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La vie de Rancé de Chateaubriand

Publié le 27/03/2013

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Le livre paraît en mai 1844 et, en dépit de la célébrité de Chateaubriand, ne fait pas l'unanimité de la critique. Il choque les hommes de foi ; on y vit la marque d'un génie vieillissant. Aujourd'hui, cette oeuvre est considérée comme une des plus attachantes de l'écrivain. «Il nous est permis aujourd'hui de douter du sérieux intérêt que M. de Chateaubriand attachait à cette biographie : le romantisme en est la forme et la téméraire croyance à de certains contes calomnieux et invraisemblables en compose le fond. « Chronique du monastère de la maison de Dieu NotreDame-de-la-Grande Trappe, 1851.

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« Gaston d'Orléans, que Rancé assista dans ses derniers instants (œuvre de Van Dyck, musée Condé, Chantilly) EXTRAITS Le commencement de la sagesse La vieiliesse est une voyageuse de nuit : la terre lui est cachée ; elle ne découvre plus que le ciel.

« Sic transit gloria mundi » Sociétés depuis longtemps évanouies, com­ bien d'autres vous ont succédé! Les danses s'établissent sur la poussière des morts, et les tombeaux poussent sous les pas de la joie.

Nous rions et nous chantons sur les lieux arrosés du sang de nos amis.

Où sont aujourd'hui les maux d'hier ? Quelle importance pourrions-nous attacher.

aux choses de ce monde ? L'amitié ? Elle dis­ paraît quand celui qui est aimé tombe dans le malheur, ou quand celui qui aime devient puissant.

L'amour ? Il est trompé.fugitif ou coupable.

La re­ nommée ? Vous la partagerez avec la médiocrité ou le crime.

La fortune ? Pourrait-on compter comme un bien cette frivolité ? Restent ces jours, dits heureux, qui coulent ignorés dans l'obscurité des soins domestiques, et qui ne laissent à /'homme /'envie ni de perdre ni de recom­ mencer la vie.

L'invisible meur­ trissure du temps D'abord, les lettres sont longues, vives, multipliées ; le jour n'y suffit pas : on écrit au coucher du soleil ; on trace quelques mots au clair de la lune, chargeant sa lumière chaste, silencieuse, discrète, de couvrir de sa pudeur mille désirs.

Ons' est quitté à /'aube ; on épie la première clarté pour écrire ce que l'on croit avoir oublié de dire.

Mille serments couvrent le papier, où se reflètent les roses de l'aurore ; mille bai­ sers sont déposés sur les mots qui semblent naître du premier regard du soleil : pas une idée, une image, une rêverie, un accident, une inquiétude qui n'ait sa lettre.

Voici qu'un matin quelque chose de presque insensible se glisse sur la beauté de cette passion, comme une première ride sur le front d'une femme adorée.

Le souffle et le par­ fum de l'amour expirent dans ces pages de la jeu­ nesse, comme une brise le soir s'en­ dort sur des fleurs; on s'en aperçoit, et/' on ne veut pas se l'avouer.

Les lettres s' abrègent, diminuent en nombre, se remplissent de nouvelles, de description, de choses étran­ gères ; quelques-unes ont retardé, mais on est moins inquiet ; sûr d'aimer et d'être aimé, on est devenu raisonnable ; on ne gronde plus, on se soumet à l'absence.

Les serments vont toujours leur train ; ce sont toujours les mêmes mots, mais ils sont morts; l'âme y manque : « je vous aime » n'est plus qu'une expression d'habitude, un protocole obligé, le« j'ai l'honneur d'être» de toute lettre d'amour.

Peu à peu le style se glace, ou s'irrite, le jour de poste n'est plus impatiemment attendu ; il est redouté écrire devient une fatigue.

La duchesse de Montpensier, dite La Grande Mademoiselle, que Rancé rencontra en fréquentant les milieux de la Fronde (œuvre de Pierre Mignard, musée de Versailles) NOTES DE L'ÉDITEUR certains d'entre nous peuvent retrouver quelques-uns de leurs problèmes, c'est-à­ dire de leurs limïtes.

Comment l 'œuvre pieuse d'un vieillard rhéteur, écrite sur la commande insistante de son confesseur, surgie de ce romantisme français avec le­ quel notre modernité se sent peu d'affinité, comment cette œuvre peut-elle nous concer­ ner, nous étonner, nous combler ? >> « Il inaugurait dans cet ouvrage cette méthode des plongées en arrière, des similitudes, des contrepoints qui a tant influencé la littérature du XXe siècle.

En notre temps, Rancé paraît beaucoup plus proche de notre manière de sentir que les beautés pompeuses mais dépassées des Martyrs ou d'Atala.

»Duc de Castries, Chateaubriand ou la puissance du songe, Librairie Académique Perrin, 1974.

«Que peut dire aujourd'hui à un homme incroyant, dressé par son siècle à ne pas céder au prestige des « phrases », cette vie d'un trappiste du temps de Louis XIV écrite par un romantique ? Cependant nous pouvons aimer ce livre, il peut donner la sensation du chef-d'œuvre, ou mieux encore (car c'est là une notion trop contemplative) d'un livre brûlant, où 1 Sipa-lcono 2.

3, 4, 5 Giraudon Roland Barthes, La voyageuse de nuit, préface de La Vie dè Rancé, UGE, 1965.

CHATEAUBRIAND 06. »

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