IDÉES DIRECTRICES POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE ET UNE PHILOSOPHIE PHÉNOMÉNOLOGIQUE PURES, Edmund Husserl

 chaque chose possède en effet «une propre spécification eidétique et, au sommet, la spécification générale de «chose matérielle en général». C’est en opérant sur l’objet une variation imaginaire qui obéit aux seules exigences du «je peux» ou du «je ne peux pas» que je fais apparaître cet eidos ou invariant de la chose : cette dernière implique la temporalité, la spatialité, les rapports de causalité qu’elle entretient avec d’autres choses, quelles que soient les particularités qui la distinguent d’elles.

Si donc la phénoménologie, tout comme l’empirisme, est un «retour aux choses mêmes», elle en diffère en ce qu’elle remonte au-delà de l’expérience jusqu’aux essences, dans cette intuition originaire qu’est la «vision des essences» (Wesen-schau). C’est ainsi que peuvent se former diverses essences, objets de différentes eidé-tiques «régionales» (par exemple: région «chose», région «conscience»), coiffées à leur tour par l’ontologie formelle consacrée à l’essence d’objet en général. À ce stade de l’analyse, chaque science empirique ou «science de faits» dépend donc d’une science eidétique. La phénoménologie,

eidétique de la région «conscience», constitue notamment le fondement essentiel de la psychologie et des sciences de l’esprit. Cette région de la conscience doit être comprise dans sa stricte opposition à la région «nature»; il s’agit de deux modes d’être différents et Husserl désigne par «intentionnalité» cette propriété remarquable qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, c’est-à-dire d’être éclatement hors de soi : percevoir l’arbre qui est en face, ce n’est pas avoir une reproduction miniature de cet arbre dans l’esprit, mais viser l’objet lui-même. Non seulement l’être comme conscience se distingue de l’être comme objet mais, en plus, le monde naturel est relatif à la conscience dont il est le corrélat. La seconde section d’Ideen I, qui pose la réduction (ou épochè) de la thèse ou position naturelle du monde, isole la conscience comme résidu phénoménologique et fondement : retravaillant ici l’hypothèse cartésienne du malin génie, Husserl pose en pensée l’anéantissement du monde. L’être de la conscience est nécessaire et