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L' ESSAI SUR LE GOUVERNEMENT CIVIL DE JOHN LOCKE

Publié le 06/09/2018

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locke

Le parti whig, qui avait lutté victorieusement contre la prérogative des rois Stuarts, avait besoin de ce contre-poison. La Révolution de 168 était une révolution whig. En chassant Jacques II, Stuart incurable, mais souverain légitime, n'avait-on pas porté atteinte à un principe sacré ? C'est ce que se demandaient avec inquiétude maintes consciences anglaises. Locke - mettant au service du parti whig sa philosophie politique, constituée d'ailleurs antérieurement à la révolution - a ce but aussi, en écrivant l'Essai, de calmer l'inquiétude de ses compatriotes, d'apaiser leurs scrupules.

Locke va partir, comme Hobbes, de l'état de nature et du contrat originel ; mais il en donnera une version nouvelle, qui lui permettra d'ériger en règle la distinction du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif, puis d'aboutir à une limitation toute terrestre, tout humaine du pouvoir, sanctionnée en dernier ressort par le droit d'insurrection des sujets. Le lecteur de Hobbes était subjugué par la force d'une pensée impérieuse; celui de Locke est pris peu à peu dans le déroulement d'une dialectique persuasive, insinuante, sans relief, servie par une langue fluide et limpide. On songe au cours d'une tranquille rivière de plaine qu'éclaire un soleil doux, assez pâle. Mais il arrive que le temps se couvre, l'orage gronde quelque part : ainsi parfois le ton de Locke s'élève-t-il, une sourde colère fait frémir ses phrases unies, c'est sa passion anti­absolutiste qui affleure.

*

Suivant la mode intellectuelle du temps, Locke part donc de l'état de nature, et du contrat originel qui a donné naissance à la société politique, au gouvernement civil. Tout le problème est pour lui de fonder la liberté politique sur ces notions mêmes dont Hobbes tirait une justification de l'absolutisme: Tour de force, acrobatie intellectuelle-, qui n'est pas au-dessus des moyens dialectiques de l'ingénieux Locke ; sans doute l'artifice, un rien de truquage, se laisseront-ils entrevoir à certains tournants de la pensée au regard du lecteur attentif ; mais l'habile et pressante progression du raisonnement ne laisse guère aux objections le temps de s'appesantir.

 

C'est rexistence des droits naturels de l'individu dans l'état de nature qui va protéger des abus du pouvoir cet individu dans l'état de société. Comment cela ? Parce que d'abord, contrairement à celui de Hobbes, l'état de nature de Locke est réglé par la raison. Parce que, en second lieu, contrairement à Hobbes, les dr_oits naturels, loin de faire l'objet d'une renonciation totale par le contrat originel, loin de disparaître balayés par la souveraineté dans l'état de société, au contraire subsistent. Et subsistent pour fonder, précisément, la liberté.

combattit comme capitaine de cavalerie. Locke grandit, élève au collège de Westminster, puis étudiant à Oxford, au milieu de l'extraordinaire fermentation

intellectuelle, à la fois religieuse, philosophique et politique, des universités anglaises de l'époque. Plein d'enthousiasme d'abord pour Cromwell et les puritains, il finit par être excédé, comme l'avait été Hobbes, des querelles de sectes. C'est avec soulagement qu'il salue la Restauration, en 1660, de Charles Il Stuart. Il croit . alors que la tempête est enfin terminée pour tout de bon.

Homme d'étude, de petite santé, faible de la poitrine, souffrant d'un asthme auquel l'air de Londres ne valait rien, Locke était visiblement fait pour la vie contemplative. La philosophie l'attirait, surtout depuis qu'il avait lu Descartes (« parce qu'il trouvait qu'il écrivait avec beaucoup de clarté »). Cependant, c'est la médecine qui devint finalement sa profession : elle lui permettait de servir l'humanité tout en poursuivant des recherches scientifiques et, plus largement, intellectuelles. La médecine, par de longs et curieux détours, devait permettre à Locke de réaliser sa vraie vocation, celle de penseur et d'homme de lettres, destiné à devenir illustre entre les illustres. Voici comment cela se fit :

En tant que médecin, il connut lord Ashley, bientôt CQmte de Shaftesbury, l'un des hommes politiques les plus attachants et les plus décevants de la Restauration. Celui-ci apprécia le médecin philosophe et en fit son homme de confiance. A trente­~inq ans, en 1667, Locke se trouva ainsi mis à l'école des faits et des hommes, jeté dans la politique complexe d'une période décisive de l'histoire anglaise. Charles II, l'ancien élève de Hobbes, finit par se brouiller - après quelques années de bonne entente - avec le Parlement. La lutte entre les tories, partisans de l'extension de la prérogative royale, et les whigs, adversaires de cette extension, se mit à faire rage ; Shaftesbury rompit avec Charles Il dont il avait été le conseiller tout-puissant, et devint l'un des principaux chefs whigs, avec Locke dans son sillage. Entre 1672 et 1680, l'atmosphère anglaise fut loùrde de complots, réels ou présumés, complots protestants attribués aux whigs, complots papistes attribués aux Jésuites, au pape et au roi de France. Shaftesbury, dans sa lutte au couteau avec le roi, fut vaincu. Accusé de conspiration, il passa en jugement, fut acquitté, mais dut s'exiler en Hollande où il mourut en 1683. La même année, Locke, par prudence, prenait aussi le chemin de la Hollande ; il devait passer, dans ce pays hospitalier aux persécutés, cinq années, qui furent décisives pour sa formation de philosophe politique et de philosophe tout court.

 

Le calvinisme européen semblait alors en péril de mort. La révocation de l'Édit de Nantes, en 1685, donnait le signal de la cruelle persécution des protestants français, et de leur exode - qui devait être si gros de conséquences pour la monarchie absolue. En 1685 également, Charles Il mourait; son frère et successeur Jacques II se déclarait ouvertement catholique, au défi des sentiments les plus puissants de la majorité du peuple anglais. Locke, placé au centre d'un calvinisme replié en quelque sorte derrière le fragile et suprême rempart de la petite Hollande, s'enflammait de haine pour ces tyrans, appuyés sur un prétendu droit divin, dont Louis XIV à ses yeux était le type. Il rompait à jamais en son cœur avec les Stuarts, complices du roi de France, soup~onnés de vouloir, pour lui complaire, établir en Angleterre la religion romaine détestée. C'est dans ces dispositions d'esprit que Locke fut présenté à Guillaume d'Orange, gendre de Jacques II, « passionnément hollandais et protestant », qui incarnait désormais contre Louis XIV et le catholicisme tous res espoirs du calvinisme européen.

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« L'ASSA UT CON TRE L'ABSOL UTISME com battit comme capitaine de cavalerie.

Locke grandit, élève au collège de Westminster, puis étudiant à Oxford, au milieu de l'extraordinaire fermentation intelle ctuelle, à la fois religie use, philosophique et polit ique, des universités anglaises de l'époque.

Plein d'enthousiasme d'abord pour Cromwell et les puritains, il finit par être excédé, comme l'avait été Hobbes, des querelles de sectes.

C'est avec soulagement qu'il salue la Restauration, en 1660, de Charles Il Stuart.

Il croit .a lors que la tempête est enfin terminée pour tout de bon.

Homme d'étude, de petite santé, faible de la po itrine, souf frant d'un asthme auquel l'air de Londres ne valait rien, Locke était visiblement fait pour la vie contemplat ive .

La philosophie l'attirait, surtout depuis qu'il avait lu Desca rtes («parce qu'il trouvait qu'il écrivait avec beaucoup de clarté »).

Cependant, c'est la médecine qui devint finalement sa profession : elle lui permettait de servir l'humanité tout en poursuivant des recherches scientifiques et, plus largement, intellectuelles.

La médecine, par de longs et curieux détours, devait permettre à Locke de réaliser sa vraie vocation, celle de penseur et d'h omme de lettres, destiné à devenir illustre entre les illustres.

Voici comment cela se fit : En tant que médecin, il connut lord Ashley, bientôt CQmte de Shaftesbury, l'un des hommes politiques les plus attachan ts et les plus décevants de la Restauration.

Celui-ci apprécia le médecin philosophe et en fit son homme de confiance.

A trente­ �inq ans, en 1667, Locke se trouva ainsi mis à l'é cole des faits et des hommes, jeté dans la politique complexe d'une période décisive de l'histoire anglaise.

Charles II, l'a ncien élève de Hobbes, finit par se brouiller -après quelques années de bonne entente -avec le Parlement.

La lutte entre les tories, partisans de l'extension de la prérogative royale, et les whigs, adversaires de cette extension, se mit à faire rage ; Shaf tesbury rompit avec Charles Il dont il avait été le conseiller tout-puissant, et devint l'un des principaux chefs whigs, avec Locke dans son sillage .

Entre 1672 et 1680, l'atmosphère anglaise fut loùrde de complots, réels ou présumés, complots protestants attribués aux whigs, complots papistes attribués aux Jésuites, au pape et au roi de France.

Shaftesbury, dans sa lutte au couteau avec le roi, fut vaincu.

Accusé de conspiration, il passa en jugement, fut acquitté, mais dut s'exiler en Hollande où il mourut en 1683.

La même année, Locke, par pruden ce, prenait aussi le chemin de la Hollande ; il devait passer, dans ce pays hospitalier aux persécutés, cinq années, qui furent décisives pour sa formation de philosophe politique et de philosophe tout court.

Le calvinisme européen semblait alors en péril de mort.

La révocation de l'�dit de Nantes, en 1685, donnait le signal de la cruelle persécution des protestants français , et de leur exode - qui devait être si gros de conséquences pour la monarchie absolue.

En 1685 également, Charles Il mourait ; son frère et successeur Jacques II se déclarait ouvertement catholique, au défi des sentiments les plus puissants de la maj orité du peuple anglais.

Locke, placé au centre d'un calvinisme replié en quelque sorte derrière le fragile et suprême rempart de la petite Hollande, s'enflammait de haine pour ces tyrans, appuyés sur un prétendu droit divin, dont Louis XIV à ses yeux était le type.

Il rompait à jamais en son cœur avec les Stuarts, complices du roi de France, soup�onnés de vouloir, pour lui complaire, établir en Angleterre la religion romaine détestée.

C'est dans ces disposi tions d'esprit que Locke fut présenté à Guillaume d'Orange, gendre de Jacques II, «passio nnément hollandais et protestant n, qui incarnait désormais contre Louis XIV et le catholicisme tous res espoirs du calvinisme européen.. »

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