La jument Verte de Aymé
Publié le 30/03/2013
Extrait du document
De nombreux films et téléfilms ont été tirés de l'oeuvre de Marcel Aymé. Ce dernier en fut d' ailleurs souvent le dialoguiste. Parmi les plus connus, on peut citer : La Traversée de Paris ( 1956) et La Jument verte ( 1959), qui, tous deux, ont été réalisés par Claude Autant-Lara.
«
« Il y avait, dans le fait
de porter des ba s ..
- blanc s à jours, un
manque de modestie
certain dont
il lui
faudrait bien s'acc u ser par écrit dans un
prochain examen de
conscience.
»
EXTRAITS -----------.
Une apparence pesante
Cependant que les Haudoin m'accrochaient
dans leur salle à manger,
le gén ie del' artiste
palpitait dans mes yeux laiteux et courait en
frissons tout au long de ma robe verte.Je me
sentais naître à la conscience
d'un monde
brutal et languissant dans
l e qu el ma nature animale
annexait l'érotisme gé
néreux et spirituel de
Murdoire.
Une humanité
douloureusement concu
piscente hantait l' appa
rence de ma chair; l'appel
de la luxure
faisait lever
dans mon imagination des
rêves lourds et brûlants,
des tumultes de priapées.
Hélas! je compris bientôt
la misère d'une apparence
prisonnière dans le cadre
de ses deux dimensions, la
vanité de mes désirs privés
de l'espoir
des' accomplir
jamais dans l'épaisseur de
la réalité.
Pour abaisser mes obsessions, je me rési
gnai à les dériver, à les mettre au service de
certaines dispositions contemplatives que
mon immobilité allait favoriser.(.
.
.) La cha
leur toujours vive de mon imagination , les
regrets que
je ne me défendais pas d'entre
tenir, et aussi cette nature double, humaine
et chevaline, dont l'artiste m'avait dotée, de
vaient presque nécessairement fixer ma cu
riosité sur la vie amoureuse des Haudoin .
Le seul sujet dont le curé tolérât
qu'on en fit des plaisanteries
Jules Haudoin menait les choses vivement;
sa femme commençait à peine à s'émouvoir
qu 'il modulait déjà son aise.
Mme Haudoin
s'en consolait par des artifices dont elle
souffrait mille remords, consciente que l'horreur
du péché réside surtout dans un
ef
fort difficile vers le plaisù ~ Il lui arrivait de
c her cher
le secours d'une excitation préa
lable en portant la main sur son seigneur,
mais celui- ci se dérobait toujours avec mau
vaise humeur ; le chatouillement
qu'il en
é prouvait n'ajoutait rien à son élan et une
telle initiative lui paraissait une atteinte au
prin cipe
del' autorité du mâle.
Il prétendait
n'avoir besoin de personne pour mener son
affaire.
En desserrant son étreinte, il lui ar
rivait
par inadvertance d 'eng ager la main
sous la croupe de sa
femme, il en avait
presque toujours un accès de gaieté qui l' in
citait à faire des plaisanteries.
Dans ces ron
deurs fessières, il ne découvrait nulle
féminité ; sans pouvoir l'expliquer, il les
co nsidérait comme une zone neutre, et son
hilarité provenait de la représentation qu'il
s'en faisait, tendues sur un pot de chambre .
C'était
la seule partie du corps féminin dont
la vue lui semblât récréative et même plai
sante.
D'ai lleurs
le curé de Claquebue tolé
rait
qu'on en fit des
plaisanteries et voulait
bien en sourire à l' oc
casion.
Il
n'y voyait
point de péril sérieux et
se sentait, là-dessus,
d'accord avec l'Église
qui,
pratiquement , a
toujours consenti
au
gén ie français que le
diable
n'a point d' asi
l e dans cet
end roit
charnu.
Gallimard, 1933
« Dans le cimetière, les Dur , les Berthier , les
Corenpot, les Messelon,
les Rousselier , et tous les chrétiens de la
parois se venaient
réciter leur s
compliments aux
parent s d'en desso us.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« L'œuvre prise dans son ensemble dément
la réputation trop rapide d'écrivain
licencieux qui a été faite à l'aute ur de La
Jument verte :
Marcel Aymé serait plutôt un
moraliste malicieux et truculent qui adresse
des clins d
'œi l à qui sait reconnaître ses
propres travers dans ceux des personnages .
»
Dictionnaire des littératures de langue
française ,
Bordas, Pari s, 1984.
l'étourdissante
Jument
verte ( ...
) raconte les
histoires les plus fantastiques avec la
précision tranquille
d'un réaliste ingénu.
»
Une histoire de la littératur e française,
1954.
Cazotte
et d'autres fois Rabelai
s.
» Henri
Clouard,
Histoire de la littérature française
du symbolisme
à nos jours , 1940.
Pour Kléber Haedens, «l'auteur de
«La Jument verte (1933), qui ressemble à
un Ténier s par son réalisme de farce, fait
une vio lente peinture de nos campagnes au
temps de Boulanger, e
lle serait sombr e et
méchante si
ne) 'éc lairaient un ou deux
personnages joyeux et surtout si l'esprit de
l
'aut eur par moments ne réinventait un peu
1 Sipa-Pr ess 2, 3, 4, ill.
d'André Collot , la Belle Editi on.
Pari s, 1967 / Sip a lcon o
Dans La Jument verte,« J'ai d'abord vou lu
rire à des souvenirs anciens dont plusieurs
datent d
'ava nt ma naissance, et puis faire le
compte de mes sentime nts d'amitié et de
méfiance à l'égard de ces paysans que
je
crois ne pas mal connaî tre, puisque j'ai
vécu de leur vie, très longt emps avant qu'on
pût me convai ncre d'être un "homme de
lettres " ».
Marcel Aymé.
AYMÉ02.
»
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