Journal intime de Maine de Biran
Publié le 07/04/2013
Extrait du document
Le Journal intime n'était pas à l'origine destiné à la publication. Ernest Naville fit paraître certains extraits en 1841. Il fut publié intégralement en 1927 Les " idéologues " - le terme est de Chateaubriand- sont un groupe d'intellectuels, héritiers du rationalisme des Lumières, qui tentent, au lendemain de la Révolution, de redéfinir une doctrine philosophique fondée sur la raison, la connaissance scientifique et la foi dans le progrès. Ancêtres des positivistes, s'opposant tant aux excès des révolutionnaires qu'au despotisme monarchique ou impérial - ce qui leur vaut l' irumitié de Napoléon - ils représentent l'idéologie de la classe émergeante : la bourgeoisie libérale. C'est sous leur influence que seront créés l'Institut, les Écoles centrales et l'École normale supérieure. Outre Maine de Biran, on compte parmi eux des hommes tels que Condorcet, Destutt de Tracy, Cabanis ou Volney.
«
« Imaginons que notre
m onarqu e infortuné ,
que la
faib lesse conduisit à l'échafaud, au lieu d'être guidé par les conseil s pernicieux
de sa co ur ignorante
et corro mpue ...
,.
EXTRAITS ------ -~
Après avoir assisté avec douleur
à l'agonie de sa sœur, Maine de Biran
se livre à une réflexion sur
l'immortalité de l'âme.
Bien qu'il ait
encore une position agnostique sur
le sujet, on sent déjà chez lui le besoin
de croire à sa survie
La première pensée qui se présente,
lorsqu'on voit mourir ses amis, c'est de
se demander
ce qu 'ils deviennent.
L'idée
de l'anéantissement serait affreuse, elle
répugne au cœur de
l'homme.Je ne suis
point étonné que ce
dogme de
l' immor
talité soit
si ancien,
si général.
La na
ture , qui nous a
donné l'espérance
dans nos maux les
plus extrêmes, n'a
pas voulu y mettre
de bornes et nous
l'a prolongée , même après le terme qui
semble ne plus en permettre.
La religion est
venue
confirmer l'espoir que donnait la
nature.
Le vulgaire qui adopte sans examen
tous les principes dont on
l'a imbu dans son
enfance, croit sans réfléchir.
Le philosophe
chrétien
soumet sa raison et croit sans
concevoir.
Celui qui, privé des lumières de
la Révélation, s'est livré uniquement à celles
de la raison, doute,
n'admet ni ne rejette,
pénétré de son ignorance, trop circonspect
pour porter un jugement dans une matière
si obscure : il n'ose affirmer ni nier, tandis
que l'aveugle athée qui dit dans son cœur
avec une impudence
mensongère: « Il n'y
a pas de Dieu », relègue cette opinion
consolante au nombre des chimères et des
fables.
Année 1793, Méditation sur la mort près
du lit funèbre de ma sœur Victoire.
Amené à jouer un rôle politique assez
important pendant la Restauration,
Maine de Biran ne renonce pas à
l'exercice de l'introspection.
Entre deux séances de travail
ou deux soirées mondaines,
il
s'ana lyse lui-même avec lucidité
et honnêteté
Froid d'hiver, neige.
Je suis toujours dans
un état pénible
et nerveux.
Je n'ai aucune
tenue dans les idées .
Il me vient des saillies
de pensées, mais
je retombe presque aussi
tôt dans les distractions
et les aberrations.
J'ai exercé mon activité au dehors, suivi
plusieurs bureaux.fait quelques affaires de
liquidation.
Soirée du ministre de la
Police.
Je me surprends quelquefois , surtout dans
la solitude, encore plein des illusions de la
jeunesse .
Il me semble encore que je dois
faire de
/'effet par mon extérieur, et je
pare cette carcasse, déjà vieillie, avec une
complaisance ridicule, comme
si elle pou
vait attirer et flatter les regards comme
autrefois ; mais, quand je suis dans le
monde , la preuve que j'ai de ma chute
physique me rend timide et embarra s sé.
J'avais trop de confian ce dans ma figure ,
j'attachais trop de prix à cet avantage
périssable et fragile .
J'en suis puni dans
/'âge avancé
par la perte du premier élément
de
ma sécurité et de mon bonheur d'autre
fois.
Je devrais trouver des compensations
dans le moral, mais
elles m'échappent, et
j'ai trop négligé les
moyens de me les
ménager.
9 avril 1817
19 mars 1815, dimanche .
-« A huit heures
j'apprends que le départ du roi est réso lu, et qu'il n'y aura pas de combat .,.
NOTES DE L'ÉDITEUR primordiaux d'activité et de liberté( ...
).
Tout à la joie de sa géniale trouvaille, le
philosophe déclare la guerre au sensualisme
idéologique, dont
son esprit perspicace
avait distingué les dangereux aboutissants,
le matérialisme
et le phénoménisme.
Pour
sa part il se construit une psychologie
particulière, qui repose tout entière sur
le
fait, capital à ses yeux, qui est le sentiment
de l'effort.
véritable fait primitif, qu'il faut
placer, selon lui, au début de
la science de
l'homme : Je veux, donc je suis.
»
de Maine de Biran, introduction , Librairie
Pion, Paris, 1927.
Né
à Bergerac en 1766, Maine de Biran fera,
parallèlement
à son œuvre de philosophe ,
une belle carrière
d'homme public : garde
du corps de Louis XVI, avocat dans sa ville
natale, sous-préfet, puis député
de la
Dordogne à la chambre des Pairs sous la
Restauration et Conseiller d'État, il sera
anobli
et recevra la Légion d'Honneur.
« Par la puissance de sa réflexion solitaire,
Biran a découvert le Moi, avec ses attributs
A.
de la Valette-Monbrun, Journal intime
1 portrait de Maine de Biran par Duviv ie r 1 Lauros-O iraudon 2.
3 Lauros-Oiraudon 4 tableau de Gros , c hlteau de Versai lles 1 Te larci-Oiraudon
« Ce qui frappe tout d'abord chez Maine
de Biran, c'est la noble sse d'âme .
Dans sa
vie privée comme dans sa longue carrière
politique,
l'on ne découvre pas la plus petite
vilenie.
Étranger
à toutes les misérables
intrigues
de parti, le philosophe apparaît
uniquement conduit dans ses actes ou dans
ses votes par
la considération de l'intérêt
général.
» Idem.
M AINE DE BIRAN 02.
»
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