La Nouvelle Justine ou les Malheurs de la vertu
Publié le 10/04/2013
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Pour aboutir à cette oeuvre écrasante qui, avec sa suite, L' Histoire de Juliette ou les Prospérités du vice, atteint quatre mille pages, Sade travailla plus de dix ans. Il ne faut pas confondre cette Justine magistrale de 1797 avec le conte philosophique Les Infortunes de la vertu (1787), ni avec le roman Justine ou Les Malheurs de la vertu (1791). Là, avec un autre roman, Les Cent Vingt Journées de Sodome, Sade est résolument allé plus loin que n'importe quel auteur dans l'horreur du mal.
«
« Il est donc vrai
qu'il y a des créatures
humaines que la nature
ravale au même sort
que celui des bêtes
féroces?»
EXTRAITS
Voici comment Justine est présentée
à la compagnie tombée entre les mains
de moines débauchés
Elle veut encore fuir : il n'est plus temps, la
trappe est refermée.
- Mes amis, dit Severino en entrant, per
mettez-moi de vous présenter un véritable
phénomène (Justine).
Voici une Lucrèce qui
porte à la fois sur ses épaules la marque du
crime et dans le cœur toute la naïveté d'une
vierge.
D'ailleurs, vous le voyez, une
superbe
fille! Examine z cette taille, la blan
cheur de cette peau, la fermeté de cette
gorge, la sublimité de ces cuisses, la ron
deur de ce cul, la beauté de ces cheveux, le
délicieux ensemble de ces traits, le feu divin
de ces regards.J'espère que, quoique celle
ci ne soit
pas absolument neuve, vous
avouerez pourtant qu'il en est bien peu dans
le sérail qui réunissent autant de beautés.
- Sacredieu, dit Clément, je ne l'avais vue
qu' habillée ;
j'en avais rendu compte ;
mais, par le nom d'un bougre de Dieu dont
je me fous ! je ne la croyais pas si jolie.
Cette dépravation, le sadisme
-Couchons-nous, dit froidement le moine;
en voilà beaucoup trop pour vous, n'est-ce
I'
pas, mesdemoiselles ? et certainement pas
assez pour moi.
On ne se lasse point de cette
manie, quoiqu'elle ne soit qu'une
imparfaite
image de ce qu'on voudrait réellement faire.
Ah ! chères filles, vous ne savez pas jus
qu'où nous entraîne cette dépravation,
l'ivresse où elle nous jette, la commotion
violente qui en résulte, dans le fluide élec
trique de l'irritation produite par la douleur
del' objet qui sert nos passions, comme on
est chatouillé de ses maux ! Le désir de les
accroître, voilà l'écueil ,
je le sais; mais cet
écueil est-il à craindre pour qui se moque
de tout, pour qui
n'a plus ni foi, ni loi, ni
religion,
pour qui foule aux pieds tous les
principes?
Éliminons la morale imposée
par la société et voyons l'homme
en lui-même
-Mais l'homme dont vous parle z est un
monstre!
-L'homme que je peins est dans la nature.
- C'est une bête féroce.
- Eh bien ! le tigre, le léopard,
dont cet
homme est, si tu veux, l'image, n'est-il pas
comme lui créé
par la nature , et créé pour
remplir les intentions de la nature ? Le loup
qui dévore l'agneau accomplit les vues de
cette mère commune, comme le malfaiteur
qui détruit l'objet de sa vengeance ou de sa
lubricité.
-
Oh! vous aurez beau dire, mon père, je
n'admettrai jamais cette lubricité destruc
tive.
-Parce que tu crains d'en devenir l'objet:
Voilà l'égoïsme (.
.
.) Ô Justine ! elle serait
bien étonnée cette nature , si elle pouvait un
instant raisonner avec nous, et que nous lui
disions que ces crimes qui la servent, que
ces forfaits
qu'elle exige et qu'elle nous
inspire, sont punis
par des lois qu'on nous
assure être l'image des siennes.
NOTES DE L'EDITEUR devons connaître.
» Georges Bataille,
L' Affaire de Sade, Éditions J.-J.
Pauvert,
1957.
violence,
la vie et la mort, le désir, la
sexualité vont étendre, au-dessous de la
représentation, une
·immense nappe d'ombre
que nous essayons maintenant de reprendre
comme nous pouvons, en notre discours, en
notre liberté , en notre pensée.
» Michel
Foucault,
Les Mots et les Choses,
Gallimard, 1966.
« S'il y a un enfer dans les bibliothèques,
c'est pour un tel livre.
On peut admettre
que, dans aucune littérature, d'aucun temps,
il
n'y a eu un ouvrage aussi scandaleux, que
nul autre
n'a blessé plus profondément les
sentiments et les pensées des hommes.
»
Maurice Blanchot, Lautréamont et Sade,
Éditions de Minuit, 1963.
« Actuellement nous ne devons retenir que
la possibilité de descendre par Sade dans
une espèce d'abîme d'horreur que nous
«Sade a voulu redonner à l'homme civilisé
la force de ses instincts primitifs.
Il a voulu
délivrer l'imagination amoureuse de ses
propres objets.
Il a cru que de là, et de là
seulement, naîtrait la véritable liberté.
»
Paul Éluard, L' Évidence poétique,
Gallimard.
« Sade parvient au bout du discours et de la
pensée classiques.
A partir de lui, la
1 portr ait du marqui s de Sad e (vers 1814- 18 15), B . N.
/ Gi raudo n 2, 3 peintur es de C.
Trouill e, éd.
J.-J.
Pa uvert , Iv ry , 1969 / D.R .
« Justine est une entité abstraite, et ne paraît
avoir été
imaginée par l'auteur
qu'en vue de
la démonstration de sa thèse pessimiste sur
les conséquences de la
vertu.» Gilbert Lely,
D.
A.
F.
de Sade, Seghers, 1948.
SADE0 3.
»
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