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KNOCK ou le Triomphe de la médecine (analyse détaillée)

Publié le 24/10/2018

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knock
KNOCK ou le Triomphe de la médecine. Comédie en trois actes et en prose de Jules Romains, pseudonyme de Louis Farigoule (1885-1972), créée dans une mise en scène et des décors de Louis Jouvet, à qui la pièce est dédiée, à Paris à la Comédie des Champs-Élysées le 15 décembre 1923, et publiée à Paris chez Gallimard en 1924.
 
Le docteur Knock, qui vient d'acheter la clien-tèle de son confrère le docteur Parpalaid, apprend en arrivant à Saint-Maurice qu’il a fait un marché de dupes. Le cabinet végète depuis des années. Knock parie pourtant qu’il parviendra dans un délai de trois mois à des résultats surprenants, grâce à des « méthodes entièrement neuves » sur lesquelles il garde le secret (Acte I).
 
En proposant à la population des consultations gratuites, Knock attire des curieux auxquels il diagnostique des maladies insoupçonnées. Le tambour de ville, la dame en noir, la dame en violet et deux gars du village sont ses premières victimes, impressionnées ou reconnaissantes. Tous repartent persuadés de la gravité de leur état (Acte II).
 
Trois mois après le début de l’action, le docteur Parpalaid revient à Saint-Maurice. Mais tout a changé. « L’hôtel de chef-lieu de canton » est « en train de tourner au Médical-Hôtel » ; « Les nickels, les ripolins et linges blancs de l'asepsie moderne y apparaissent » Il apprend avec stupeur que Knock donne cent cinquante consultations par semaine et suit presque deux cent cinquante malades en traitement à domicile. Parpalaid, d'abord incrédule, songe à reprendre son ancien cabinet Mais il succombe à son tour à l'ascendant de Knock auquel il finit par demander une consultation (Acte III).
 
Dans la tradition du Malade imaginaire de Molière, la pièce de Jules Romains se veut la charge d’un charlatan. Ancien vendeur de cravates, Knock s'emploie à démontrer que « les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent ». Il confie en effet au pharmacien : « La santé n'est qu'un mot, qu'il n'y aurait aucun inconvénient à rayer du vocabulaire. Pour ma part, je ne connais que des gens plus ou moins atteints par des maladies plus ou moins nombreuses à évolution plus ou moins rapide. » Observateur attentif mais peu scrupuleux, il s'empare par la suggestion de la volonté et de l'argent de ses patients subjugués. Le peu de résistance que ceux-ci lui opposent et le foudroyant succès qu'il rencontre transforment vite la satire psychologique en farce. La bouffonnerie du dénouement est accentuée par des effets de mise en scène : « Jusqu'à la fin de la pièce, l'éclairage de la scène prend peu à peu les caractères de la Lumière Médicale, qui, comme on le sait, est plus riche en rayons verts et violets que la simple Lumière Terrestre... »
 
La pièce recèle pourtant une ambiguïté. Car si certaines répliques de Knock trahissent sa cupidité ou ses talents d'illusionniste («Je les mets au

knock

« lit, et je regarde ce qui va pouvoir en sortir : un tuberculeux, un névropathe, un artério-scléreux ...

»), à d'autres moments, le héros semble lui-même victime de l'illusion qu'il fait naître.

On ne peut lui contester alors une part de sincérité.

Lors de la dernière scène, Knock avoue ne pouvoir s'empêcher, en voyant un visage, d'élaborer un dia­ gnostic.

«A tel point, dit-il, que, depuis quelque temps, j'évite de me regarder dans une glace.

,.

Louis Jouvet a d'ail­ leurs joué de cette dualité.

Dans le film tourné en 1933 par Roger Goupillières, son interprétation force le trait de la caricature.

Dans la version de 1950, réalisée par Guy Lefranc, son Knock est plus mystérieux.

Son magnétisme et son sérieux inquiétent.

On hésiterait à en faire un simple escroc.

0 apparaît plutôt comme le prophète d'une reli­ gion nouvelle, ou comme un troublant meneur d'hommes.

La pièce devient alors une réflexion sur l'influence et la soumission, ce qui pourrait expliquer ce nom étrange : « Knock, toc.

To knock, en anglais, veut dire frapper.

Ce n'est pas un titre, c'est un bruit, une onomatopée.

C'est, dans l'art de la boxe, le coup décisif, la mise hors de combat,.

(Louis Jouvet, Témoignages sur le théâtre).

Jules Romains alerte ainsi le public sur les risques de la crédulité et de la foi aveugle dans le progrès.

Il poursuit une méditation sur l'unanimisme (voir la Vie unanime, 1908) à travers cette satire de l'imposteur qui détourne à son profit la modernité et manœuvre le groupe.

En ce sens, Knock annonce Nodiard, l'opportuniste de Naissance de la bande (voir les *Hommes de bonne volonté), qui, en digne élève des fascis- .

tes et des nazis, use de son charisme pour s'emparer du pouvoir.

Knock a sur lui l'avantage de limiter ses ambi­ tions : Il prête encore à sourire.

Pour­ tant, à l'acte 1, il déplore : "Tous les métiers sécrètent l' ennui [ ...

].

Il n'y a de vrai, décidément, que la médecine, peut-être aussi la politique, la finance, le sacerdoce que je n'ai pas encore essayés.,.

Est-ce l'annonce de mystifi­ cations de plus grande envergure ? Bien que Knock ait remporté, dans une mise en scène comique, un immense succès au théâtre, Georges Pitoëff y voyait une "pièce macabre,., pei­ gnant, avec une "horreur magnifi­ que», " l'affreuse tragédie de [son] époque».. »

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