La Mare au diable
Publié le 05/04/2013
Extrait du document
George Sand est un écrivain extrêmement prolixe. Près d'une quarantaine de pièces de théâtre, une centaine de romans et plus de quarante mille lettres forment son oeuvre. Elle est l'un des auteurs les plus importants et les plus méconnus du xixe siècle. La Mare au diable a paru en 1846...
«
« Eh bien ! nous
allons donc entrer
dans
le cabaret
de la mère Rebec,
à Corlay
.•• ,.
.---------- EXTRAITS
Simplicité de Germain
-Puisque votre gendre va à Fourche de
main, il peut bien l'emmener.
Il paraît que
c'est tout à côté
du domaine où elle va, à ce
qu'on m'a dit ; car je n'ai jamais fait ce
voyage-là.
-
C'est tout à côté, et
mon gendre
la conduira.
Cela se doit ; il pourra
même la prendre en
croupe sur la jument, ce
qui ménagera ses sou
liers.
Le voilà qui rentre
pour souper.
Dis-moi,
Germain,
la petite Marie
à la mère Guillette
s'en
va bergère aux Ormeaux.
Tu la conduiras sur ton
cheval, n'est-ce pas ?
-
C'est bien, dit Ger
main qui était soucieux,
mais toujours disposé
à rendre service à son
prochain.
Dans notre monde à
nous, pareille chose ne
viendrait pas à la pensée d'une mère, de
confier une fille de seize ans à
un homme de
vingt-huit.
Marie, femme avisée
- Ah! petite méchante, vous vous moquez
de moi ?
Vous ne boiriez pas du vin, si vous
en
aviez?
- Moi ? j'en ai bu ce soir avec vous chez la
Rebec, pour la seconde fois de ma vie ; mais
si vous êtes bien sage,
je vais vous en don
ner une bouteille quasi pleine, et du bon
encore!
- Comment, Marie, tu es donc sorcière,
décidément
?
- Est-ce que vous n'avez pas fait la folie de
demander deux bouteilles de vin à la Rebec ? à
peine avalé trois gouttes de celle que vous
aviez mise devant moi.
Cependant, vous les
avez payées toutes les deux sans y regarder.
- Eh
bien?
-Eh bien, j'ai mis dans mon panier celle
qui n'avait pas été bue, parce que
j'ai pensé
que vous ou votre petit auriez
soif en route ;
et
la voilà.
-
Tu es la fille la plus avisée que j'aie
jamais rencontrée.
Voyez ! elle pleurait
pourtant, cette pauvre enfant, en sortant
de /'auberge ! ça ne /'a
pas empêchée de
penser
aux autres plus qu'à elle-même.
Petite Marie, l'homme
quit' épousera ne
sera pas sot.
-
Je l'espère, car je
n'aimerais pas un sot.
Lendemain de noces
Germain, fier et dispos,
sortit
pour aller lier ses
bœufs, laissant sommeiller
sa jeune compagne jus
qu'au lever du soleil.
L 'alouette, qui chantait en
montant vers les cieux, lui
semblait être la voix de
son cœur rendant grâce à
la Providence.
Le givre,
qui brillait
aux buissons
décharnés, lui semblait la
blancheur des fleurs
d'avril précédant l' appa
rition des feuilles.
Tout
était riant et serein
pour
lui dans la nature.
Le
Petit-Pierre avait tant ri et tant sauté la
veille, qu'il ne vint pas l'aider à conduire
ses bœufs ; mais Germain était content
d'être seul.
Il se mit à genoux dans le sillon
qu'il allait refendre, et fit la prière
du matin
avec une effusion si grande que deux larmes
coulèrent sur ses joues encore humides de
Vous en avez bu une avec votre petit, et j'ai sueur.
« La veuve Guérin
était bien faite et
ne manquait pas
de fraîcheur ...
,.
NOTES DE L'ÉDITEUR
« A des romanciers qui, comme Paul Féval
ou Eugène Sue, semblaient prendre plaisir
à peindre
l'" abjection de la misère", le
"fumier de Lazare", George oppose
l'image idyllique
d'une nature fécondée
par l'homme .
bœufs
à la robe sombre que mène un jeune
homme bien découplé, voilà nous dit-elle,
la véritable et réconfortante image du labeur
humain
! Et, mettant les points sur les" i ",
George, dans un avertissement au lecteur,
sonne de la trompette :
" ...
l'art n'est pas
une étude de la réalité positive;
c'est une
recherche de la vérité
idéale".
champs, c'est une représentation idéale du
paysan lui-même.
» Pierre de Boisdeffre,
préface de
La Mare au diable, Hachette,
1984.
» La romancière reprend à son compte
l'image d'Holbein, mais en lui donnant tout
son sens.
A la première page de
La Mare au
diable, elle peint la même scène, mais dans
une tout autre lumière : ces quatre paires de
» On peut discuter ce point de vue, mais
George y tient et, dans ses romans de
mœurs paysannes, elle s'applique à
l'illustrer.
La Mare au diable( ...
) n'est pas
seulement une réhabilitation de la vie des
1 G.
Sand par A.
Chaipentier.
maison Renan-Scheffer.
Paris/ coll.
Viollet 2, 3, 4, 5 Roger-Viollet
« Quand j'ai commencé, par La Mare au
diable, une série de romans champêtres,( ...
)
je n'ai eu aucun système, aucune prétention
révolutionnaire en littérature.
Personne ne
fait une révolution à soi tout seul.
» George
Sand.
SAND03.
»
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