Jeanne d'Arc de Michelet
Publié le 30/03/2013
Extrait du document
Le royaume de France est en grand péril; en 1429 une humble bergère lorraine va le sauver.
Fils du peuple, Michelet plus qu'un autre apprécie l'humilité sublime de son héroïne et veut « écarter la chronique pour s'en tenir aux actes«.
«
Le tribunal de Rouen
..--------- -- EXTRAITS
Un choix difficile
Les deux autorités, paternelle et céleste,
commandaient des choses contraires.L'une
voulait qu'elle restât
dans/' obscurité, dans
la modestie
et le travail ; /'autre qu'elle
partît et qu'elle sauvât le royaume.L'ange
lui disait
de prendre les armes.
Le père, rude
et honnête paysan,jurait que, si sa
filles' en
allait avec les gens de guerre, il la noierait
plutôt de ses propres mains.
De part ou
d'autre, il fallait
qu'elle désobéît.
Ce fut
là sans doute son plus
grand combat ; ceux
qu'elle soutint contre
les Anglais ne devaient
être qu'un jeu à côté.
Au procès,
une sérénité qui
irrite ses juges
Parmi ces naïvetés, elle
disait des choses su
blimes :
«Je viens de
par Dieu, je n'ai que
faire ici, renvoyez-moi à
Dieu, dont je suis
venue ...
Vous dites que
vous êtes mon
juge ;
avisez bien à ce que
vous ferez, car vraiment
je suis envoyée de Dieu,
vous vous mettez en grand danger.
»
Ces paroles sans doute irritèrent les juges
et ils lui adressèrent une insidieuse et
perfide question, une question telle qu'on ne
peut sans crime /'adresser à aucun homme
vivant:« Jehanne, croyez-vous être en état
de
grâce?»
Ils croyaient/' avoir liée d'un lacs insoluble.
Dire non, c'était s'avouer indigne d'avoir
été/' instrument de Dieu.
Mais d'autre part,
comment dire oui ? Qui de nous, fragiles,
est sûr ici-bas d'être vraiment dans la
grâce de Dieu ? Nul, sinon /'orgueilleux, le
présomptueux, celui justement qui de tous
en est le plus loin.
Elle
trancha le nœud avec une simplicité
héroïque et chrétienne :
«Si je n'y suis, Dieu veuille m'y mettre, si
j'y suis, Dieu veuille m'y tenir.»
Les pharisiens restèrent stupéfaits.
29 m
ai1431,
place du Vieux-Marché, à Rouen
Ellen' accusa ni son roi, ni ses saintes.
Mais
parvenue au haut du bûcher, voyant cette
grande ville, cette foule immobile et silen
cieuse, elle ne put s'empêcher
de dire : «Ah !
Rouen, Rouen,j' ai grand-peur que tu n'aies
à souffrir de ma
mort ! » Celle qui avait
sauvé le peuple et que le peuple abandon
nait
n'exprima en mourant (admirable
douceur
d'âme ! ) que de la compassion
pour lui
...
Elle fut liée sous /'écriteau infâme, mi
trée d'une mitre où on lisait :
« Hérétique,
relapse, apostate, ydolastre ...
»Et alors
le bourreau mit le feu ...
Elle le vit d'en haut
et poussa un cri ...
Puis, comme le frère qui
/'exhortait ne faisait
pas attention à la
flamme, elle eut
peur pour lui, s'oubliant
elle-même, et elle le fit descendre.
Histoire de France,
Éditions Rencontre,
1966
« Et les Anglais disaient " Nous sommes perdus, nous
avons brûlé une sainte.
" »
NOTES DE L'ÉDITEUR Jeanne d'Arc constitue au milieu de
l'Histoire de France un véritable roman
naturaliste, dans
le
sens que
le mot a
conservé aux yeux de
! 'histoire littéraire
et comme illustration des thèmes matériels
de Michelet.
Tout
d'abord l'historien y
met en scène un certain nombre de thèmes
cosmiques très révélateurs de son
obsession naturelle.
Le trait fondamental
de Jeanne est son appartenance au monde
de
la lumière.
Elle participe d'un éblouissement
solaire qui s'oppose
à
l'obscurcissement lunaire où s'égare
Charles VII, où s'égarera Charles le
Téméraire.
Cette appartenance au monde
solaire donne
à tout le développement de
Michelet son rythme
et son style : le soleil,
représentation majeure du système astral,
appelle
le ton épique, exclut l'ironie et la
miniature.
» Claude Mettra, présentation de
!'Histoire de France, Éditions Rencontre,
Lausanne 1966.
« La Jeanne d'Arc de Michelet est sans aucun
doute
le texte le plus connu de
notre historien,
celui qu'on
livre innocemment à toutes les
anthologies scolaires comme si, dans I 'œuvre
énorme que constitue
!'Histoire de France,
les pages consacrées à la Pucelle étaient
exemptes de tous
les défauts si abondamment
soulignés
dans toute une partie de cette
œuvre : démesure, partialité, sensualisme
...
1 Sipa-lcono 2, 3, 4, 5 ill.
de Guillonnet / Edimédia MICHELET04.
»
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