La Chartreuse de Parme
Publié le 06/04/2013
Extrait du document
«
EXTRAITS -----------.
« Tout souriait à la duchesse [Sanseverina] ;
elle s'amusait de cette
existence de cour où
la tempête est toujours à craindre ; il lui semblait
recommencer la vie.
,.
Le huitième jour de la prison de Fabrice,
elle eut un bien grand sujet de honte : elle
regardait fixement, et absorbée dans ses
tristes pensées, l'abat-jour qui cachait la
fenêtre du prisonnier ; ce jour-là il n'avait
encore donné aucun
signe de présence ;
tout à coup un petit
morceau d'abat
jour, plus grand que
la main,
fut retiré
par lui ; il la re
garda
d'un air gai,
et elle vit ses
yeux
qui la saluaient.
Elle
ne put soutenir cette
épreuve inattendue,
elle se retourna ra
pidement vers ses
oiseaux
et se mit à
les soigner ; mais
elle tremblait au
point qu'elle versait
l'eau qu'elle leur
distribuait, et Fabrice
pouvait voir paifaite
ment son émotion ;
elle ne put supporter
cette situation, et prit
le parti de se sauver en courant.
Ce moment
fut le plus beau de la vie de
Fabrice , sans aucune comparaison .
Avec
quels transports il eût refusé la liberté, si
on la lui eût offerte en cet instant
!
Un peu après que minuit et demi eût sonné,
le signal de la petite lampe parut
à la fe
nêtre de la volière.
Fabrice était
prêt à
agir; il fit un signe de croix, puis attacha à
son lit la petite corde destinée à lui faire
descendre les trente-cinq pieds qui
le sépa
raient de
la plateforme où était le palais.
Il arriva sans encombre sur
le toit du corps
de garde occupé depuis la veille
par les deux
cents hommes de renfort dont nous
avons parlé.
Par malheur, les soldats, à mi
nuit trois quarts qu'il était alors, n'étaient
pas encore endormis ; pendant qu'il mar
chait à pas de loup sur le toit de grosses
tuiles creuses, Fabrice les entendait qui di
saient que
le diable était sur le toit, et qu'il
fallait essayer de
le tuer d'un coup de fusil.
Quelques voix prétendaient que ce souhait
était
d'une grande impiété, d'autres di
saient que si l'on tirait un coup de fusil sans
tuer quelque chose,
le gouverneur les met
trait tous en prison
pour avoir alarmé la
garnison inutilement.
Toute cette belle dis
cussion faisait que Fabrice se hâtait
le plus
possible en marchant sur
le toit et qu'il fai
sait beaucoup de bruit.
Le fait est qu'au
moment où, pendu à sa corde, il passa de
vant les fenêtres,
par bonheur à quatre ou
cinq pieds de distance
à cause de l'avance
du toit, elles étaient
hérissées de baïon
nettes.
Quelques
uns ont prétendu
que Fabrice, tou
jours fou, eut l'idée
de
jouer le rôle du
diable, et qu'il jeta à
c es soldats une poi
gnée de sequins .
Ce
qui est sûr, c'est
qu 'il avait semé des
sequins sur le plan
cher de sa chambre,
et
il en sema aussi
sur la plate-forme
dans son trajet de la
tour Farnèse au pa
rapet , afin de se
donner une chance
de distraire les sol
dats qui auraient pu
se mettre à le pour
suivre.
« Fabrice eut besoin de
deux ou trois minutes
pour se rappeler que
d'abord il était placé à plus de quatre-vingts
pieds d'élévation ••• »
NOTES DE L'ÉDITEUR
«C'est le livre de la cinquantaine de
Stendhal.
Il enferme toutes ses expériences,
les anciennes
et les récentes.
La mort
s'annonçait prochaine, et
il voulait
passionnément ressaisir tout son passé, le
paysage moral et intellectuel, les choses
qu'il avait le plus aimées, les spectacles et
les paysages préférés, ses grandes émotions,
les rêves qu'il avait réalisés et ceux,
nombreux, qui avaient dû mourir étouffés, ou
même qui n'étaient pas parvenus
jusqu'à
la claire conscience.
Richesse fébrile de la
vision, hâte fiévreuse à la saisir.
»
dépit de sa banalité, est frémissante d'une
mystérieuse vibration (l'émotion même
du romancier
?) ; cette poésie se retrouve
encore dans l'évocation sobre et la
suggestion des paysages, dans l'aspect
Pierre Martino, Stendhal.
«La Chartreuse de Parme est une œuvre
surtout remarquable par sa tonalité, son
atmosphère, bref,
par des éléments qui
n'apparaissent pas formellement ; nous
appellerons philosophie cette séduction de
l'œuvre, poésie que
l'on retrouve à tous les
niveaux( ...
) et qui, par sa chaleur et en
1 G oldner / Sipa-Jcono 2, 3.
4 peintures de Paul Duran d.
éd.
G.P., Paris, 196 3 / Sipa-lco no, cl ichés B.N .
« temps retrouvé » de certaines émotions,
dans les thèmes privilégiés qui alimentent
une rêverie profonde et sérieuse (rêverie
constante depuis l'enfance) et qui
n'ont
jamais été aussi parfaitement réunis et
orchestrés que par
La Chartreuse de
Parme.
»Jean Mourot.
STENDHAL 03.
»
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