JEAN Sbogar. Roman de Charles Nodier (résumé de l'oeuvre & analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
Extrait du document
Près de Trieste, en 1806, Mme Alberti et sa jeune sœur Antonia vivent dans une retraite presque complète avec pour seul amusement des promenades au cours desquelles elles écoutent des chants du folklore illyrien. Elles entendent parler du brigand Jean Sbogar et de ses compagnons les « Frères du bien commun », dont le pays doit souffrir les exactions. Des personnages mystérieux espionnent Antonia - ce sont Sbogar et ses amis. Lors d'un voyage de Trieste à Venise, la voiture des deux sœurs est attaquée par des brigands, mais un moine arménien, qui fait route en compagnie des deux femmes, s'interpose entre elles et les assaillants : ce moine est Sbogar. À Venise, tout le monde parie d'un certain Lothario, jeune homme respecté de la bonne société, aimé du peuple et des pauvres, qu’il a l’habitude de secourir. De nouveau, il est question de Sbogar. Lothario-Sbogar est admis dans la société de Mme Alberti ; il aime Antonia, d’où sa présence constante à ses côtés, et bientôt celle-ci tombe amoureuse de lui, bien qu’il l’inquiète à cause de ses opinions politiques et de son scepticisme en matière de religion. Se rendant de nouveau à Trieste, les deux sœurs sont enlevées par les brigands : Mme Alberti est tuée accidentellement au cours de l’action, et Antonia est enfermée au château de Duino. C’est là qu’elle perd la raison, devant le lit de mort de sa sœur. Sbogar-Lothario est capturé par les troupes françaises qui ont envahi le territoire ; Antonia révèle à la police l'identité du brigand en reconnaissant en lui Lothario. Elle meurt en comprenant qu’elle a aimé un brigand, tandis que celui-ci manche au supplice.
Jean Sbogar constitue le lieu de rencontre de plusieurs thèmes chers à Nodier : l'idée des origines ou de l'âge d'or est illustrée, ici, par l'image du pays des Monténégrins, où Lothario a passé une partie de sa jeunesse ; les traditions vivantes du peuple se trouvent en Dalmatie aussi bien qu'à Venise sous forme de chants populaires ; le brigand ou le proscrit révolté appartient à la famille des solitaires dont l'auteur s'est plu à faire des héros ; enfin, dans le personnage d'Antonia se concrétisent à la fois les superstitions (« Ces effets mystérieux qui doublent l'aspect de la vie et qui donnent un
monde nouveau à l'intelligence »), les cauchemars (« Les âmes des assassins qui [...] venaient [...] autour de moi bondir »), et la folie que l'on rencontre si souvent dans ses récits, tels Smarra (1821), ou Inès de las Sierras (1837).
JEAN Sbogar. Roman de Charles Nodier (1780-1844), publié à Paris chez Gide en 1818.
Ce « roman historique » n'en est pas un, les références à l'Histoire demeurant très vagues. Il fut adapté au théâtre dès 1818 dans un mélodrame de Cuvelier et Léopold créé au théâtre de la Gaîté, et mal reçu par la critique à cause de son contenu politique. La substance du roman - descriptions de Trieste et de Venise, folklore de la Dal-matie- est due au séjour de l'auteur dans le Trentin en 1813. L'inspiration thématique, cependant, vient de Schiller (Die Rauber, traduit en français en 1785 sous le titre Robert, chef de brigands, que Nodier a sans doute vu au théâtre de Besançon) et de Zschokke (Abellino, le grand bandit), bien que l'auteur, plein d'ironie, ait renié ces influences dans ses « Préliminaires » ajoutés pour la réédition de 1832. La tradition anglaise du roman noir (Lewis, le Brigand de Venise, traduit en français en 1806, et les romans d'Ann Radcliffe) a sans doute influé sur l'image du héros et la description du fameux château de Duino.
«
Près de Trieste, en 1806, Mme Alberti et sa jeune sœur Antonia vivent dans une retraite
presque complète avec pour seul amusement des promenades au cours desquelles elles écou tent des chants du folklore illyrien.
Elles enten
dent parler du brigand Jean Sbogar et de ses compagnons les « Frères du bien commun », dont le pays doit souffrir les exactions.
Des per
sonnages mystérieux espionnent Antonia -ce sont Sbogar et ses amis.
Lors d'un voyage de
Trieste à Venise, la voiture des deux sœurs est
attaquée par des brigands, mais un moine armé
nien, qui fait route en compagnie des deux fem mes, s'interpose entre elles et les assaillants : ce moine est Sbogar.
À Venise, tout le monde parle
d'un certain Lothario, jeune homme respecté de
la bonne société, aimé du peuple et des pauvres, qu'il a l'habitude de secourir.
De nouveau, il est
question de Sbogar.
Lothario-Sbogar est admis dans la société de Mme Alberti ; il aime Antonia,
d'où sa présence constante à ses côtés, et bien tôt celle-ci tombe amoureuse de lui, bien qu'il
l'inquiète à cause de ses opinions politiques et de son scepticisme en matière de religion.
Se ren
dant de nouveau à Trieste, les deux sœurs sont
enlevées par les brigands : Mme Alberti est tuée
accidentellement au cours de l'action, et Antonia
est enfermée au château de Duino.
C'est là qu'elle perd la raison, devant le lit de mort de sa sœur.
Sbogar-Lothario est capturé par les trou pes françaises qui ont envahi le territoire ; Anto nia révèle à la police l'identité du brigand en reconnaissant en lui Lothario.
Elle meurt en comprenant qu'elle a aimé un brigand, tandis que
celui-ci marche au supplice.
Jean Sbogar constitue le lieu de ren
contre de plusieurs thèmes chers à
Nodier : l'idée des origines ou de l'âge
d'or est illustrée, ici, par l'image du
pays des Monténégrins, où Lothario a
passé
une partie de sa jeunesse ; les tra
ditions vivantes
du peuple se trouvent
en Dalmatie aussi bien qu'à Venise
sous forme de
chants populaires ; le
brigand ou le proscrit révolté appar
tient à la famille des solitaires dont
l'auteur s'est plu à faire des héros;
enfin, dans le personnage d'Antonia se
concrétisent à la fois les superstitions
(«Ces effets mystérieux qui doublent
l'aspect de la vie et qui donnent un
monde nouveau à l'intelligence>>}, les
cauchemars (
« Les âmes des assassins
qui [ ...
]
venaient [ ...
] autour de moi
bondir>>}, et la folie que l'on rencontre
si souvent dans ses récits, tels
Smarra (1821), ou Inès de las Sierras (1837).
Mais le drame
proprement dit est
celui de
jean Sbogar, personnage dou
ble
et déchiré par les deux penchants
de son être qui le portent tantôt vers
cette liberté qu'il a vécue chez les Mon
ténégrins,
tantôt vers la société de
Venise.
Si Lothario pense faire du bien
en distribuant aux pauvres ses riches
ses, Sbogar, en faisant du mal avec sa
«troupe sanguinaire>>, pense lutter
pour « la liberté et le bonheur ''· Le
héros, toujours sombre et renfermé,
cache son désespoir sous le masque
du
brigand que légitiment les idées expri
mées
par Rousseau dans le *Discours sur
l'origine et les fondements de l'inégalité.
Mais le héros généreux est fatalement
mauvais, satanique : à cet ange déchu,
il ne reste que la révolte - et la
«conviction du néant», c'est-à-dire le manque de foi.
Il s'en plaint, d'ailleurs,
devant Antonia, la seule personne sus
ceptible de le libérer de ses peines.
L'homme exclu
du paradis terrestre est
damné sans l'intervention de l'inno
cence, thème apparenté à celui
d'"Éloa"
de Vigny (voir *Poèmes anti
ques et modernes).
Chez Nodier, le
drame finit
par une véritable descente
aux enfers, lorsque, dans les souter
rains
du château de Duino, Anto
nia trouve le corps de sa sœur
Mme Alberti, et que le brigand l'em
brasse, baiser qui provoque chez la
femme
« une volupté dévorante qui
participait
du ciel et de l'enfer>>.
Sbogar-Lothario, cependant, professe
une certaine idéologie politique qu'il
explique devant Antonia.
Le peuple
serait dans
une période de transition,
« arraché à ses anciennes mœurs et à
ses anciennes
lois» -c'est visiblement
à la période révolutionnaire
qu'il.
»
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