Horla (le). Récits de Guy de Maupassant (analyse détaillée)
Publié le 24/10/2018
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Horla (le). Récits de Guy de Maupassant (1850-1893). Un premier « Horla » fut publié à Paris dans le Gil Blas le 16 octobre 1886, repris dans la Vie populaire le 9 décembre 1886, mais ne fut intégré à aucun recueil du vivant de l'auteur ; une seconde version fut publiée directement dans un recueil auquel elle donna son titre, chez Ollendorff en mai 1887, avant d'être reprise en feuilleton dans les Annales politiques et littéraires du 29 mai au 12 juin 1887.
La traque du Horla est double : il y a celle du héros à l'écoute angoissée d'un insaisissable double et celle de Mau-passant à la recherche d'un texte parfait. C'est que le sujet est de ceux qui lui tiennent à cœur : comme le narrateur de sa «Madame Hermet» (Gil Blas, janvier 1887), il pourrait dire « que les fous [1'] attirent ». Et, de fait, à s'en tenir aux seuls titres, on ne trouve pas moins de cinq récits faisant référence à cette attirance : « Fou ? » (Gil Blas, août 1882, repris la même année dans Mademoiselle Fifi) ; « la Folle » (le Gaulois, décembre 1882, repris dans Contes de la bécasse, 1883) ; « Un fou ? » (le Figaro, septembre 1884) ; « Lettre d'un fou » (Gil Blas, février 1885) ; enfin « Un fou » (le Gaulois, septembre 1885, repris la même année dans Monsieur Parent). Quant aux contes dont les protagonistes voient leur raison chanceler, ils pourraient à eux seuls occuper un recueil entier. Une telle attirance trouverait sans doute sa justification dans l'hérédité maternelle et la maladie; tout comme celle-ci et l'attrait du naturalisme ambiant pour le médical expliqueraient la fréquentation, deux années durant (1882-1884), des cours de Charcot sur l'hystérie à la Salpêtriè-re. Mais, plus que l'enquête biographique, qui ne pourrait qu'aboutir à une lecture autobiographique, il importe de suivre la lente maturation de la forme à travers trois textes thématique-ment proches, jusqu'à l'accomplissement de ce Horla de 1887 dans lequel on a pu voir tout à la fois le chef-d'œuvre du conteur et l'un des sommets du récit fantastique.
C'est dans la « Lettre d'un fou » (1885) que se trouve pour la première fois rapporté l'épisode du reflet perdu.
Lettre d’un fou. « En proie aux hallucinations et aux souffrances», un patient adresse à son médecin une lettre pour lui raconter l’histoire du « mal singulier de [son] âme ». Troublé par une phrase de Montesquieu - « Un organe de plus ou de moins dans notre machine nous aurait fait une autre intelligence » -, il s’est mis à douter de l’efficacité des sens à nous transmettre le monde sensible ; ainsi en est-il venu à éprouver le surnaturel jusqu’à le voir, comme en cette nuit où « l’invisible » lui déroba son ombre dans une glace ! Depuis, il quête en vain son retour ; mais le miroir est désormais peuplé de monstres « qui doivent hanter l’esprit des fous ».
Une réflexion théorique conduite à la manière d'un rapport scientifique (on notera l'anaphore des « donc » en début de paragraphe) et qu'exemplifie un bref épisode narratif final : ainsi se présente cette « Lettre » plus soucieuse de convaincre la raison du lecteur que de frapper son imagination.
Avec la première version du « Horla » (1886), le rapport analyse/récit s'inverse : un véritable conte s'organise avec une structure typée (l'inscription d'un récit rétrospectif dans un récit-cadre), des personnages campés, une logique événementielle et non plus seulement intellectuelle. Et au « que dois-je faire ? » somme toute assez plat qui concluait la « Lettre » succède l'ambiguïté finale énoncée par le docteur Marrande.
Le Horla (première version). Dans la maison de santé qu’il dirige, le Dr Marrande a réuni « trois de ses confrères et quatre savants » pour écouter la confession d’un malade qu’il qualifie de cas « le plus bizarre et le plus inquiétant qu' [il] ait jamais rencontré ».
La patient raconte alors sa vie dans sa propriété normande des bords de Seine, son existence calme et sereine jusqu’à ce jour d’automne de l’an passé où il fut pris de « malaises bizarres et inexplicables ». Des cauchemars s’ensuivirent, entraînant fatigue et amaigrissement ; puis survinrent des faits inexplicables : une carafe d’eau fut bue de nuit, dans sa chambre verrouillée ; une rose fut cueillie par une invisible main au cours
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Ollendorff en mai 1887, avant d'être
reprise
en feuilleton dans les Annales
politiques
et littéraires du 29 mai au
12 juin 1887.
La traque du Horla est double : il y a
celle
du héros à l'écoute angoissée d'un
insaisissable double et celle de Mau
passant à la recherche d'un texte par
fait.
C'est que le sujet est de ceux qui
lui tiennent à cœur : comme le
narra
teur de sa «Madame Hermet » (Gil
Bias,
janvier 1887), il pourrait dire
« que les fous [l'] attirent ».
Et, de fait,
à s'en tenir aux seuls titres,
on ne
trouve pas moins de cinq récits faisant
référence à cette attirance :
« Fou ? »
(Gil Bias, août 1882, repris la même
année dans
Mademoiselle Fifi) ; « la
Folle» (le Gaulois, décembre 1882,
repris dans
Contes de la bécasse, 1883) ;
«Un fou?» (le Figaro, septembre
1884) ;
« Lettre d'un fou » (Gil
Bias,
février 1885); enfin« Un fou» (le
Gaulois, septembre 1885, repris la
même année dans
Monsieur Parent).
Quant aux contes dont les protagonis
tes voient leur raison chanceler, ils
pourraient à eux seuls occuper
un
recueil entier.
Une telle attirance trou
verait sans doute sa justification dans
l'hérédité maternelle
et la maladie ;
tout comme celle-ci et l'attrait
du natu
ralisme ambiant pour le médical expli
queraient la fréquentation, deux
années durant (1882-1884), des cours
de Charcot sur l'hystérie à la
Salpêtriè
re.
Mais, plus que l'enquête biographi
que, qui ne pourrait qu'aboutir à une
lecture autobiographique, il importe
de suivre la lente maturation de la
forme à travers trois textes
thématique
ment proches, jusqu'à l'accomplisse
ment de ce Horla de 1887 dans lequel
on a pu voir tout à la fois le chef
d'œuvre du conteur et l'un des som
mets du récit fantastique.
C'est dans la «Lettre d'un fou»
(1885) que se trouve pour la première
fois rapporté l'épisode du reflet perdu.
Lettre d'un fou.
« En proie aux hallucinations et aux souffrances », un patient adresse à son médecin une lettre pour lui raconter l'histoire du « mal singulier de [son] âme ».
Troublé par une phrase de Montesquieu -« Un organe de plus ou de moins dans notre machine nous aurait fait une autre intelligence » -, il s'est mis à douter de l'efficacité des sens à nous transmettre le monde sensible ; ainsi en est-il venu à éprouver le surna turel jusqu'à le voir, comme en cette nuit où « l'Invisible » lui déroba son ombre dans une glace ! Depuis, il quête en vain son retour; mais le miroir est désormais peuplé de monstres « qui doivent hanter l'esprit des fous».
Une réflexion théorique conduite à
la manière
d'un rapport scientifique
(on notera l'anaphore
des« donc» en
début de paragraphe) et qu'exemplifie
un bref épisode narratif final : ainsi se
présente cette « Lettre » plus soucieuse
de convaincre la raison du lecteur que
de frapper son imagination.
Avec la première version du « Horla »
(1886), le rapport analyse/récit s'in
verse : un véritable conte s'organise
avec
une structure typée (l'inscription
d'un récit rétrospectif dans un récit
cadre), des personnages campés, une
logique événementielle et non plus
seulement intellectuelle.
Et au « que
dois-je faire ?
» somme toute assez plat
qui concluait
la « Lettre » succède
l'ambiguïté finale énoncée par le
doc
teur Marrande.
Le Horla (première version).
Dans la maison de santé qu'il dirige, le Dr Marrande a réuni «trois de ses confrères et quatre savants » pour
écouter la confession d'un malade qu'il qualifie de cas « le plus bizarre et le plus inquiétant qu' [il] ait jamais rencontré ».
La patient raconte alors sa vie dans sa pro priété normande des bords de Seine, son exis tence calme et sereine jusqu'à ce jour d'automne de l'an passé où il fut pris de « malaises bizarres et inexplicables».
Des cauchemars s'ensuivirent, entraînant fatigue et amaigrissement ; puis sur vinrent des faits inexplicables : une carafe d'eau fut bue de nuit, dans sa chambre verrouillée ; une rose fut cueillie par une invisible main au cours.
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