La Philosophie dans le boudoir de Sade (analyse)

La Philosophie dans le boudoir

L’œuvre se rattache à une double tradition : celle du dialogue des courtisanes ou des conversations libres entre femmes et celle, réactivée au xviiie siècle et qu’affectionnait Diderot, du dialogue philosophique. Il s’agit moins d’énoncer une philosophie propre au boudoir que de déplacer la philosophie, de remplacer le cabinet de travail solitaire et abstrait par le lieu d’une pratique collective corporelle et sexuelle. L’objet de l’ouvrage est l’éducation intellectuelle et physique de la jeune Eugénie, dont le nom renvoie, par le biais de la racine grecque, à l’idée de génération, de procréation. A cette fin, une amie plus âgée convoque son propre frère, jeune homme prompt au plaisir mais généreux, et Dolmancé, libertin de mœurs et d’idées, endurci dans ses vices. Des valets bien membrés ainsi qu’un jeune jardinier participent à l’action sans accéder à la dignité du débat d’idées. Le dualisme refusé entre le corps et l’esprit se retrouve socialement entre l’élite et — si l’on peut dire — la main-d’œuvre. Eugénie découvre la terminologie et l’usage de ses organes, elle apprend à rechercher sa jouissance et à justifier ses passions. Le point culminant de l’initiation, après les diverses déflorations, est la torture de la mère, venue imprudemment soustraire sa fille aux influences pernicieuses.