La Famille de Pascal Duarte

« «Ma mère ( ...

) n'était pas grosse, malgré sa taille ; elle était longue , maigre , et ne se mblait pas en bonne santé.

» EXTRAITS La naissance de la sœur de Pascal, Rosario Mon père, depuis un long moment , marchait à grandes enjambées dans la cuisine.

Quand Rosario naquit, il s'approcha du lit de ma mère et, sans considération aucune de la circonstance, la traita d'ordure et de putain, lui donnant de tels coups avec la boucle de sa ceinture que je me demande en­ core comment il ne l'a pas broyée vive.

Ensuite il partit et resta absent deux jours entiers ; à son retow; il était plein comme une barrique ; il s'approcha de ma mère couchée et l'embrassa ; ma mère se laissait em ­ brasse1: ..

Pui s il s'en fut dormir à l'écurie.

La timidité et la naïveté comme signes de caractère -Je suis enceinte! ...

D'abord je ne compris pas.

Je restai muet, tant j'étais surpris; jamais je n'avais pensé que ce qu'elle m'annonçait, cette chose si natu­ relle, pouvait arriver; je ne sais où j'avais la tête ...

Le sang me brûlait les orei lles, qui devin­ rent rouges comme des braises ; les yeux me cuisa ient comme s'ils avaient été pleins de savon ...

Di x minutes peut-être passèrent dans un si­ lence de mort .

J e sentais le sang battre à mes tempes, des coups hachés comme ceux d'une horloge; je mis quelque temps à m'en apercevoù: ..

La respiration de Lola sifflait comme une flûte.

- Tu es enceinte ? -Oui! Elle se mit à pleurer.

Je ne trouvais rien pour la consoler.

- Ne fais pas la bête.

Les uns meurent ...

d'autres naissent.

Pascal abat la jument qui a jeté à terre sa femme enceinte -To , jument! La jument s'en allait vers le fond.

Je m' ap­ pro chai , je pouvais lui donner une tape sur la croupe ...

L'animal était éveillé et semblait impatient.

-To,jument ! Ce fut l'affair e d'un instant.

Je me jetai sur elle et la frappai ; je la ji·appai au moins ving t fois ...

Elle avait la peau dure ; beau coup plus dure que ce lle de Zacarias ...

Quand je sortis,j'avais le bras endolori, du sang jusqu'au coude ...

Traduit par Jean Viet, Éd.

la Petite Ourse, Lausanne, 1962 « Nous faisions un joli couple, je vous assure, avec notre jeunesse et notre prestance !.

..

» « Pascal Duarte est le premier signe NOTES DE L'ÉDITEUR intérêt croissant pour l'expérimentation formelle et le recours érudit à des lexiques particuliers, savants ou non , éludant quelque peu l'objet de la narration.

S'agissant de Pavillon de repos, un livre publié deux ans après La Famille de Pascal Duarte, l'auteur affirme: «L'action (y) est nulle et l'argument si ténu , si subtil qu'il g lisse parfois entr e les doigts.

( ...

)Jusq u'à quel point c'est un roman , pour ma part je l'ignore.

» Cité par Eutimio Martin et René Pellen dans Encyclopœdia Universalis.

d'une énergie nouvelle ; la vigueur qu'on Cela a parfois été critiqué pour l'inconsistance psychologique des personnages qu'il met en action .

Il est indéniable que cette façon de procéder présente l'avantage, dans une œuvre comme La Famille de Pascal Duarte, de mettre en évidence l'aspect irrationnel et arbitraire de la violence.

Auteur d'une cinquantaine d'œuvres à ce jour, Camilo José Cela a manifesté un 1 G am ma 2, 3, 4, 5 pei ntur es de Picasso/ SPADEM y découvre n'avait pas son équivalent à l'époque.

( ...

) L'ample diffusion -bien méritée -dont a bénéficié le roman depuis 1942 tient au fait qu'une représentation aussi forte de la réalité ne s'était plus rencontrée dans le roman espagnol depuis les meilleurs jours de Baroja, plus d'une génération auparavant.

» Paul Ilié, L'Art du roman de Camilo José Cela, Gredos.

CELA 02. »