La Belle Corisande
Publié le 08/04/2013
Extrait du document
Joseph Delteil (1894-1978), né en pays occitan, fit d'abord partie du groupe surréaliste avant de s'en éloigner, rebuté par la tyrannie de Breton. Outre La Belle Corisande (publié en 1930), il a écritleanne d'Arc (1925), prix Fémina, dont Dreyer tira le scénario de son célèbre film, et François d'Assise (1960). Dès 1937, il abandonne quelque peu la littérature pour vivre une passion avec Caroline Dudley.
«
~ ----- -- EXTRAITS
Un humour railleur
En ce temps-là donc, il y avait un roi de
Navarre, sans tambour ni trompette .
Il vivait
par là-bas, dans les basques de la vieille
"Gascogne,
à Nérac , à
Pau ;
i:----"==-= 77 - ---=:::::::l' c- --""1 ~~== ,..---, et gaillardement.
La vie
« Pâlissant, rougissant,
miraculeusement grave
et pur,
le beau bouc barbu était
transfiguré.
»
alors n'était pas chose
grave, solennelle, enre
gistrée en
parlement , éti
quetée en Sorbonne, avec
uniforme, casier judiciaire
et livret militaire, et un tas
de fonctionnaires qui vous
comptent les dents, et vous
sondent le nombril et vous
numérotent
le cœur.
On en
a fait un temple, où l'on ne
pénètre
qu'en gants noirs,
le visage sacerdotal, l' œil
officiel, et les écrivains de
gala montés sur leurs
grands chevaux de papier
appellent ça
d'une façon
emphatique et tragi-co
mique :
la course au flam
beau ...
Vous venez au monde aujourd'hui
avec une hottée de devoirs , de charges,
d'hypothèques et de ministères à vous en
donner la chair de poule.
Ah! l'affreux, le drôle, le faux, le tyrannique,
le pe1fide et le sacré mot de responsabilité!
Rencontre avec la belle Corisande
Tout à coup, Henris' arrêta : - Une fée!
cria-t-il, et son doigt enveloppé de soleil
bleu désignait
sur la route une espèce
d'apparition .
Immobile au milieu de la route solitaire ,
presque solennelle et quasi hiératique, une
femme était
là.
Éblouissamment blanche, d'une blancheur
qu 'on sentait se perpétuer et s'amplifier
le
long de son corps sous la robe, la sainte
chair en quelque sorte transparente ou
translucide sous les vêtements, de longues mains
jaillissantes, un col infinitésimal,
avec comme couronnement un vaste front en
coupole, chaste, auguste, spacieux.
Elle
radiait, elle irradiait d' immaculéité,
et
qu'importe un excès de ne z, et qu'importe
quelque dissonance de lèvre devant le
spectacle d'un tel ensoleillement !
On dit qu'elle béait aux corneilles, mais
c'est au ciel.
On dit qu 'elle avait la vue fragile, mais c'est
de contemplation.
Le récit interrompu par les rêveries
de l'auteur
Tout est secret et tout est neuf pour le
voyageur; inconnu que
je suis avec foi.
Toutes leurs beautés me sont vierges, toutes
leurs vierges me sont épousées.
Je commu
nique sans détours avec les centres nerveux,
les places à arbres, les rues de cœur.
Je
ne connais pas leur
passé -le passé
chasse gardée -ni leurs
évêques ou consuls, ni
leurs grands hommes
dans
le temps, peu leur
histoire et
mal leur
mœurs.
Tout ce
qu'une
ville, tout ce qu'une mai
son renferme de souve
nirs, c'est-à-dire
de mort,
ici je l'ignore et le re
pousse au néant.
De la
sorte, lorsque
j'étais
jeune, allais-je m' éton
nant
qu'on n'inhumât
pas avec le père de fa
mille sa maison comme
une coquille.
Nous habi
tions tous des cimetières,
détritus de rêves et d'os,
chaque ville est un cimetière, chaque maison
est cimetière.
M.-P.
Trémois éditeur,
Paris, 1930
« Ils s'en vont sous l es branc h es gommées, lui
et elle.
Le rossignol
chante sans doute.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
« L'écriture de Joseph Delteil est celle d'un
poète, savoureuse, pleine de couleurs et de
générosité.
Les mythes universels illustrés
par ses héros, et
qu'on aurait pu croire
usés, renaissent dans une langue vive et
personnelle qui
affectionne les tournures
patoisantes et les mots du terroir.
»
Encyclopœdia Universalis, 1990.
particulier de celui qui fuit pour se trouver.
Il y
a
chez Delteil du Montaigne -pour la
sagesse et la gourmandise, et pour une
forme toute
" positive " de renoncement.
Plus il exige de la félicité, de la" joyeuse
barbarie", plus il élimine.
Il saura pratiquer
sur le monde comme sur lui-même,
l'exorcisme.
» Les Écrivains du xxe siècle,
A.
Brincourt, Retz, 1979.
révolte
et la sagesse de Delteil.
Ce que son
œuvre réclamait : le retour aux sources de
l'humanité, l'authenticité de
l'homme
retrouvé dans la plénitude de son corps et
de ses sens, la signification du geste
quotidien dans les civilisations paysannes,
Je poids des traditions, des goûts, des
odeurs, du temps quotidien, tout cela, la
jeunesse mondiale le cherche à présent, et
ses refus sont ceux de Delteil.
» Christian
Liger,
Jésus Il de Joseph Delteil, préface,
Avant-Scène.
« Sachons bien reconnaître le génie très
« Ce n'est finalement que dans les années
70 que le désarroi du monde rejoint la
1 Roger- Viollet 2, 3, 4, 5 illustrat ions d e Pierr e Devau x, é d.
M.-P.
Trémoi s, Paris, 1930 / B.N DELTEIL02.
»
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