JEAN DE MEUNG : Le Roman de la Rose
Publié le 23/02/2013
Extrait du document
Il prend conseil auprès de FauxSemblant, maître de l'hypocrisie, qui fait l'apologie de la ruse et de la tromperie. BelAccueil sera libéré une première fois avant d'être de nouveau fait prisonnier par Danger, Peur et Honte. En attendant que les assiégeants viennent à bout de leurs ennemis et qu'enfin Amant accède à la Rose, car il s'agit maintenant d'un véritable combat pour l'amour, Jean de Meung donne encore la parole à Nature, puis à son chapelain, un certain Génius.
Guillaume de Lorris avait écrit la première partie du Roman de la Rose. Vers 1280 apparut une seconde partie, due à Jean Chopine( ou Clopinel, dit Jean de Meung (ou Meun). Elle compte 18 000 vers et oublie l'éthique courtoise de la première partie pour disserter sur les questions les plus diverses.
«
Lucrèce s'enfonçant un
poignard dans le cœur
EXT RAITS
Français ancien et moderne
Vers le bouton tant me tréoit
Mes cuers, que aillors ne
béait:
Se ge l'éusse en ma baillie,
Il m 'éust rendue la vie ;
Le véoir sans plus et l 'odor
M'alejeoient moult ma dolor.
Mon cœur n'aspirait qu'à cueillir
Le bouton et me poussait vers lui :
Si je l'avais eu en ma possession,
Il m'aurait rendu la vie.
Sa vue seule et son odeur
Allégeaient mes souffrances.
Faux-Semblant
affiche son Credo
et dénonce
l'état du monde
...
on peut difficilement arri
ver à quelque chose dans ce
siècle,
sil' on craint Dieu; les
bons qui
évitent le mal, qui
vivent honnêtement de ce
qu'ils ont , et qui se condui
sent selon Dieu, se procurent
avec peine leur pain au
jour
le jour : telles gens on trop
de misère ; il
n'est vie qui me
déplaise tant.
Au contraire
voyez les deniers que les usu
riers, les faussaires et les ven
deurs à terme entassent dans
leurs greniers : baillis , be
deaux, prévôts , maïeurs, presque tous vi
vent de rapine ; le menu peuple les salue
très bas, et ceux-ci les dévorent comme des
loups ; tous fondent sur les pauvres gens ;
il
n'en est nul qui ne veuille les dépouiller ;
tous s'engraissent de leur substance et les
plument tout vifs ; le plus fort vole le plus
faible,
mais moi , avec ma simple robe,
trompant trompés
et trompeurs, je vole
volés et voleurs.
Par mes impostures j'amasse un trésor que
rien ne peut entamer car tout en
le dépensant
à édifier des palais, à me gorger
de tous les plaisirs
du
lit, de la table et de
la compagnie (c'est mon exis
tence
etje n'en veux d'autre),
mon argent et mon
or ne ces
sent
de s'accroître ; avant que
mes coffres soient vides, les
deniers m'arrivent de nouveau
et en abondance.
Ne fais-je
pas bien danser mes ours ?
Acquérir est tout mon souci.
Raison discute de l'origine
du langage et des « vilains »
mots
Tu m'objectes que, si Dieu fit
les choses il ne fit pas les mots.
Je te réponds : peut-être que
non, du moins ceux qui les dé
signent aujourd 'hui .
Il
put bien, néanmoins,
les nommer, au moment où il créa le monde
et tout ce qu 'il renferme.
Mais il voulut que
je leur trouvasse des noms à mon plaisir,
des termes propres à l'usage commun
pour
accroître notre intelligence , et il me donna
le don précieux de la parole.
Adaptation en français moderne
d'André Mary
Héloïse et Abélard
Songe et
départ de l'Amant
NOTES DE L'ÉDITEUR
«Une œuvre semble résumer et reprendre
une fois pour toutes l'évolution qui se
produit pendant le cours du
xme siècle sur
le thème qui a tout spécialement -on
pourrait dire uniquement -passionné le
Moyen
Age: l'amour.
Et il se trouve que,
même dans sa forme littéraire, cette œuvre
résume aussi tout un aspect de la poésie
médiévale : dans ses images , dans son rythme,
dans ses évocations.
Il s'agit du
Roman de la Rose qui occupe tout le
xme siècle tandis qu'il résume les
précédents et que ceux qui suivent
s'e n
inspireront
jusqu'à la Renaissance et au
delà.
» Régine Pernoud, Histoire des
littératures,
Gallimard, 1958.
« Chez Jean de Meung la partie didactique
prend une importance capitale.
Le drame
religieux conçu par Guillaume va s'attarder en
longs dialogues ,
en
discours, en
intermèdes, qui sont autant de prétextes à
de brillantes amplifications.
La grande
nouveauté de Jean de
Meung( ...
) c'est
l'expression des vérités morales et la
controverse philosophique ;
il transporte les
disputes
del' école sur la scène littéraire.
»
André Mary, Le Roman de la Rose ,
introduction, Gallimard, 1949.
1, 2 manuscrit en lumin é de la Co nso la tion de la Philo sop hie de Boèce, Rouen, bibl.
muni e./ Gira udon 3, 4, 5, 6 manu scr it enlumin é du Roman de la Rose, x1ve s., Cha ntilly, Musée Condé/ G iraudon JEAN DE MEUNG 02.
»
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