Impressions d'Afrique de Raymond Roussel (analyse détaillée)
Publié le 22/10/2018
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Impressions d'Afrique. Roman de Raymond Roussel (1877-1933), publié à Paris en feuilleton dans le Gaulois du dimanche de juillet à novembre 1909, et en volume chez Alphonse Lemerre la même année.
En 1897, âgé de vingt ans, Raymond Roussel avait publié la Doublure, roman en vers qui n'avait obtenu aucun succès. Cet échec l'affecta au point que, dans les dix années qui suivirent, il ne publia que des poèmes descriptifs comme la Vue ou le Concert, et des contes comme Chiquenaude. En 1909 enfin, il ose de nouveau se risquer dans une forme longue avec Impressions d'Afrique.
Le narrateur s'est embarqué le 15 mars à Marseille sur le Lyncée, paquebot faisant route vers l'Amérique du Sud. Après un calme début de traversée, pendant lequel il se lie avec « une fraction de passagers » - dont un grand nombre d'artistes, de chanteurs, d'acrobates et un hypnotiseur -, un ouragan terrible se déchaîne et jette le Lyncée sur la côte d’Afrique À terre, les naufragés sont accueillis par un jeune Noir «à mine
intelligente». Séil-kor. qui doit les conduire à Ejur, capitale du Ponukélé-Drelchkaff, où l'empereur Talou VII espère en obtenir une rançon. Le groupe est donc pris en otage.
Pour occuper l'attente de la rançon réclamée en Europe, les naufragés suivent l'idée de l'un d'eux, l'historien Juilland, de créer « une sorte de club étrange dont chaque membre serait tenu de se distinguer soit par une oeuvre originale, soit par une exhibition sensationnelle ». Ainsi naît le « Club des Incomparables ». dont les membres préparent un gala d'attractions vraiment uniques, qui a lieu le 25 juin, jour du sacre de Talou VII, sur l’immense place des Trophées, au coeur d'Ejur. Parmi les nombreux numéros, des tableaux vivants (« Ursule, accompagnée de la Huronne Maffa. prête son appui aux ensorcelés du lac Ontario »). des numéros musicaux - le plus célèbre : le Breton lelgouach jouant de la flûte sur l’os de son tibia -, et bien d'autres curiosités.
«
lecteur : quel est ce livr e dont la lecture
est conseillée
à l'envers?
Roussel ne s'attarde guère
à décrire
son Afrique : le nom doit suffire à
combler l'attente du lecteur, par l'évo
cation implicite d'un exotisme litté
raire et théâtral -ou plus simplement
journalistique.
L'Afrique de Roussel est
cel le du
Journal des Voyages, de 1'11lus
tration aussi bien que des Cinq Semaines
en ballon de Jules Verne ou du Roman
d'un spahi de Pierre Loti (ces deux der
niers étaient idolâtrés par Roussel).
Mais, comme l'a fait remarquer
Fran
çois Caradec, Roussel s'inspire surtout
de lui-même et le roman prend
nais
sance dans un co nte de jeunesse , Parmi
les Noirs.
L'Afrique, à vrai dire, se résume à un
lieu : la place des Troph ées d'Ejur, capi
tale du Ponukélé-Drelchkaff, qui fonc
tionne comm e une scène sur laquelle
se succèdent les attraction s.
En ce sens,
Impressions d'Afrique tient du pur spec
tacle, accumulant tableaux à effets du
Châtelet et numéros de cirque ou de
music-hall ,
dont certains o nt beau coup
fait pour la gloire de Raymond
Rou s
sel : " l'ilote en baleines de cors et » rou
lant sur « des rails en mou de veau » est
à l'époque devenu célèbre, plus encore
que le ver de terre joueur de cithare
int erprétant des airs d'opé rette, pré
senté par le Hongrois Skarioff szky.
ll y
a dans l'invention roussellienne une
capacité
d'in é puisable renouv ellement
dans
une p ai sible incongruité, qu 'il
mett e en scène Haendel , Rousseau ou
une version inédite de Rom éo et Juliette.
L'origine de ces visions si inatten
dues, Roussel l'a lui-mêm e révélé, se
trouve dans l'application de son pro
cédé fondé sur le calembour et la
dêcomposition des mots
(Comment j'ai
écrit certains de mes livres, posth., 1935).
Ainsi , pour le
num é ro Je plus fameux
du livre, d'où viennent les "r ails en
mou de veau » ? Il suffit d'« accou- ple
.r » : « 1° mou (individ
u veule) à raille
(id je pensais à un collégien paresseux
que ses camarades raillent
pour son
incapacitê) ; 2° mou (substance culi
naire) à rail (rail de chemin de fer).
,.
Si
elles fournissent parfois des bribes
éclairantes, le charme des explications
de Roussel est de ne rien expliquer.
Les Impression s d'Afriqu e sont une
tentative très ambitieuse ; c'est un
vaste roman (le plus long texte de son
auteur ) qui prop ose une intrigue et une
organisation du temps.
Locus solus
(1914}, livre plus riche et mieux
abouti, renoncera presque totaleme
nt
à la fresque romanesque (naufrage,
captivit
é, ran çon).
Le roman n'eut gu è re d'écho critique
et auc un succès.
Su r la suggestion, sem
ble -t -il, d'un Edmond Rostand admira
tif, Rou ssel adapta au théâtre les fastes
d'Ejur .
Donnêe au théâtre Femina
d 'a bo rd (1911
}, pui s au théâtre
Antoine (mai 1912}, la pièce
obtint
finalement un suc cès de scandale et
une critique abondante où furent évo
qués Jules Verne et Shakespeare , Poe et
H.
G.
Wells, Rabelais , Balzac et les Mille
et Une Nuits.
Il est à nos yeux plus inté
ressant de noter qu'assistèrent à une
représentatio n Apollinaire , Picabia et
Marcel Duchamp -et que ce dernier y
trouva en partie l
'insp iration de la
Mariée mi se à nu par ses célibataires,
même.
jean-Christophe Averty a réalisé
pour la té lévision
un e admirab le adap
tation d'Impressions d 'Afri que..
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