HOP SIGNOR ! de Michel de Ghelderode (analyse détaillée)
Publié le 23/10/2018
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HOP SIGNOR ! Drame en un acte et en prose de Michel de Ghelderode, pseudonyme puis patronyme d'Adémar Adolphe Louis Martens (Belgique, 1898-1962), publié dans les Cahiers du Journal des poètes à Bruxelles en 1938, et créé à Bruxelles en 1942.
L'idée de cette pièce fut soufflée à l'auteur par la coutume brabançonne du « bernement » qui consiste à faire sauter une personne à la conduite répréhensible dans un drap sur la place publique. Elle s'appuie aussi sur un fait
historique : le procès intenté à Anvers en 1555 contre une criminelle d'une grande beauté ayant commis un meurtre « indéchiffrable ».
Au cours d’une sarabande menée par deux nains grotesques et acerbes, apparaît Jureal, sculpteur difforme et rabougri, appelé par dérision « le Signor ». Deux nobles, Helgar et Adomo, venus lui rendre visite, le flattent grossièrement mais leur but réel est de courtiser sa femme Marguerite. Celle-ci apparaît humilie son mari, le traitant de « cro » et de gargouille. Puis elle provoque les deux seigneurs, racontant un rêve dans lequel l’un d’eux, métamorphosé en loup-garou, se précipite sur elle ; mais elle se déclare en même temps « sans curiosité » pour les jeux de l’amour. Elle révèle ensuite à Jureal que tout le monde en ville se gausse de sa couardise, tandis que survient le moine Pilar, brûlant d’un désir refoulé pour Marguerite : il la proclame « marquée par le Malin ». Jureal, devant qui les nains ont repris le thème du cocuage, se rend à la kermesse pour se venger. Marguerite pendant ce temps déclare au bourreau Larose la fascination qu’il lui inspire : elle sait qu’il éprouve en accomplissant son office une sorte d’extase sexuelle et, lui, indifférent à ses avances présentes, sait qu’elle lui est « promise ». Adomo et Helgar, refusant de se battre avec un manant font « berner » Jureal par la foule qui scande « Hop Signor I » : il en meurt Marguerite ricane devant la dépouille de son époux et s'offre à ses deux soupirants. Ils se battent devant sa chambre. Helgar tombe, Adomo s’enfuit Marguerite, à demi-nue, étreint Helgar moribond, puis se jette sur le moine terrorisé par l’ardeur de cette chair. Mais il a fait appeler la justice qui châtiera la veuve scandaleuse.
À ceux qui ont voulu voir dans cette pièce une illustration du masochisme, Ghelderode a répondu que ce drame était celui de l'impuissance. Impuissants le mari, les seigneurs, le bourreau, le moine, mais aussi cette femme qui rêve de viol et côtoie pour ainsi dire le rut en permanence, jusqu'au déchaînement final de sa luxure frustrée. Mais, ajoute l'auteur, son tempérament n'est pas aussi singulier qu'il y paraît : comme beaucoup de femmes,
«
elle ne peut assumer son désir que dans
la transgression, par le sacrilège, la
mort, la dérision.
À cet égard, elle
forme avec Jureal
un couple idéal à
rebours : ce mari « inachevé ,., affublé
de toutes l
es disgrâces et de tous les
ridicules, ce sculpteur génial qui
ne
saurait produi re autre chose que des
visions d'enfer, la révèle
à elle-même
par l'ignominie dérisoire de sa fm : « Le
sang est le grand révélateur » .et ouvre la porte par où « le songe joue un ins
tant dans le r éel».
La tran sgression
s'inscrit naturellement dans l'espace de
l a fête,
et les nains re h aussent le drame
de leur hilarité corrosi ve.
La perfection
de la co nstructio n dramatique est telle
qu 'on a pu qualifier Hop $ignor !
d'« épure »..
»
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