La Contre Démocratie de Pierre Rosanvallon
Publié le 11/11/2012
Extrait du document
Le troisième et dernier élément caractérisant la contre-démocratie est le peuple-juge qui a pour rôle de
mettre en jeu la responsabilité pénale et politique des gouvernants. La figure du peuple-juge se
matérialise à travers le jury dont la mise en place a pour but de réduire les erreurs judiciaires. Sur le
terrain politique, le jury joue également un rôle de « régulation politique « en protégeant les citoyens
contre les abus des gouvernants. En effet, l’intervention du peuple en tant que juge renforce la mise en
jeu de la responsabilité pénale mais aussi politique des élus et les oblige donc à rendre compte des
actions qu’ils entreprennent mais aussi à les justifier. Rosanvallon oppose ici la tenue d’un procès à celle
de la campagne électorale. Selon lui, les jurés et les juges sont mieux informés que les simples électeurs.
De plus, du fait de l’interdiction du déni de justice, le juge est obligé de se prononcer sur toutes les
questions qui lui sont soumises mêmes si elles sont très controversées contrairement à l’homme politique
qui peut éviter de parler de sujets que l’on pourrait qualifier de trop brûlants ou sensibles. Il souligne, de
plus, la question de la concurrence
entre le jugement judiciaire et le jugement politique ou électorale. Le jugement judiciaire peut être défini
comme étant celui qui examine les malversations qu’un homme politique a pu commettre et qui les
sanctionne en portant atteinte à son éligibilité alors que le jugement politique revient à exprimer à
intervalle de temps réguliers le verdict des urnes. On peut très bien parler de concurrence entre ces deux
types de jugement car ils peuvent donner des résultats totalement différents. Un homme politique qui a
fait l’objet d’une condamnation judiciaire peut très bien se voir réélu par les citoyens et les électeurs qui
ne sont pas liés par la décision du juge ou d’un tribunal.
«
influencé par le capital-réputation (III).
I La place des médias et nouveaux moyens de communication dans le jeu politique : une place centrale
dans la
fonction de surveillance
Le premier pouvoir dont les citoyens et les autres acteurs du jeu politique, que sont les autorités
administratives indépendantes, les militants et les agences internes d’audit, disposent afin de, comme l’a
dit Rosanvallon, « compenser l’érosion de la confiance » est le pouvoir de surveillance.
Dans son
ouvrage, l’auteur met en avant le fait que les citoyens ne sont pas simplement des électeurs mais qu’ils
jouent en démocratie un rôle actif en ayant la possibilité de prendre part aux débats qui animent la
société et en pouvant contrôler les décisions prises par les gouvernants qu’ils ont élus.
Pour se faire, les citoyens disposent de trois moyens différents.
Le premier moyen mis à leur disposition
est la vigilance qui est un contrôle permanent qu’ils peuvent exercer sur les actions des gouvernants, un
moyen efficace d’établir l’ordre des priorités de l’action politique et une forme particulière d’intervention
politique qui n’implique pas de leur part de se positionner sur des enjeux ou de prendre des décisions.
Un
tel contrôle peut donc être exercé par tout citoyen car il ne requiert pas de compétence particulière et
chacun peut facilement se faire entendre et peser sur le pouvoir politique.
Mais l’action de surveillance
des citoyens s’exerce également et avant tout au travers des interventions de la presse, d’associations,
de syndicats, de pétitions ou de grèves.
Le rôle croissant des journalistes dans le monde
politique place continuellement les gouvernants sous le contrôle des électeurs.
Ce contrôle et cette
surveillance s’est accrue par l’usage massif de sondages d’opinion et des nouveaux moyens de
communications que sont Internet et le développement des chaines d’information continue.
En effet,
comme le souligne Rosanvallon, les journaux fondent de plus en plus leur analyse sur les résultats de
sondages d’opinion et de côte de popularité en interrogeant un nombre significatif de citoyens dont
l’opinion sera considérée comme représentative de celle de l’ensemble des citoyens.
C’est donc les
grandes réformes envisagées par le gouvernement mais aussi les évènements de la vie politique et la
place de l’opposition qui sont ainsi soumis au contrôle et à la surveillance permanente des citoyens par le
biais de ces techniques.
Pierre Rosanvallon met, de plus, en avant l’importance de la notion d’agenda
dans le pouvoir de surveillance des citoyens.
De par la fonction d’agenda, les médias jouent un rôle
décisif dans la détermination des sujets à traiter et des thèmes autour desquels doivent se cristalliser les
débats dans la société.
La vigilance a donc pour rôle, selon l’auteur, d’établir l’ordre des priorités de
l’action des gouvernants qui ne seraient plus maître de la mise en place de telle ou telle réforme mais qui
se verrait d’une certaine manière « imposer » ces thématiques par les journalistes qui choisissent quels
évènements ils souhaitent mettre
en avant.
La notion d’agenda n’est pas une notion nouvelle car elle est apparue dans les années 1970 et
a été introduites par McComb et Shaw.
Selon ces auteurs, les médias exerceraient leur influence en
proposant à des récepteurs informés principalement par leur canal sur des sujets politiques, c'est-à-dire
aux lecteurs et plus largement aux citoyens, leur propre appréhension des évènements.
Il y a donc une
forte corrélation entre l’ordre d’importance accordé aux enjeux par les médias et celui attribué par les
électeurs ayant utilisé ces mêmes médias.
Cela est également visible au travers de la notion d’agenda
building qui recouvre l’ordre d’importance que les élites politiques et les élus attribuent aux différents
problèmes de la cité.
Il y a donc une interaction entre trois types différents d’agenda selon McComb et
Shaw : l’agenda des citoyens, celui des médias et enfin celui des acteurs politiques.
Pourtant, la notion
d’agenda peut aussi faire l’objet de vives critiques car elle empêche d’étudier les contenus des
controverses et des problématiques suscitées autour de certains thèmes, les médias passant rapidement.
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