Hypérion de Friedrich Holderlin
Publié le 09/04/2013
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Friedrich Holderlin (1770-1843) a laissé une oeuvre relativement restreinte - un roman, Hypérion; une tragédie inachevée, La Mort d'Empédocle (1798-1799) et des poèmes-, mais il avait l'habitude de reprendre sans cesse ses textes et il fut souvent interrompu dans son travail par la maladie. Il n'en reste pas moins un des plus grands poètes allemands, totalement dominé, jusqu'à l'aliénation mentale, par un romantisme parfois prophétique et angoissé par l'opposition entre le rêve et la vie.

«
«Parce qu'elle portait
encore le ciel dans son
cœur et ne s'était point
perdue comme moi ...
»
EXTRAITS
Larmes face à la nature
Bienheureuse Nature ! Ce que je ressens
quand
je lève les yeux sur ta beauté, je ne
saurais
le dire, mais tout le bonheur du ciel
habite les larmes que
je pleure devant toi, la
mieux aimée.
Tout
mon être se tait
pour écouter les tendres
vagues de
l'air jouer
autour de mon corps.
Perdu dans le bleu im
mense,
souvent je lève
les yeux vers !'Éther ou
je les abaisse sur la mer
sacrée, et il me semble
qu'un esprit fraternel
m'ouvre les bras, que la
souffrance de la soli
tude se dissout dans la
vie divine.
Mais
qu'est-ce que la
vie divine, le
ciel de
l'homme, sinon de ne
faire
qu'un avec toutes
choses?
Ne faire qu'un avec
toutes choses vivantes,
retourner,
par un ra
dieux oubli de soi, dans
le Tout de la Nature, tel
est le plus haut
degré de la pensée et de la joie , la cime sa
crée, le lieu du calme éternel où midi perd
sa touffeur, le tonnerre sa voix, où le
bouillonnement de la
mer se confond avec
la houle des blés.
Les premières approches de l'amour
Elle fit encore un pas, et considéra la falaise
abrupte.
Elle prenait plaisir à en mesurer
l'effrayante profondeur, à se perdre dans les
ténèbres des forêts qui élevaient à ses pieds
leurs cimes claires, hors du chaos des rocs
et des orageux torrents.
Le parapet sur
lequel elle s'appuyait n'était pas très haut.
Ainsi
eus-je
le droit de la retenir légèrement,
la Ravissante, comme elle se
penchait en
avant.
Un frisson de volupté brûlante
me
parcourut, tous mes sens se troublèrent, et
les
mains me brûlèrent comme charbons
quand je la touchai !
Et le bonheur de cette proximité familière,
le tendre
et naif souci qu'elle ne tombât, la
joie de voir sa ferveur !
Tout ce que l'homme a
fait ou pensé durant
des siècles, qu'est-ce à côté
d'un instant de
l'amour ? Là est
la réussite suprême, la plus
haute
beauté de la Nature, où tous les
degrés de la vie convergent.
C'est là notre
origine et notre fin.
Lettre à Diotima
Je ne trouve qu'à grand
peine les mots.
Sans doute on aime par
ler, bavarder ainsi que
les
oiseaux tant que le
monde vous souffle au
visage
comme brise de
mai ; mais de midi au
soir tout peut changer, et
qu'est-ce qui est perdu à
lafin?
Crois-moi, je te le dis du
fond de l' âme : le lan
gage est chose superflue.
Le meilleur reste tou
jours pour soi et repose
dans sa
profondeur
comme la perle au fond
de la mer.
Mais ce que je
voulais t'écrire, puisque
enfin il
faut au tableau un cadre et à
l 'homme un métier,
c'est que je vais m'en
rôler pour un temps dans la flotte russe; je
ne veux plus entendre parler des Grecs.
Ô très aimée ! quelle nuits' est faite autour
de
moi!
Traduction de Philippe J acottet
« Car le mystère
considérable dont
j'attends la vie, ou
la mort, doit être
un
jour révélé.
»
NOTES DE L'ÉDITEUR
Publié en deux parties, en 1797 et en 1799,
Hypérion est l'unique roman de HOlderlin.
C'est aussi le seul livre que le poète ait fait
paraître avant
qu'il sombre dans la folie Philippe
Jacottet -la preuve vivante que le
divin n'était pas
mort.»
théâtre, suspend ce monde entre réalité et
rêve, le cœur entre attente et regret,
l'œuvre
entre l'élégie et l'épopée.
»
(la tragédie La Mort d'Empédocle qui a
suivi
n'a jamais été terminée).
La figure de
Diotima a été inspirée
à !'écrivain par
Suzanne Gontard, la jeune mère des enfants
dont
HOlderlin a été deux ans le précepteur.
Une femme qu'il aima et dont il fut aimé.
« Elle fut -écrit le traducteur du livre,
«J'imagine -écrit encore Philippe Jacottet
à propos du roman -ces tableaux de Claude
Lorrain que
HOlderlin a vus à Cas sel, dans
l'été de 1796, en compagnie de Suzanne
Gontard ei de l' écrivain Heinse, en des
jours" vraiment heureux".
Hypérion, avec
ses amples paysages, ses marines, ses
visions de ruines grecques, de croisières et
de combats, baigne dans une lumière proche
de celle de Lorrain -et qui transfigure ce
1 coll.
Viollet 2.
3 .
4 , 5 fresques antiqu es, éd.
M e rmod, Lausanne , 1 957 I D.R.
La lecture d'Hypérion inspirait au jeune
Nietzsche (il
n'avait que dix-sept ans) ce
commentaire enthousiaste:
«Hypérion( ...
)
me fait une impression analogue à celle de
la houle.
Cette prose est
en effet musique,
sonorités tendres ou languides, coupées de
dissonances douloureuses
et mourant en
d'étranges et sombres
thrènes.
»
HÔLDERLIN 02.
»
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