La Maladie comme métaphore ou Le sida et ses métaphores Susan SONTAG

« LA GRANDE PEUR DU SIDA Le sida : la grande peur.

Celle-ci n'est jamais aussi intense que lorsque les hommes se découvrent sans prise, incapables de connaître les causes du mal et de se défendre contre lui (Jean Delumeau et Yves Lequin, Les Malheurs des temps.

Histoire des fléaux et des calamités en France, Larousse, 1987).

Même le professeur Luc Montagnier, qui découvrit le virus, dit que celui-ci a des modes d'action« tout à fait diaboliques».

Il peut «attendre son heure», occupant discret d'un corps qui ne se sait pas atteint, menace cachée, rongeur tapi (séropositivité).

Comment répondre à cette figure moderne du désordre, se demande Georges Balandier, dans Le Désordre.

Éloge du mou­ vement.

Le laisser-faire hédoniste, l'hyper-ordre totalitaire? Ou, entre les deux, les risques calculés d'une sexualité pru­ dente? Des trois grandes sources de désorganisation des sociétés contemporaines, isolées par Balandier (le terrorisme, les turbu­ lences monétaires, le sida), la «maladie venue d'ailleurs» est certainement la plus lourde d'inquiétudes.

SUSAN SONTAG Autant qu'un problème médical, une «grande maladie» est un problème politique et une interrogation religieuse, car elle représente le Mal et la mort à l'ouvrage.

Susan Sontag, essayiste et romancière américaine bien connue, luttait depuis plusieurs années contre «la longue et douloureuse maladie», comme on désigne par périphrase le cancer, quand elle ressen­ tit le besoin d'écrire sur ce qui menaçait de la détruire.

Elle rédigea alors La Maladie comme métaphore (1977, Strauss and Giroux, New York).

Quelques années plus tard, en 1988, elle étendait ses réflexions au sida, devenu à son tour le «synonyme du mal», et publia Le Sida et ses métaphores.

Les éditions Christian Bourgois ont réuni les deux essais en 1993.. »