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La Chute de Camus : Fiche de lecture

Publié le 20/11/2018

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La Chute

 

La Chute devait initialement faire partie des nouvelles composant l’Exil et le Royaume. Mais le récit se développa à un point tel que Camus le publia à part. C’est à Amsterdam, dans l’exil du « plus beau des paysages négatifs » où le royaume est réduit à la présence dérisoire des « dames, derrière ces vitrines », que Jean-Baptiste Clamence, avocat brillant devenu «juge-pénitent », livre sa « confession dédaigneuse » (Maurice Blanchot) à un interlocuteur absent dans lequel le lecteur est contraint de se reconnaître. Nouvel Œdipe qui ferait le récit de son aventure, il raconte comment le souvenir d’une lâcheté (une jeune suicidée qu’il a refusé de secourir) a fait basculer sa vie d’une certitude triomphante d’innocence dans le drame de la mauvaise conscience et le sentiment universel de la culpabilité.

 

J.-B. Clamence est le dernier avatar d’une réflexion qui traverse toute l’œuvre de Camus, mais il en prend le contre-pied. Meursault opposait la conviction de son innocence à la culpabilité qu’on voulait lui faire reconnaître; Tarrou, conscient d’avoir toujours été un « pestiféré », avait décidé de n’être jamais complice du mal; Clamence revendique au contraire une culpabilité généralisée : c’est la nature même de l’homme qui est en cause, et la « chute » n’est que dans cette reconnaissance. A partir de celle-ci, tout est double : si le paysage néerlandais est pris entre le ciel et l’eau, si tel tableau volé et remisé dans un placard a sa copie au musée, c’est que le monde est le miroir de « la duplicité profonde de la créature ».

 

Toutes les valeurs sont alors piégées, sinon inversées : la vérité est moins séduisante que le mensonge, l’amour des autres n’est qu’un narcissisme déguisé, et l’innocence qu’une bonne conscience factice. Dans cette ère du soupçon généralisé, le jugement des autres ne laisse pas cependant d’être douloureux; il faut donc se hâter de juger soi-même, pour ne pas l’être; et comment s’y autoriser mieux qu’en s’accusant d’abord? Clamence est ainsi devenu tout naturellement un « juge-pénitent », piégeant des auditeurs complaisants à sa confession pour mieux retourner contre eux son accusation.

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« La Chute d'Albert Camus (fiche de lecture) Une confession insoliteLa Chute a été la dernière oeuvre importante d'Albert Camus.

Elle a surpris lors de saparution par un ton et un style inhabituels chez l'auteur de La Peste.Un personnage, un ancien avocat qui mène une vie louche et marginale dans les bas-fondsd'Amsterdam, se confie sans pudeur à un interlocuteur de hasard.

Ce monologuepassablement théâtral tranche sur les romans précédents de Camus.On peut, d'ailleurs, en tout premier lieu, se demander à quel genre appartient cetteconfession insolite qui, sous les allures débraillées d'une conversation de bistrot, livre uneréflexion amère et désabusée sur le monde et sur les hommes.

Mais la question se posaitaussi pour La Peste et même pour L'Etranger.

Peut-être, d'ailleurs, faut-il attribuer cetteindécision au fait que la préoccupation formelle n'est jamais première chez Camus.La Chute apparaît, en tout cas, comme une oeuvre aux confins des genres, un texte créant peut-être sans trop le savoir ni le vouloir son propre genre, d'espèce intermédiaire, oscillant entre le récit, lanouvelle et le roman.Ce statut mal défini contribue à l'originalité d'une oeuvre qui a souvent été perçue comme marginale, atypique dansla production de Camus.

Elle marque de toute évidence un tournant dans la pensée de l'auteur de L'Homme révolté.Le pessimisme viril, le désespoir lucide s'y dissolvent dans la dérision et le sarcasme.

La Chute traduit une crisemorale qui, au-delà de la conjoncture, reste liée à la crise de notre civilisation.C'est pourquoi, loin de le considérer comme un accident peu significatif, ou comme la simple expression d'un momenthistorique aujourd'hui dépassé, il convient d'y lire le constat d'une faillite des valeurs qui depuis n'a fait ques'aggraver.Camus s'est servi de la fiction romanesque non pour transmettre un « message », mais pour poser un certain nombred'interrogations fondamentales.

Il a su ménager une ambiguïté suffisante dans les discours de son personnage pourouvrir une problématique plutôt que pour imposer un point de vue.Il a ainsi contribué à émanciper le roman d'une tradition sclérosée. Résumé La Chute se présente sous la forme d'un discours ininterrompu.

La trame en est très simple : un ancien avocatparisien, renonçant à sa vie professionnelle, s'est réfugié à Amsterdam où, dans un bouge, il est à l'affût d'auditeursprêts à entendre sa confession.

Dans le flot de ses propos apparemment décousus, il est pourtant aisé de distinguerplusieurs étapes.

On dispose, en effet, de repères temporels correspondant aux journées que Clamence passe encompagnie de son interlocuteur occasionnel.

La rencontreD'emblée, le lecteur est précipité dans le monologue de celui qui se présente comme un ancien avocat ayant éludomicile à Amsterdam et tenant ses assises à Mexico-City, une taverne louche des bas quartiers du port.Il s'appelle Jean-Baptiste Clamence et, en tant qu'habitué des lieux, propose ses services à un compatriote endifficulté.

Celui-ci, en effet, ne peut se faire comprendre du « gorille » qui tient le bar.

La conversation est engagéedevant deux verres de genièvre.

Clamence est un intarissable bavard, un pilier de bistrot, qui cherche visiblementles occasions de se confier au premier venu.

Il a renoncé à la profession d'avocat pour exercer, dit-il, celle, moinsordinaire, de « juge-pénitent ».

C'est pourquoi il s'est fixé à Amsterdam.

Il aime la Hollande à cause du brouillard : «...la Hollande est un songe...

» Et il se sent à l'aise parmi les Hollandais qui sont un peuple double.Là est le centre des choses : « Avez-vous remarqué que les canaux concentriques d'Amsterdam ressemblent auxcercles de l'enfer? L'enfer bourgeois naturellement peuplé de mauvais rêves.

» Les amateurs de secrets malsains,«les lecteurs de journaux et les fornicateurs » y arrivent de tous les coins d'Europe : « Transis, ils viennentdemander, en toutes langues, du genièvre à Mexico-City.

Là, je les attends.

»En raccompagnant son compatriote, Clamence refuse de traverser un pont.

Il avoue sa répugnance :«Je ne passe jamais sur un pont, la nuit.

C'est la conséquence d'un voeu.

Supposez, après tout, que quelqu'un sejette à l'eau.

De deux choses l'une, ou vous l'y suivez pour le repêcher, et, dans la saison froide, vous risquez k pire!Ou vous l'y abandonnez et les plongeons rentrés laissent parfois d'étranges courbatures.» Un avocat des nobles causesConscient d'avoir intrigué son interlocuteur, Clamence entreprend de lui expliquer ce qu'est « un juge-pénitent».Pour cela, il remontera quelques années en arrière.

Il était alors un avocat brillant qui s'était spécialisé dans lesnobles causes.

Il avoue la volupté qu'il éprouvait à faire le bien de la façon la plus désintéressée.

Autres qualitésqu'il se reconnaît non sans ironie : la politesse, la générosité.

Il sait plaire et tous les obstacles s'effacent devantlui.

Il a la vocation des sommets qui le mène au faîte d'une carrière parfaitement réussie, à: « ...ce point culminantoù la vertu ne se nourrit plus que d'elle-même ».

Ses succès ne lui montent pas à la tête, il ne les attribue pas à «ses seuls mérites » mais à « quelque décret supérieur».

Sa réussite sociale apparaît donc comme la récompensed'une valeur intellectuelle, personnelle et morale irréprochable.Mais Clamence laisse échapper comme par inadvertance une phrase qui introduit comme une ombre au tableau :. »

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