LA LÉGENDE DES SIÈCLES d'Hugo (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)

LA LÉGENDE DES SIÈCLES

(Les poèmes ont été composés depuis 1840, mais surtout à partir de 1853, et publiés eu trois séries : 2 volumes en 1859, 2 volumes en 1877, un volume en 1883. Les pièces ont été ensuite reclassées par V. Hugo. J'étudie la Légende dans les deux volumes de 1859, qui ont plus d’unité).

I Le passage de la poésie lyrique à la poésie épique. — 1° Le tempérament du poète. — Le premier titre auquel Victor Hugo avait songé et qu’il conservera comme sous-titre de sa première série était : les Petites Épopées. La Légende des siècles, en effet, reste bien, à certains égards, un recueil lyrique comme les Contemplations. La personnalité du poète y apparaît de temps à autre sous des masques transparents, plus nombreux et plus évidents dans les deuxième et troisième séries. Il y a même une chanson, la Chanson des aventuriers de la mer. Mais c’est bien, pour l’essentiel, de la poésie épique ; c’est le seul poème qui, depuis les chansons de geste, mérite vraiment le nom d’épopée. Il en a, comme nous le montrerons, les caractères de grandeur et de prodige.

Ce don épique était au fond même du tempérament de Victor Hugo, Il était la forme essentielle de son imagination. Le poème épique est avant tout une vision, la vision par des imaginations jeunes et puissantes de vies et d’aventures fabu leuses, mais qui leur semblent aussi certaines et vivantes que la vie réelle. Or Victor Hugo est un imaginatif ou même un visionnaire. Les rêves les plus prodigieux sont pour lui comme des réalités. Depuis très longtemps il poussait le roman, le théâtre, la poésie lyrique vers l’épopée. Notre-Dame de Paris a des fresques épiques. Les Burgraves sont moins un drame que de l’épopée mimée. Il aurait fallu peu de chose pour que les Malheureux des Contemplations pussent prendre place dans la première Légendet et le Rouet d'Omphale pouvait y être publié. C’est très certainement sur les instances de l’éditeur Hetzel que Victor Hugo renonça à publier des Apocalypses (qui ne virent le jour que plus tard sous d’autres titres) et réunit en volume des « Petites épopées ». Mais quelques-unes de ces épopées (Aymerillot, le Mariage de Roland, Après la bataille) avaient été écrites de 1846 à 1850. La forme lyrique évoluait invinciblement chez Victor Hugo vers la forme épique.

2° Le moment et le milieu — Surtout, Victor Hugo, chassé de France par le coup d’État, chassé même de Bruxelles, retranché dans la solitude de Marine-Terrace à Jersey (1852-18J5), puis à Guernesey au manoir d’Hauteville-House, n’est plus le Victor Hugo qui chantait la Fête chez Thérèse ou même saisissait les comètes par les cheveux. Des réalités se sont dressées devant lui : un homme suivi de presque tout un peuple asservi a tué la liberté et prétend museler la pensée. Contre lui, il n’y a plus pour lutter qu’un petit groupe d’exilés. Peut-être même n’y a-t-il plus que Victor Hugo. Les temps sont venus où son rêve de prophète devient une réalité accablante et grandiose. En face du crime, du tyran et de son immense armée de courtisans ou d’esclaves, un homme seul se dressera, et vaincra, par la seule puissance de sa parole. Dès lors, Victor Hugo vit dans le vertige de cette mission qui le met, plus que jamais, au-dessus de la commune humanité. Il écrit les satires des Châtiments, qu’il avait d’abord dessein d’appeler des épopées ; L'Expiation y est bien une épopée digne de la Légende des siècles. La vie même qu’il mène à Jersey accroît cette exaltation. Les violences de langage des émigrés irritent les habitants et les Anglais. Victor Hugo, en 1855, sera sommé de quitter l’île et devra s’installer à Guemesey. Avec quelques amis, avec Pierre Leroux surtout, il remue de vastes systèmes, fait et défait l’ordre des mondes. Enfin pour ces promenades et ces méditations qu’il aime, il n’a plus seulement les coteaux de la Bièvre et de Mont-lhéry, mais l’immense et tragique Océan, une côte hérissée, que