
pour coucher enfin une fois avec Alfred dans
un vrai lit ; c'était plus
confortable que la forêt
de l' E rmitage ou la
grange de Colas.
Mais
pour apporter tout de
même ma contribution
à vo t
re joie, je vous dé
clare tout de suite que
je suis prête à faire à
G üll en un cadeau de
cent milliards.
(.
.
.)
LE MAIRE : - Madame a
dit à une condition.
P uis -
je la connaître ?
CLAIRE ZAHANASSIAN : -
La voilà.
Je vous donne
cent milliards, et
pour
ce prix je m'achète la
justice.
Plu s loin , alor s que la corruption et ·
l'h y pocri s ie atteignent la ville de Güllen
comme une gangrène,
les habitant s
e
ssaient encore d'amadouer la « vieille
dame
» : e lle ne peut pas leur demander
de
tuer!
LE PROVTSEUR : - Madame Zahanassian !
Vous êtes une femme blessée dans son
amour et vous exigez la justice absolue.
A
mes yeux, vous êtes une héroïne antique, une
Médée! Mais
nous vous comprenons si ·
bien, que vous nous donnez le courage de
vous
demander davan
tage.
Quittez votre ter
rible
proj et de ve n
geance; ne nous poussez
pas à la dernière extré
mité.
Nous sommes
pauvres et faibles, mais
honnêtes ; aidez -nous à
mener une vie un peu
plus digne.
Faites triom
pher en vous la pure
charité.
CLAfRE ZAHANASSfAN : -
La charité, Messieurs ?
Les millionnaires peu
vent se l'offrir.
Avec ma
puissance financière, on
s'offre un ordre nouveau
à l'éche lle mondiale.
Le
monde a
fait de moi une
putain; je veux faire du monde un bordel .
Si on tient à entrer dans la danse et si on n'a
pas de quoi casquer, il faut y passer.
Et vous
avez voulu entrer dans la danse .
Les gens
convenables sont
ceux qui paient : et moi,
je paie.
Güllen pour un meurtre ; la pros
périté pour un cadavre !
Traduit de J 'allemand par J.-P.
Porret.
Éditions Flammarion, 1985
« -Des couronnes.
-Ils en ramè nent to us l es matins de la gare.
-Po ur le cerc ueil
vide de I' Apôtre Doré.
»
« -Elle s'en va.
- Celle q ui no us a
richeme nt dotés .
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Friedric h Dü rrenm att (192 1-1990) était un
a u teur s uisse d'expression all emande.
Il
doit sa célébrité au th éâtre
(Le Mariage
radiophoniques (La Pann e, 1956) et
télévis uelles.
« La logique, tout est là ! Profondément
conscient de la folie du monde , Dürrenmatt
jo ue à démasquer cette logique quand elle
devient contradictoire.
Écrivain pessimiste
et mé lancolique malgré son goût pour la
parodie,
il possède l'art suprême d'installer
un climat, de nouer une intrigue , de créer
u ne situation, puis il jongle avec cette
si tuation comme
un chat avec la souris, il
introduit le suspense dans le jeu avec
l'habileté des grands maîtres du roman
po licier.
» N.
Chardaire , préface de La
Visite
de la vieille dame, Flammarion , 1956.
de Monsieur Mississippi, 1952; Les
Physiciens ,
1962; Play Strindberg, 1969),
ainsi qu
'à ses romans, ayant parfois une
trame policière
(Le Juge et son bourreau,
1952; Le Soupçon, 1953; La Promesse,
1958).
Il a éga lement laissé des Écrits
sur
le théâtre (1966-1972), des pièces
1 O.R.
2, 3, 4, 5 dess ins de Felix Lo se r, Zytglo gge Ve rlag Gümlin gen, 199 1
« L'humour noir, le fantastique et le drame
s'y fondent èn un matériau théâtral si solide
que les situations les plus improbables et les
personnages les plus audacieusement
conçus y deviennent les éléments
d'une
construction harmonieuse et logique.
»
J.
Selz, Les Lettres nouvelles, avril 1957.
DÜRRE NM A TT 02.
»
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